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23 avril 2018 11 h 01

Aides-pêcheurs: vers un syndicat?

Gilles Gagné

Journaliste

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CARLETON, avril 2018 – Le pêcheur Gilles Albert, de Newport, croit que la syndicalisation des aides-pêcheurs constitue le seul moyen de venir à bout de ce qu’il qualifie d’abus à l’endroit de cette catégorie de travailleurs, spécifiquement les hommes de pont des crabiers.

M. Albert, qui est embauché par les Micmacs, explique sa sortie des derniers mois à ce sujet par la sollicitation de plusieurs aides-pêcheurs au fil des ans, des gens qui estiment être sous-payés mais qui craignent d’être congédiés s’ils parlent publiquement, parce qu’ils ne jouissent d’aucune protection, notamment celle pouvant venir d’un syndicat.

« Je viens d’accrocher à ce sujet les gens du syndicat Unifor, de la FTQ. Il y a un gros potentiel, pas seulement sur les bateaux mais aussi dans les usines. Les travailleurs de Terre-Neuve sont accrédités à un syndicat depuis les années 1970 et ça fonctionne très bien. Je suis en contact avec David Decker, du syndicat FFAW [Fish, Food and Allied Workers union] et il est prêt à aider », précise M. Albert.

Il aimerait rencontrer le ministre fédéral des Pêches et des Océans, Dominic LeBlanc, afin de le sensibiliser au sort des aides-pêcheurs.

PLus d’assurance-emploi que de salaire
« On aimerait demander une enquête. Il y a encore des gens, des hommes de pont, qui signent des chèques et qui les redonnent aux capitaines. Ils [ces capitaines] engagent les gars pour le gros chômage, pas plus. Ils ont des permis qui se vendent trois ou quatre millions de dollars. Ils ont fait 2,5 millions $ de revenus l’an passé et ils feront encore 1,7 million $ cette année. Pendant ce temps-là, des aides-pêcheurs vont gagner 14 000 $ en salaires pour 1200 ou 1300 heures de travail et c’est avec les prestations de chômage qu’ils vont faire leur plus gros revenu, 18 000 $. Ce n’est pas normal. Le gouvernement, avec une ressource publique, laisse les riches s’enrichir et les pauvres restent pauvres », souligne M. Albert.

« Signer des chèques », pour un aide-pêcheur, consiste à redonner au capitaine une partie de sa paie, gonflée artificiellement pour lui permettre d’avoir le « gros chômage », c’est-à-dire les prestations maximales d’assurance-emploi.

Il rappelle qu’avant la crise du crabe de 1989, chaque homme de pont recevait 6 % des revenus bruts de pêche. Il note aussi que dans la pêche à la morue, avant le moratoire de 1993, les capitaines versaient de 40 à 45 % de leurs revenus à leurs membres d’équipage.

Moins de 5 % à l’équipage
« Quatre-vingts pour cent des crabiers n’ont pas versé 5 % à leur équipage l’an passé. Si ça a dépassé 5 %, c’est parce qu’ils ont entré leurs enfants et leur femme sur la paie. L’image des pêches est belle, avec des nouveaux bateaux en construction […]. On entend dire que la relève se prépare mais en réalité, les permis des crabiers sont rachetés entre eux, parce qu’il n’y a aucune amélioration de la situation de répartition des revenus. Avec la hausse des revenus des homardiers, on assiste au même principe. Il y a un permis de homard qui s’est transigé à 1,9 million $. Il y a des aide-pêcheurs qui gagnent 700 $ par semaine. Pensez-vous qu’ils auront les moyens de racheter un permis un jour? », demande Gilles Albert.

« Ça mène où, la concentration de revenus? Il n’y a pas d’équilibre, pas de partage de la richesse. L’économie de la Gaspésie pourrait être meilleure. Chez les autochtones, un membre d’équipage de crabier reçoit 4,5 % des revenus, et le capitaine, 6,5 %. Chez les crevettiers, c’est 7 % pour le membre et 10 % pour le capitaine. Si les crabiers blancs donnaient 4 %, fois quatre membres d’équipage, ça ferait un partage de 16 %. Il faut vivre et laisser vivre », signale M. Albert, qui admet que la répartition des revenus chez les crevettiers gaspésiens est plus équitable.

Il croit que la syndicalisation des aides-pêcheurs est possible, malgré la présence d’un grand nombre d’entreprises de captures, et la nécessité d’obtenir une approbation de 50 % plus un des travailleurs visés.

« Je suis persuadé que 80 % des aides-pêcheurs embarqueraient. On peut donc passer [obtenir une accréditation syndicale] par la force du nombre »,  affirme Gilles Albert, précisant que son action avec les aides-pêcheurs lui vaut un « boycott de plusieurs personnes. C’est lourd ».

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