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8 juillet 2024 9 h 37

Danse ; Priscilla Guy trouve son point d’ancrage

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Après avoir parcouru le monde, Priscilla Guy trouve son point d’ancrage

MARSOUI | Née à Sherbrooke en 1985, la danseuse, chorégraphe, cinéaste, commissaire et chercheuse en arts vivants, Priscilla Guy, a parcouru le monde. En 2018, c’est à Marsoui qu’elle trouve son point d’ancrage. Fondatrice de Mandoline hybride, un organisme dont la mission est le développement de l’art contemporain avec la danse comme principale référence, Marsoui deviendra le théâtre de plusieurs initiatives culturelles : Regards hybrides, Salon58, festival de danse contemporaine Furies, L’Hybride-café & librairie.

En plus de participer à divers événements internationaux, Priscilla Guy publie des textes dans des revues d’art comme Moebius, Moveo, Dance Current et 24images. Elle collabore aussi à des publications académiques comme autrice ou comme directrice d’ouvrages pour les éditions Oxford et Routledge ainsi que pour l’Universidad de las Américas Puebla.

Détentrice d’un doctorat en études féministes et ciné-danse de l’Université de Lille en France, elle est membre des conseils d’administration de Studio 303, d’Orange noyée ainsi que de la Corporation de développement de la Haute- Gaspésie et des Chic-chocs. L’artiste a reçu le prix Culture des Offices jeunesse internationaux du Québec (LOGIQ) en 2012 et le prix Étincelle des Prix de la danse de Montréal en 2022. La néo-Gaspésienne a aussi été sacrée artiste de l’année 2024 par le Conseil des arts et des lettres du Québec. La distinction lui a été remise à Paspébiac le 19 juin par Culture Gaspésie. Cet honneur est assorti d’une bourse de 10 000$.


La danseuse, chorégraphe, cinéaste, commissaire et chercheuse en arts vivants, Priscilla Guy. Photo : Offerte par Priscilla Guy

Enfance baignée dans l’art

Née de deux parents résolument tournés vers toutes les formes de culture, la jeune Priscilla a baigné pendant toute son enfance et son adolescence dans un univers où « l’art était admiré ». « On avait un passeport jeunesse de l’Université de Sherbrooke, ma soeur et moi. Les parents nous amenaient beaucoup à aimer les arts. Sherbrooke est une ville très artistique. Il y a beaucoup d’offres. »

Le papa jouait de la guitare classique. Après des études universitaires en philosophie et en travail social, Normand Guy a travaillé comme mécanicien, puis comme enseignant en mécanique. « Papa était abonné à Columbia et il nous permettait, ma soeur et moi, de choisir un CD, un seul, sans droit de regard », se souvient Priscilla.

Au diapason avec le reste de la famille pour son amour de l’art, la maman, Dominique Bolduc, a été téléphoniste chez Bell et adjointe administrative.
Un oncle, Yvon Guy, était artiste peintre. Audrey, la soeur cadette de Priscilla, est psychoéducatrice et « un peu artiste ». « Elle a baigné dans la photographie et a toujours été intéressée par l’art. » Dès l’âge de 5 ans, Priscilla Guy a commencé à faire du patinage artistique. La danse est arrivée également très tôt, soit vers l’âge de 6 ou 7 ans.

Études

Priscilla complète ses études secondaires à l’école Mitchell-Montcalm de Sherbrooke au sein du programme Arts et culture, avant de s’inscrire en danse au Cégep de Drummondville. Après son diplôme d’études collégiales, elle entreprend un baccalauréat dans la même discipline à l’Université du Québec à Montréal, qu’elle abandonne après un an, faute d’intérêt. Elle décide donc de s’inscrire au baccalauréat en beaux-arts à l’Université Concordia à Montréal, tout en continuant à s’entraîner en danse de façon autodidacte.

En 2011, elle obtient son diplôme de maîtrise en danse de l’Université York à Toronto au sein du programme de chorégraphie et de dramaturgie. « La scène anglophone est vraiment différente sur le plan esthétique, précise-t-elle. J’ai vraiment aimé ça. »

En 2015, elle commence ses études de doctorat à l’Université de Lille. « Je passais beaucoup de temps en France, mais je voulais garder mes ancrages au Québec. Je me suis intéressée à la pratique d’autres artistes. Ça m’a beaucoup nourrie et soutenue. » Elle a étalé ses études doctorales sur sept ans parce qu’elle oeuvrait simultanément à 1001 projets. « J’ai été diplômée le 30 juin 2022. Même si c’était exigeant, j’ai aimé ça tout le temps. »

Mandoline hybride

En 2007, après avoir complété son baccalauréat, Priscilla Guy fonde sa compagnie de danse Mandoline hybride. Pourquoi ce nom? « Dans les camps de jour, mon nom de camp était Mandoline, répond-elle en souriant. Hybride, c’est parce que la danse est abordée sous différents angles. » La même année, elle travaille comme agente de bureau pour le Regroupement québécois de la danse à Montréal, tout en créant des spectacles multidisciplinaires in situ.

Après sa maîtrise en Ontario, elle revient au Québec en 2011 pour travailler au Théâtre La Chapelle de Montréal, à titre de directrice des communications. L’année suivante, elle fonde le projet Regards Hybrides, qui a pour mandat de favoriser l’articulation, le développement et le rayonnement des pratiques artistiques conciliant danse et cinéma. Sa plateforme Web permet de partager les ressources existantes en ciné-danse, en plus de lier entre elles des structures investies dans son déploiement.

L’événement des Rencontres internationales Regards hybrides, tenu en 2017 et 2019 en collaboration avec Tangente, a rassemblé plusieurs dizaines de spécialistes et d’artistes autour de l’interaction entre la danse et le cinéma à l’ère du numérique et du développement des nouvelles technologies.

Regards hybrides offre également des formations professionnelles et scolaires ainsi que des services d’accompagnement aux artistes, diffuseurs et autres acteurs du milieu artistique via son Escouade spécialisée. L’an dernier, Regards hybrides a lancé sa collection de ciné-danse sur le Web, regroupant plus d’une soixantaine d’oeuvres canadiennes et une trentaine de contenus complémentaires exclusifs, comme des entretiens, des textes ou des archives.

L’idée d’acheter une maison

Il y a quelques années, Priscilla Guy a participé aux Rencontres de création à Natashquan pendant 10 jours avec le musicien Benoît Paradis. « Chaque jour, on faisait connaître nos créations, nos bouts d’oeuvres. Moi, j’avais un projet vidéo et Benoît en avait un en musique. » Puis, Priscilla Guy et Benoît Paradis Trio ont présenté une déambulation chorégraphique intitulée Installations mouvantes dans le cadre d’une tournée qui les a conduits à Grande-Vallée.

Ces expériences se révèlent être la bougie d’allumage d’un projet : acheter une maison pour offrir des résidences de création. « On a regardé sur Centris avec certains critères, dont le prix, raconte Priscilla. Mais, en raison du prix et comme on n’avait pas de critère géographique, on nous proposait des maisons en dehors de Montréal et on est tombés sur une maison à Marsoui! »


Priscilla Guy, à droite, avec la danseuse Claudia Chan Tak, à gauche. Crédit photo: Moïse Marcoux-Chabot

Marsoui, lieu de création

En 2018, Priscilla Guy et Benoît Paradis achètent donc la fameuse maison à Marsoui. Cela représentait toutefois tout un défi pour le développement de leurs projets. « Au début, on ne pouvait pas utiliser le téléphone cellulaire et on n’avait pas Internet », se remémore-t-elle.

Cela n’entrave pas pour autant la fondation de Salon58 visant à offrir un espace de création et de résidences d’artistes. Pourquoi le nom Salon58? « C’est notre adresse, répond simplement Priscilla. Tous les spectacles se donnent dans le salon, assis sur des sofas. »

L’année suivante, Mandoline hybride lance le festival Furies, qui a pour objectif d’offrir des spectacles in situ un peu partout dans le village de Marsoui. « La première édition était un projet pilote, qui a été un très beau succès, tant pour les artistes que pour le public », souligne la directrice artistique. L’événement célèbre cet été son 5e anniversaire.

En 2020, dès le début de la pandémie, Priscilla Guy prend la décision de déménager à Marsoui à temps plein. « Tout a déboulé. Pendant la pandémie, on a reçu une trentaine d’artistes en résidence. »

Les projets ne s’arrêtent pas là. En septembre 2022, l’organisme sans but lucratif ouvre L’Hybridecafé & librairie à Marsoui. La vente de livres se fait en collaboration avec la librairie féministe L’Euguélionne de Montréal. « On offre un menu à boire et à manger avec des produits 100 % locaux, décrit fièrement l’artiste. C’est un lieu rassembleur au coeur du village. On offre des tarifs de location d’espaces pour les gens de la Haute-Gaspésie. On a aussi une équipe sportive de plage pour l’été. »

L’endroit dispose de stations ergonomiques de télétravail. L’Hybride est également un point de vente des produits d’apothicaire de Clou de girafe, une entreprise artisanale membre de la Coop du Cap à Cap-au-Renard.