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27 septembre 2012 10 h 33

Décès d’un bébé : aucun blâme envers le personnel médical

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Le coroner Martin Clavet et la direction du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de la Haute-Gaspésie n’adressent aucun blâme au personnel qui est intervenu lors de l’accouchement de Mélanie Pelletier. 

Le Dr Martin Clavet a procédé à l’investigation des faits entourant le drame qui s’est joué à l’urgence de l’hôpital de Sainte-Anne-des-Monts le soir du 14 mars 2011, et qui s’est soldé par la mort d’un bébé.

L’expert précise qu’il n’est pas de son mandat de blâmer et encore moins de criminaliser. Il estime cependant que ce décès aurait pu être évité. Selon lui, le résultat catastrophique s’explique par le fait qu’en fermant son service d’obstétrique trois ans plus tôt, l’organisation n’a pas veillé à former et à outiller ses employés afin de pouvoir faire face à une urgence obstétricale.

«Si l’on avait pu poser le diagnostic de travail prématuré et confirmer un changement au niveau du col, on aurait pu pratiquer la césarienne avant que ne survienne la procidence du cordon et, ainsi, le bébé aurait connu une évolution tout à fait différente, avec une survie plus que probable, étant donné l’âge de la grossesse», écrit-il dans son rapport. C’est pourquoi, dans ses recommandations, il propose d’instaurer le programme AMPRO (Approche multidisciplinaire en prévention des risques obstétricaux) au Centre de santé de la Haute-Gaspésie.

Le directeur général par intérim de l’établissement, Bertin Riverin, accueille favorablement cette recommandation puisque la démarche pour déployer ce programme a même été entreprise lundi auprès de l’Agence de la santé et des services sociaux de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, d’autant plus que le service d’obstétrique a été rétabli le printemps dernier.

La présidente-directrice générale de l’Agence, Yolaine Galarneau, confirme, comme recommandé par le coroner, qu’il est tout à fait adéquat que le programme AMPRO soit dispensé à l’hôpital de Sainte-Anne-des-Monts. Le Dr Galarneau rappelle que ce programme de formation et de qualité continues est dispensé exclusivement aux établissements disposant d’un service d’obstétrique.

Les faits

Le 14 mars 2011, Mélanie Pelletier de Sainte-Anne-des-Monts, qui est enceinte d’un peu plus de 33 semaines, se présente à l’urgence de l’hôpital de l’endroit à 16h34. Elle indique à l’infirmière qu’elle ressent des contractions douloureuses aux 10 à 15 minutes depuis 11h, accompagnées d’une petite perte sanguine. Un médecin l’évalue à 16h47. Des examens de laboratoire sont demandés. Mélanie Pelletier  retourne dans la salle d’attente, après avoir été avisée de revenir si elle avait d’autres contractions.

Près de deux heures plus tard, elle se présente au poste d’accueil pour indiquer qu’elle a encore des contractions et qu’elle a des douleurs au bas-ventre. Elle est alors réévaluée par un autre médecin. Celui-ci pose un diagnostic complètement différent du premier. Dans sa note rédigée à 19h, le second médecin mentionne qu’il y a perte abondante de liquide et que le col de l’utérus est dilaté à 10 cm. Il palpe le cordon ombilical et ce qui lui semble peut-être même être un membre.

Devant la possibilité d’une procidence du cordon, une présentation par les membres inférieurs et une détresse foetale, il loge en toute urgence un appel au chirurgien et à l’anesthésiste. Une équipe de médecins, d’infirmières et d’inhalothérapeutes est mobilisée afin de porter assistance et procéder à une césarienne d’urgence.

La mère est conduite au bloc opératoire à 19h40. L’intervention débute à 20h10 et le petit Louka-William vient au monde à 20h18. Mais, entre-temps, le cœur du bébé cesse de battre pendant environ 4 minutes. Une réanimation est exercée sur le nouveau-né. La coloration de sa peau s’améliore et le cœur repart. Un pédiatre de Rimouski est consulté. Celui-ci recommande un transfert vers le Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL).

Le nouveau-né arrive au CHUL par avion-ambulance. Le diagnostic de l’établissement de Québec fait état d’asphyxie sévère. Par la suite, de nombreuses complications surviennent, dont de l’insuffisance rénale, un saignement à l’estomac et des problèmes à un lobe pulmonaire. Les traitements se poursuivent. Huit jours plus tard, devant le risque de séquelles importantes et avec le consentement des parents, les soins sont interrompus, sauf ceux visant à assurer le confort du jeune patient. Le décès du petit Louka-William Pelletier-Savard est constaté le lendemain à 16h32.

Au mauvais endroit au mauvais moment

Dans son rapport, le coroner Clavet soulève l’absence d’évaluation du bien-être foetal tout au long de la journée ainsi qu’un délai très long entre le diagnostic de souffrance foetale posé à 19h et la naissance à 20h18. Il pose aussi la question, en tenant compte que le CSSS de la Haute-Gaspésie n’avait pas de salle d’accouchement, ni les ressources humaines nécessaires pour pouvoir s’occuper des cas actifs d’obstétrique: «Comment se fait-il qu’une patiente qui avait des contractions régulières ait été gardée en observation dans un centre où il ne se pratiquait pas d’obstétrique?»

«Mme Pelletier a eu la malchance de commencer son travail et de se présenter dans un centre hospitalier où il ne se pratique pas d’obstétrique, poursuit Martin Clavet. Je suis d’avis que l’absence de service d’obstétrique a contribué négativement au résultat et au dénouement. Le fait de ne pas avoir de service d’obstétrique n’a pas permis d’avoir le réflexe de reconnaître les facteurs de risque qui s’additionnaient chez Mme Pelletier et l’équipe sur place n’a pu commencer le monitoring foetal et des contractions, n’ayant pas l’équipement et les ressources pour le faire.»

Réactions de la direction du CSSS de la Haute-Gaspésie

Devant les observations du coroner, le directeur général par intérim du CSSS de la Haute-Gaspésie répond, en insistant sur la compassion qu’il éprouve envers la famille et en soulignant que son équipe a également trouvé cette situation difficile: «Les membres de l’équipe ont pris les décisions qu’ils considéraient les meilleures, mais le résultat n’est pas celui qui était souhaitable. Je ne peux pas corriger le passé.»

«Maintenant, la situation serait très différente parce que notre service d’obstétrique est rétabli, rappelle-t-il. Notre équipe est formée et dispose des technologies à la fine pointe pour réagir en conséquence. Si un événement du genre survenait aujourd’hui, ce ne serait sûrement pas la même séquence d’événements parce qu’on est en mesure, maintenant, d’offrir les services d’obstétrique, ce qui n’était pas le cas quand c’est survenu. Ça colore beaucoup la situation.»

«Mettez-vous à la place du médecin qui devait prendre la décision d’un transfert entre ici et Matane ou celle de garder la personne ici, continue-t-il. Il était placé devant deux situations à risque qui n’étaient pas optimales. Si le médecin avait choisi l’autre solution et, qu’entre ici et Matane, l’accouchement avait été fait en situation d’urgence, on aurait pu être blâmés de la même façon. Je n’aurais pas voulu être à la place du médecin qui a pris cette décision.»

Autres recommandations

Comme autres recommandations, le coroner demande au Collège des médecins ainsi qu’à l’Ordre des infirmières et infirmiers d’examiner la qualité de l’acte professionnel et des soins qui ont été prodigués sur le poupon et sa mère. Il s’adresse au ministère de la Santé et des Services sociaux afin de mettre en place les ressources et les mécanismes auprès du personnel des urgences des hôpitaux qui n’offrent pas de services d’obstétrique.

«On attendait le rapport du coroner pour comprendre ce qui était arrivé parce que lui, il regarde ça d’un œil différent et il peut nous alimenter là-dessus», souligne M. Riverin.