Cannabis : une approche souple, SVP
En gros, la réglementation québécoise interdit la consommation du cannabis là où le tabac est proscrit. La position de Gaspé et de Sainte-Anne-des-Monts, les deux villes ayant adopté des règlements plus contraignants que ceux de l’État québécois, ajoute le bannissement du cannabis fumé dans les lieux où l’alcool est aussi interdit.
Pour expliquer leur position, les maires Simon Deschênes, à Sainte-Anne-des-Monts, et Daniel Côté, à Gaspé, invoquent une préférence pour un éventuel élargissement de leur règlement contraignant, par opposition au resserrement d’un règlement initialement permissif. La MRC Côte-de-Gaspé devrait suivre le sentier tracé par Gaspé.
Dans ces villes et villages comme ailleurs, la suite des choses pourrait se traduire par un long processus d’ajustements mineurs.
La loi encadrant le cannabis au Québec interdit de fumer ou de vapoter dans les lieux publics et à neuf mètres de l’entrée de ces lieux, comme pour le tabac. L’interdiction pour le cannabis touche des lieux supplémentaires : les terrains des établissements de santé et de services sociaux, les terrains des cégeps et des universités, les pistes cyclables et les aires d’attente de transport en commun.
La loi prévoit que les municipalités peuvent ajouter des lieux tombant sous leur compétence en matière de nuisance, d’ordre public, de sécurité et de salubrité. On parle ainsi des parcs municipaux, des trottoirs et de terrains comme ceux ceinturant l’aréna, un stade, une bibliothèque et un centre communautaire.
La Direction de la santé publique de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine souhaite que les villes et villages n’ajoutent pas ces lieux de compétence municipale parce que ces contraintes risquent de favoriser la consommation du cannabis dans des endroits intérieurs, donc fermés, pour les gens moins aisés financièrement, des locataires notamment, souvent de jeunes adultes ou des personnes plus vulnérables financièrement ne possédant pas de terrain extérieur ou un accès à de grands espaces.
La fumée secondaire du cannabis risque donc de nuire à des gens qui ne fument pas, comme des enfants. Bref, des règlements municipaux plus contraignants risquent d’accentuer les inégalités sociales.
Jusqu’à présent, dans la MRC du Rocher-Percé, Percé a opté pour l’approche douce de la loi québécoise. Les MRC d’Avignon et de Bonaventure ont formé un comité conjoint pour adopter une approche commune. À première vue, la tolérance primera.
Soyons clairs : la consommation de cannabis est généralement considérée comme nuisible à la santé, exceptée dans des cas thérapeutiques, une utilisation légalisée en 2001.
Le cannabis n’est toutefois pas la seule substance dont la consommation peut déboucher sur des effets néfastes. Le tabac mène à peu près invariablement à des conséquences mesurables sur la santé, et l’abus d’alcool génère aussi des effets négatifs.
La légalisation du cannabis a été motivée par plusieurs facteurs, dont la nécessité de décriminaliser sa production et sa vente, notamment pour garder le contrôle sur sa qualité.
La drogue transigée sur la rue contient régulièrement d’autres substances pour la couper, afin d’augmenter la marge bénéficiaires des trafiquants. Ces substances non-testées peuvent entraîner des ennuis de santé parce qu’elles augmentent l’effet stupéfiant ou parce que la combinaison avec la drogue de base génère un hybride se rapprochant d’un poison.
On oublie que la légalisation du cannabis est une vieille idée. Déjà, en 1970, le Secrétariat d’état fédéral avait lancé une vaste consultation pancanadienne sur les besoins d’une jeunesse alors en pleine explosion démographique.
Le Comité jeunesse chargé de mener cette consultation, duquel faisait partie le Gaspésien Médor Doiron, avait déposé son rapport le 5 juillet 1971 au Secrétariat d’état, recommandant « que la culture, la vente, la possession et l’usage du cannabis soient légalisés [et] que les jeunes […] de 18 ans et plus aient le droit d’acheter et de consommer le cannabis ».
Le rapport recommandait aussi que « la distribution et la commercialisation du cannabis soient réglementées et contrôlées par le Gouvernement ». Ses auteurs demandaient au ministère de la Santé et du Bien-être de créer un « Secrétariat sur le drogue ». Le rapport a été tabletté et la société a ainsi perdu 47 ans de travail de sensibilisation à ce sujet.
Le crime organisé a depuis engrangé des milliards de dollars de profits, de l’argent qui aurait pu servir à l’éducation populaire sur les effets de la drogue et la nécessité d’ouvrir un meilleur dialogue entre parents et enfants, l’histoire prouvant l’impossibilité d’éradiquer les stupéfiants. De plus, parmi les milliers de personnes incarcérées pour possession ou trafic de cannabis, plusieurs sont devenues des criminels endurcis, les prisons servant souvent d’universités du crime.
Comment positionner la Gaspésie présentement, dans ce sujet chaud? La Direction de la santé publique montre le chemin à suivre.
Étant donné la forte croissance de visiteurs fréquentant la région, les Gaspésiens ont intérêt à passer un message clair.
La péninsule est généralement considérée comme une région cool. Les grands espaces, l’émergence de lieux de tourisme festif, la croissance des sports comme le ski hors-piste, le cerf-volant de traction et autres activités s’adressant principalement à des jeunes, suggèrent des règles homogènes pour la consommation du cannabis. On voit mal les touristes se promener avec une carte pour s’adapter aux louvoiements réglementaires.
La légalisation du cannabis ne créera pas de hausse soudaine de consommation. De plus, la Sûreté du Québec, qui agit comme police municipale en Gaspésie, aura bien plus à faire pour combattre le crime qu’à faire respecter une panoplie de subtilités municipales.
Nos élus ont conséquemment intérêt à adopter une approche souple.