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Éditorial
17 juin 2018 22 h 08

Baleine noire : une gestion chaotique par Pêches et Océans

Gilles Gagné

Éditorialiste

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Il fallait pourtant du doigté pour gérer la situation entourant le mammifère marin dont il ne reste que 450 spécimens sur terre.

Au lieu de ça, le ministre Dominic LeBlanc et son équipe roulent des épaules en multipliant les secteurs fermés, comme s’ils voulaient montrer à la face des Américains qu’ils sont plus verts que vert, dans ce pays qui, simultanément, prend tous les moyens pour concrétiser le projet de pipeline Kinder Morgan à l’autre bout du pays, afin d’exporter le pétrole des sables bitumineux.

Dix-sept baleines noires sont mortes en 2017, dont 12 en eaux canadiennes. Un seul cas est indubitablement lié à l’empêtrement dans des engins de pêche de crabier, et un autre cas est probable.

En 2017, ce contexte a incité le ministère à imposer une zone de protection de 14 000 kilomètres carrés. La pêche au crabe y était fermée, mais la saison était pratiquement terminée.

6490 kilomètres carrés fermés dès le 28 avril
Cette année, dès le 27 mars, le ministre LeBlanc a annoncé l’imposition d’une zone dite statique de fermeture de la pêche au crabe des neiges dans le golfe Saint-Laurent. Elle est statique dans le sens où, baleines noires ou pas, sa fermeture entrait en vigueur le 28 avril, sans égard non plus à la date d’ouverture de la pêche au crabe. Ce secteur de 6 490 kilomètres carrés restera fermé toute la saison.

En contrepartie, le ministre LeBlanc s’était engagé à ouvrir la pêche au crabe des neiges dans le sud du golfe Saint-Laurent le plus tôt possible, mentionnant la mi-avril comme objectif.

Lui et son équipe ont lamentablement failli à la tâche. La pêche s’est ouverte le jour de l’entrée en vigueur de la fermeture du secteur de 6 490 kilomètres carrés.

Des efforts semblant bien timides ont été déployés par la Garde côtière pour libérer de glace les ports de pêche de la Péninsule acadienne, une condition obligatoire, semble-t-il, pour que la pêche au crabe dans le sud du golfe Saint-Laurent démarre. Tant que ces havres ne sont pas libérés, la pêche ne peut débuter en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, pour des raisons que le ministère des Pêches et des Océans n’explique pas.

Aucune baleine noire avant le 15 mai
Il est également permis de se demander pourquoi il était pertinent d’établir une zone de protection statique de 6 490 kilomètres carrés si tôt au printemps alors qu’aucune baleine noire n’avait jamais été observée dans le sud du golfe Saint-Laurent avant le 15 mai.
C’est 17 jours après le 28 avril. En 2014 et en 2016, aucune n’a été vue avant le 31 mai. Ce printemps, la première a été vue le 15 mai.

Le plus troublant, dans la « logique » de Pêches et Océans, c’est de ne pas avoir limité les fermetures de sous-zones aux secteurs où les baleines noires étaient aperçues en temps réel.
Pour arriver dans le quadrilatère de protection du golfe Saint-Laurent, les baleines noires n’ont pas volé; elles ont nagé. Elles étaient de plus suivies, comme c’était prévisible, par un ensemble de chercheurs et d’observateurs de mammifères marins. Ainsi, il aurait été beaucoup plus logique d’adapter les secteurs fermés à leur progression.

De plus, en déterminant d’avance et de façon arbitraire le secteur fermé, le ministère des Pêches et des Océans a lui-même instauré des conditions susceptibles d’une part de nuire aux baleines noires, et d’autre part de créer un déséquilibre géographique dans la capture du crabe des neiges.

Les crabiers ont ainsi été contraints de concentrer leurs efforts de pêche autour de la zone fermée. Les baleines ont donc dû franchir ces secteurs à haute concentration en casiers avant d’arriver à la zone protégée, dont elles ignorent du reste l’existence!

De plus, ces mêmes crabiers devront probablement composer l’an prochain, et peut-être au cours des années subséquentes, avec les conséquences de secteurs surexploités, une situation causée par l’incompétence du ministère supposé protéger la ressource.

Mesures bancales
Tout le monde veut protéger les baleines noires. En instaurant une psychose chez les pêcheurs en raison de mesures de protection bancales, Pêches et Océans Canada a probablement perdu ses meilleurs alliés, les gens qui passent le plus de temps sur l’eau.

Cette incompétence de la division de gestion du ministère éclabousse malheureusement d’autres secteurs de Pêches et Océans Canada. Elle témoigne toutefois encore plus d’un seuil élevé de déconnection du gouvernement fédéral à l’égard des citoyens qu’il est supposé servir.

Il y a 30 ans que ce détachement à l’endroit des citoyens sévit, que ce soit en matière d’assurance-emploi, de délestage de responsabilités dans le secteur des transports et maintenant dans la gestion des pêches.

Si les propriétaires de crabiers peuvent sans doute absorber le coup dur d’une année au cours de laquelle ils pourraient ne pas atteindre leur quota, l’insécurité est plus grande chez les membres d’équipage et les travailleurs d’usines.

La polyvalence des usines gaspésiennes de transformation de produits marins viendra sans doute plus aisément à la rescousse des travailleurs d’usines que les propos du ministre LeBlanc à l’effet que son gouvernement s’assurera de qualifier la main-d’œuvre à l’assurance-emploi.

Un État qui n’a toujours pas résolu les problèmes du système de paie Phénix affectant ses propres fonctionnaires depuis quatre ans part avec un déficit de crédibilité.

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