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12 août 2012 19 h 12

Des citoyens dénoncent les méthodes d’Hydro-Québec

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La société publique Hydro-Québec a donné le feu vert le 8 août à l’un de ses sous-traitants pour qu’il réalise une coupe forestière sur les lots boisés de deux hommes de New Richmond, Raynald Murphy et Léopold Audet, qui ont refusé d’encaisser les indemnités offertes par le producteur d’électricité pour exproprier leurs terres.

Hydro-Québec doit faire passer une ligne de raccordement sur les terrains de MM. Murphy et Audet afin de relier le parc éolien Venterre, de TransAlta, au reste de son réseau d’électricité. La mise en service du parc éolien de 66 mégawatts est prévue pour la fin de 2012. La construction bat son plein dans l’arrière-pays de New Richmond, à Saint-Alphonse et à Caplan, sur des terres privées et publiques.

 

La coupe d’arbres sur la terre de Léopold Audet, dans le troisième rang est de New Richmond, a débuté mercredi dernier. La ligne de transport existante est à droite et la ligne de raccordement du parc éolien de TransAlta est à gauche, sur la photo.

Jusqu’à maintenant, Raynald Murphy a reçu un chèque de 600 $ tandis que M. Audet en a reçu un de 2 000 $. Les voisins de lots n’ont pas encaissé ces chèques, qui font partie d’une impressionnante liasse de documents reliés à leurs démêlées avec Hydro-Québec. Les deux hommes s’entendent pour dire que les désagréments passés et futurs associés au passage de la ligne d’électricité valent plus que ces sommes.

Menuisier, Raynald Murphy se sert surtout du bois de ses terres pour réaliser ses contrats. Il dispose d’un moulin à scie portatif pour transformer son bois. La lisière de forêt à couper sous la future ligne de raccordement d’Hydro-Québec renferme 450 arbres plantés il y a 27 ans et qui seront matures dans 15 ans. Au prix courant du marché, ce bois transformé pourrait valoir 90 000 $ en 2027.

«Au total, Hydro-Québec m’a offert 1 500 $, dans le meilleur temps. Pour le moment, j’ai seulement le chèque de 600 $. On dirait que ça diminue tout le temps, comme pour me faire plier. Ils utilisent l’intimidation, le harcèlement et il n’y a jamais eu de vraie négociation», raconte Raynald Murphy.

Le lendemain du début des travaux de coupe chez M. Audet, M. Murphy a convaincu sans élever la voix le sous-traitant afin qu’il n’entame pas les travaux chez lui. L’entrepreneur a quitté sans insister. M. Murphy leur a notamment dit qu’il était insatisfait de la proposition d’indemnisation offerte par Hydro-Québec.

Après avoir parlé à  Léopold Audet, M. Murphy a aussi demandé à l’autre équipe forestière de cesser la coupe chez son voisin, sur un ton aussi cordial. Les travailleurs forestiers ont quitté les lieux. Il était près de 15h00 le 9 août.

«La méthode Hydro-Québec»

À 17h00, il a répondu à un appel de l’avocat Jean-François Mercure, représentant Hydro-Québec, l’enjoignant à respecter les termes d’une décision d’expropriation venant du palais de justice de New Carlisle il y a cinq semaines.

Le 4 juillet, Hydro-Québec a obtenu une décision favorable suivant une requête pour obtenir un «avis de transfert», un document établissant que les propriétés de MM. Murphy et Audet sont expropriées à des fins de servitude pour que la société publique et ses sous-traitants préparent le terrain afin de faire passer la ligne de raccordement. Les voisins de lots n’ont pas contesté l’ordre de la Cour supérieure dans les 30 jours suivants.

«Qu’est-ce qu’on peut faire en cour contre le machine d’Hydro-Québec, deux citoyens comme nous? Je ne crois pas en la justice. On conteste les sommes au Tribunal administratif du Québec. C’est ce qu’on a les moyens de faire», réagit M. Murphy.

Lors d’un entretien téléphonique, Léopold Audet, un agriculteur à la retraite qui exploite toujours ses terres comme producteur de bois, explique calmement le désabusement vécu après avoir été soumis à ce qu’il appelle la «méthode Hydro-Québec».

«J’ai 73 ans, j’ai des problèmes de santé et j’ai fait un gros effort pour régulariser la situation avec Hydro. Je n’ai pas signé d’entente. Hier matin [le mercredi 8 août], fatigué de lutter, j’ai dit aux gars [de l’entrepreneur en coupe forestière] qu’ils pouvaient faire leur travail. On est exploités. J’ai une pleine valise de documents concernant cette affaire. J’ai des lettres écrites, dont une envoyée au président-directeur général Thierry Vandal», souligne M. Audet.

«Ils nous ont fait parvenir un chèque. Dans mon cas, c’est 2 000 $. Je ne l’ai pas changé. Selon l’avis de l’huissier, j’ai six mois pour encaisser le chèque. Il est daté du 26 juin. Je demande 10 000 $ pour la servitude et 2 000 $ pour l’utilisation de ma terre comme stationnement, sans permission», informe M. Audet.

Pendant que le GRAFFICI.CA parlait à M. Audet au téléphone, un camion à remorque transportant un équipement lourd ressemblant à une déchiqueteuse s’est stationné et a laissé son chargement à des centaines de mètres du chantier forestier. M. Audet a indiqué qu’aucune permission ne lui avait été demandée. Ce genre de situation s’est répété à plusieurs reprises depuis janvier, parfois en laissant de larges traces de véhicule lourd sur sa propriété.

Ce n’est pas le seul irritant de ses rapports avec la société publique. «Il y a énormément d’erreurs dans les papiers que nous envoie Hydro-Québec. Les numéros de lots ne sont pas les bons. Les calculs sont erronés. Pour eux, neuf plus neuf égalent 17!», ajoute M. Audet. «J’ai tout noté depuis le début.»

Raynald Murphy signale que les plants d’arbres mis en terre par lui et M. Audet «ont coûté de 1 $ à 1,50 $» par spécimen. «On a éclairci, élagué et maintenant, on nous donne 50 cents par arbre, quand on déduit les montants pour l’arpentage et les désagréments à vie. En plus, Hydro-Québec est venue m’offrir 300 $ pour l’arpentage, deux semaines après l’avoir fait, sans ma permission», précise-t-il.

Réaction d’Hydro-Québec

Responsable des relations avec les citoyens, Geneviève Cloutier, porte-parole d’Hydro-Québec dans ce dossier, assure que «nos responsables parlent beaucoup avec les propriétaires» et qu’«Hydro-Québec cherche à s’entendre à l’amiable» avec eux.

Elle note que «les barèmes de calcul des indemnisations sont basés sur une entente entre Hydro-Québec et l’Union des producteurs agricoles depuis 1986» et que la «majorité des propriétaires ont signé, sauf deux».

Raynald Murphy est plutôt d’avis que «bien des gens ont lâché parce qu’ils étaient tannés.»

Le Tribunal administratif du Québec pourrait mettre plusieurs mois avant de se pencher sur la cause de MM. Audet et Murphy.

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