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30 septembre 2012 19 h 18

Décès d’un bébé : les parents intentent des poursuites judiciaires

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Mélanie Pelletier et Bengy Savard, les parents du bébé né à l'hôpital de Sainte-Anne-des-Monts et qui est décédé neuf jours plus tard, intenteront des poursuites judiciaires contre l'hôpital.

Voilà un an et demi qu’ils attendaient ce moment avant de prendre leur décision. Le rapport du coroner conclut que la mort de leur  petit Louka-William, survenue après un accouchement qui a mal tourné le 14 mars 2011, aurait pu être «raisonnablement évitée». Pour eux, le Dr Martin Clavet vient confirmer ce qu’ils ont toujours soutenu depuis un an et demi.

«Ce que le coroner décrit, c’est vraiment ce qui s’est passé, se réconforte Bengy Savard. Il a fait une enquête minutieuse sur les événements qui ont conduit au décès de Louka-William. «Je ne suis pas surprise, ça reflète très bien la situation», ajoute Mélanie Pelletier.

S’ils sont réconfortés de savoir qu’ils avaient raison, cela n’a rien pour calmer leur colère. «On est révoltés, mais on va faire ça de façon civilisée, indique l’homme. En intentant des poursuites judiciaires contre l’hôpital, ce sera la seule manière de rendre justice à notre garçon.»

Ces derniers jours, le couple a entrepris des démarches auprès d’un cabinet d’avocats spécialisé en affaires médicales. «Je maintiens qu’il y a eu négligence de la part du personnel et erreur médicale, continue M. Savard, qui ne cache pas le fait qu’il n’ait pas encore réussi à faire son deuil. Je ne sais pas si je réussirai un jour à vivre avec ça. Chose certaine, je ne pourrai jamais oublier.»

«Si on avait pris les bonnes décisions, notre petit gars serait ici avec nous et courrait, laisse-t-il tomber en baissant les yeux. Ce n’est pas rien, il y a eu mort d’enfant.»

De l’huile sur le feu

La réaction de la direction du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de la Haute-Gaspésie suite au dépôt du rapport du coroner, n’a rien pour apaiser leur colère. Se disant d’entrée de jeu de tout cœur avec eux, le directeur général par intérim, Bertin Riverin, allègue qu’il y avait autant de risques de transférer madame vers le CSSS de Matane que de la garder au sein de son établissement. «Le dilemme qu’il soulève est ridicule», s’indigne Bengy Savard.

«Si on m’avait dit qu’on me transférait vers Matane, j’aurais sauté de joie, soutient Mélanie Pelletier. Au lieu de ça, on ne s’est pas occupé de moi et on m’a laissé attendre.» «Nous, on n’est pas des médecins, poursuit son conjoint. Je me disais qu’elle était dans un hôpital, donc entre bonnes mains! On nous a traités comme des moins que rien.»

Événements

Le 14 mars 2011, alors enceinte de presque 34 semaines, Mélanie Pelletier se rend à l’urgence de l’hôpital de Sainte-Anne-des-Monts pour des contractions qu’elle ressent depuis 11h.

Elle est vue par un premier médecin à 16h30. «Il m’a dit que je pouvais m’en retourner chez nous et de revenir si ça empirait, raconte-t-elle. Mais j’ai dit à l’infirmière que je ne bougerais pas d’ici. Je suis allée m’asseoir dans la salle d’attente.» «Si on avait écouté le docteur, ma blonde serait peut-être morte à la maison», s’indigne M. Savard.

Presque deux heures plus tard, assise sur une chaise droite de la salle d’attente, Mélanie Pelletier n’arrive tout simplement plus à supporter ses douleurs. Elle dit avoir supplié l’infirmière au tri de faire quelque chose. «Elle criait de mal, se souvient Bengy Savard. J’ai pogné les nerfs et je leur ai dit que ce n’était pas normal.»

Quelques instants plus tard, la femme est examinée par un deuxième médecin qui s’aperçoit que le travail est commencé puisque le col de l’utérus de la patiente est dilaté à 11cm et qu’elle palpe le cordon ombilical du bébé et possiblement un membre. Elle agit en toute urgence afin de procéder à une césarienne. Près d’une heure et demie plus tard, le poupon vient au monde, mais est en arrêt respiratoire. Après des techniques de réanimation, son cœur bat à nouveau et la couleur de sa peau revient passablement à la normale.

Le petit patient est transféré par avion-ambulance vers 22h en direction du Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL) à Québec. Rendu là, il est maintenu en vie artificiellement. Le lendemain midi, la mère part rejoindre son bébé de la même façon. Quant au père, il ne pourra rejoindre sa famille que le surlendemain de la naissance de son fils par voie terrestre.

«Histoire d’horreur»

«Les premiers jours, on était de bonne humeur, relate le papa. On se disait qu’il était bien soigné et qu’on allait le sauver. On se disait qu’il prenait du mieux, jusqu’à ce qu’on nous apprenne qu’il avait des hémorragies internes et qu’il n’y avait plus rien à faire.»

«On s’accrochait, ajoute Mme Pelletier. Tu ne veux pas y croire. Tu te dis qu’il est là, qu’il est en vie et que c’est impossible de se faire à l’idée qu’il puisse mourir.» «Pendant un moment, on s’est dit qu’on accepterait le fait qu’il  vive avec des séquelles, continue son conjoint. Mais on nous a aussitôt fait comprendre que c’était fini.»

Sous les recommandations des médecins du CHUL, les parents consentent au débranchement. «C’est la pire décision qu’on aura eu à prendre de toute notre vie», se rappelle Bengy Savard, la gorge nouée par l’émotion. Une fois que leur bébé a été libéré de tous les fils qui le reliaient à des machines, les parents l’ont gardé dans leurs bras, collé contre eux. «On a profité au maximum de ces dernières heures avec notre garçon», sanglote la maman qui porte une chaîne en or avec un petit cœur contenant les cendres de son enfant.

«C’est fort l’instinct de vie chez un bébé, se surprend encore le papa. On aurait dit qu’il ne voulait pas partir. On lui tendait un doigt et il le serrait. Parfois, quand on lui parlait, il s’ouvrait les yeux et nous regardait. J’ai de la misère à croire qu’il n’avait plus d’activité cérébrale.» Le petit Louka-William s’accrochera à la vie pendant 22 heures avant de libérer son dernier souffle. Il était âgé de neuf jours.

Si Mme Pelletier a du ressentiment face au CSSS de la Haute-Gaspésie, elle tient, par contre, à saluer la qualité des soins reçus au CHUL. «On était très bien traités, en particulier par une infirmière qui avait beaucoup de compassion, relate-t-elle. Elle m’a dit que je vivais une histoire d’horreur!»

Contradiction entourant le soutien

Dix jours après la naissance de leur enfant, les parents endeuillés sont revenus à leur domicile de Sainte-Anne-des-Monts pour célébrer le service religieux de leur enfant. Selon eux, ils ont été laissés à eux-mêmes. «Sauf un appel du CLSC, l’hôpital ne nous a jamais offert de soutien, ni leurs condoléances, ne serait-ce que par lettre», déplore le père.

«Après les funérailles de Louka et l’avis de décès qui a été publié dans le journal, je me serais attendue à recevoir des nouvelles, ajoute Mme Pelletier. La seule lettre que j’ai reçue de l’hôpital m’invitait à faire un don à la fondation. Elle a pris le bord assez vite!»

Le CSSS nie catégoriquement ces allégations. «On a fait des pieds et des mains pour faire venir l’avion-ambulance d’abord pour le bébé, puis le lendemain pour la mère, se défend la directrice de la qualité et de la gestion des risques de l’établissement, Marjorie Pigeon. C’est exceptionnel de faire venir deux fois l’avion-ambulance en moins de 24 heures. Un contact a ensuite été établi auprès d’une travailleuse sociale pour que le père puisse avoir du soutien financier pour se rendre à Québec. Je trouve ça triste qu’ils disent ça. Mais je peux comprendre qu’ils ont oublié. S’ils ont besoin de soutien, on est là pour les supporter.»

«L’équipe en place a été ébranlée par rapport à ce drame, précise-t-elle. Nos professionnels ont fait ce qu’ils croyaient le mieux au moment où la situation s’est présentée.»

Le couple Pelletier-Savard est tellement amer par rapport au CSSS de la Haute-Gaspésie qu’il projette de déménager à Matane. «J’ai tellement peur qu’on tombe malade ou qu’on se blesse et qu’on doive aller à l’hôpital ici, soutient M. Savard qui, depuis ce drame, affirme être anxieux, mal dormir et éprouver des problèmes d’estomac, en plus d’éruptions de psoriasis plus fréquentes. Je n’ai plus confiance au personnel de l’hôpital. On va être plus en sécurité en allant vivre dans une ville où on va pouvoir s’occuper de nous si on en a besoin.»

«Heureusement que j’ai mes deux filles, Marie-Julie et Shania, qui me permettent de m’accrocher parce que je serais pas mal plus déprimée et stressée», ajoute sa conjointe qui affirme que sa convalescence physique, suite aux complications entourant son accouchement, s’est étalée sur plusieurs mois.

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