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10 octobre 2023 15 h 11

À quand une pompe à insuline gratuite?

Gilles Gagné

Journaliste

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Un citoyen de Maria, André Audet, attend une réponse depuis 2021

MARIA – André Audet, un citoyen de Maria souffrant de diabète de type 1, se demande quand le ministère de la Santé et des Services sociaux statuera sur la gratuité de la pompe à insuline comme celle qu’il utilise depuis 2015. Dans l’impossibilité de travailler et vivant grâce à deux petites rentes d’invalidité depuis huit ans, le quinquagénaire doit débourser 5000$ par an pour sa pompe.

Pourtant, depuis 2022, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux, l’INESSS – l’autorité québécoise en matière de médicaments – a établi que la pompe à insuline devrait être gratuite pour les diabétiques de type 1. De cause inconnue, cette forme de diabète n’est pas provoquée par une consommation excessive de sucre et elle est impossible à prévenir.

Les scientifiques supposent que le diabète de type 1 se manifeste quand le système immunitaire détruit les cellules qui produisent l’insuline. Cette insuline, essentielle pour l’être humain, peut être administrée avec un stylo, une seringue ou une pompe.

« Seulement pour l’accessoire, le pod, qui est collé à la peau et qui fait la lecture d’insuline, c’est 300$ par mois, donc 3600$ par année. En parallèle, la pompe, que je porte sur moi et qui est plus petite qu’un téléphone, vaut 6300$. C’est elle qui commande au pod la quantité d’insuline dont j’ai besoin », aborde André Audet.

« Certaines pompes coûtent plus cher que ça. Elle est à remplacer aux cinq ans. Sur une base annuelle, ça représente 5000$ par année. C’est beaucoup d’argent pour une personne invalide comme moi. Mes revenus représentent juste un peu plus de 50% de mon salaire quand j’étais préposé », ajoute-t-il.

André Audet a travaillé jusqu’en 2015 au centre de jour de la Résidence Saint-Joseph de Maria, assigné surtout à la prestation de services de loisirs en maintien à domicile, entre Nouvelle et Bonaventure. Son diabète l’a forcé à l’arrêt de travail. Il souffrait alors déjà d’arthrite. Les deux maux compliquent passablement sa vie quotidienne.

« J’ai contribué pendant 30 ans à la société à travers mes taxes et mes impôts. Je me sens un peu abandonné par le système du gouvernement présentement », note M. Audet, en pensant aux coûts engendrés pour régulariser son insuline.

« Le Yukon, les Territoires du Nord-ouest, le Nunavut, la Colombie-Britannique, l’Alberta, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick paient déjà la pompe à insuline. Le Nouveau-Brunswick a commencé à la payer en août. J’ai de la misère à croire qu’on ne peut pas faire la même chose au Québec », avance M. Audet.

Il est loin de rester immobile devant sa situation. « En 2021, j’ai commencé à prendre contact avec mon député de l’époque, Sylvain Roy [qui a terminé son mandat il y a un an]. En 2022, on est allé faire une conférence de presse au parlement à Québec. Avec une personne de Gatineau, on a déposé une pétition de 5000 noms, mais son dépôt n’a pas été accepté parce qu’elle n’était pas conforme aux exigences de l’Assemblée nationale. J’ai donné des entrevues. Nos efforts font progresser la cause. L’émission La facture de Radio-Canada a produit un reportage sur l’accès aux pompes à insuline », décrit-il.

« Nous sommes plusieurs personnes dans la même situation au Québec. Le 28 août, nous avons fait une action collective pour déposer une lettre à nos députés, dans mon cas à Catherine Blouin. Malheureusement, elle n’était pas à son bureau ce jour-là mais elle a réagi à CIEU-FM, à Radio-Canada puis à TVA », évoque André Audet.

Il a compris des réactions de Mme Blouin qu’elle admettait l’existence de discrimination pour les diabétiques.

« Le 11 septembre, j’ai rencontré la directrice de bureau de la députée, Catherine Miousse, et Véronique Chabot, qui travaille aussi à son bureau. On a convenu qu’elles allaient poser la question au ministère de la Santé, pour savoir quand ils [les fonctionnaires] comptent faire connaître leur décision au sujet de la pompe à insuline. J’en saisi que les fonctionnaires au ministère de la Santé et des Service sociaux sont en train d’évaluer, d’analyser tout ça. J’ai demandé que Mme Blouin nous écrive une lettre et qu’elle nous dise de quelle façon elle compte nous appuyer là-dedans. Je n’ai pas eu de nouvelles de cette lettre », explique M. Audet.

Le 18 septembre, il s’est rendu à Québec, où quelques personnes souffrant de diabète de type 1 ont convergé devant l’Assemblée nationale pour mettre de la pression sur les parlementaires et les fonctionnaires afin de rendre la pompe à insuline gratuite.

« Finalement, le groupe n’était pas si nombreux qu’on l’aurait désiré, mais on était quand même 25 personnes et on a eu l’occasion d’échanger avec la population sur place et donner de l’information. Il n’y avait pas de présence du gouvernement pour nous dire qu’ils entendaient notre message, pour nous dire qu’ils travaillaient sur notre dossier et pour nous donner de l’information sur une suite à donner », décrit M. Audet.

Devant toutes ces démarches, il avoue avoir hâte que ça débloque.

« Je veux savoir : ça fait déjà un an qu’ils analysent ça, dit-il en parlant des fonctionnaires du ministère de la Santé. Est-ce que ça va être trois mois, ou six mois de plus avant d’avoir une réponse? », se questionne-t-il.

André Audet a suivi un parcours atypique en matière d’évolution de sa maladie. « J’ai d’abord été diagnostiqué comme diabétique de type 2. Je prends de l’insuline depuis 2008 mais on n’arrivait pas à avoir un contrôle de mon niveau d’insuline. En 2015, mon médecin m’a dit : “tu n’as pas un type 2 mais un type 1.” Ça donne des glycémies très variables, surtout quand c’est découvert à l’âge adulte et à retardement. C’est plus difficile à contrôler qu’un diabète de type 1 normal », souligne-t-il.

La variété d’appareil visé, appelé pompe hybride ou pompe en boucle fermée, est loin d’être un caprice, assure-t-il. « C’est beaucoup plus efficace que des injections. Tu peux améliorer ta période pour rester dans la cible du taux d’insuline recommandé de 10 à 13%. Cette nouvelle technologie aide énormément. Cette pompe corrige notre insuline aux cinq minutes. La compagnie avec laquelle j’ai ma pompe à insuline mettrait cette pompe en marché en 2024. D’autres compagnies l’ont déjà sortie », précise André Audet.

« Je peux utiliser ma pompe encore un an, peut-être deux, mais après, je n’aurai plus la marge de manœuvre financière pour la remplacer et l’utiliser », note-t-il.

« L’objectif dans tout ça, c’est d’avoir une équité dans ce dossier-là et d’éviter les complications dues à la glycémie qui n’est pas bien traitée. Avec ces instruments, on évite les complications de santé pour les gens souffrant de diabète de type 1 et des coûts pour la société à cause d’une détérioration de notre état de santé », conclut-il.


André Audet compte deux ans de démarches, dont plusieurs lettres, afin d’obtenir la gratuité de la pompe à insuline. Photo: Gilles Gagné

Réaction de la députée Catherine Blouin

La députée caquiste de Bonaventure, Catherine Blouin, a répondu par écrit à GRAFFICI, qui cherche à savoir, comme M. Audet, quand le ministère de la Santé statuera sur la gratuité de la pompe à insuline.

« Nous sommes très sensibles à la situation des gens qui vivent avec le diabète et à leurs demandes. L’accès aux traitements pour ces patients est en constante évolution et nous voulons assurer le meilleur accès possible, écrit-elle. Les enjeux d’équité d’accès et d’efficience des pompes à insuline qui ont été soulevés dans le rapport de l’INESSS sont en analyse du côté du ministère et nous suivons l’évolution des travaux de très près. Rappelons que nous avons déjà posé quelques gestes. Les personnes diabétiques ont accès depuis 2019 aux lecteurs de glycémie en continu afin de recevoir une thérapie intensive et nous avons aussi annoncé un programme avec Diabète Québec afin que les patients qui n’ont pas de médecin de famille soient pris en charge.  Nous allons continuer le travail pour améliorer l’accès aux soins de qualité, notamment pour les pompes à insuline. »

Mme Blouin, qui est aussi adjointe gouvernementale au ministre de la Santé, ne fournit toutefois aucune référence temporelle au sujet d’un éventuel déblocage de « son » ministère. Il n’est pas possible de savoir non plus pourquoi l’analyse prend autant de temps.


La députée caquiste de Bonaventure, Catherine Blouin, dit suivre de près la situation des patients requérant des pompes à insuline mais elle ne peut fournir d’horizon temporel pour un déblocage de l’analyse du ministère de la Santé, pour lequel elle est adjointe gouvernementale. (Catherine Blouin septembre 2022)