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Éditorial
8 juillet 2024 11 h 10

Des devoirs pour l’été

Gilles Gagné

Éditorialiste

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Certains ministres et leurs gardes rapprochées devront manifestement s’inscrire à une session de cours d’été en 2024 parce que leurs devoirs n’ont pas été remis avant le début de la saison chaude, dans certains cas en dépit d’engagements à cet effet.

C’est ainsi que la Gaspésie se retrouve en ce début de juillet avec des problèmes qui auraient dû, peut-être sans avoir été réglés complètement, se retrouver beaucoup plus près d’une solution.

Quand Diane Lebouthillier a été nommée au ministère des Pêches et des Océans le 26 juillet 2023, elle savait, comme tous les gens travaillant dans le secteur de la crevette, que les pêcheurs se retrouveraient devant un mur avant la fin de l’année. Environ un an après sa nomination, les 45 crevettiers québécois sont majoritairement au bord de l’impasse financière, ce qui inclut la faillite pour plusieurs d’entre eux.

Ils doivent collectivement au moins 40 millions de dollars (M$) aux banques ou au gouvernement du Québec, et la solution avancée par Pêches et Océans Canada, la pêche au sébaste, a été relancée six ans trop tard et en fonction de quotas bien insuffisants pour assurer une rentabilité aux crevettiers. De plus, le quota qui leur a été alloué est dérisoire.

Tout ça se déroule dans un contexte où d’autres ressources pourraient sauver un certain nombre de crevettiers, ou de pêcheurs d’espèces pélagiques. Récemment, Diane Lebouthillier a annoncé la tenue d’une vaste évaluation des stocks de homard du côté nord de la Gaspésie et de l’est du Bas-Saint-Laurent. On sent qu’une partie de la solution aux problèmes des crevettiers pourrait résider dans cette ressource en explosion, mais la ministre maintient un certain suspense.

Il apparaît clair que ce secteur peut accueillir un plus grand nombre de permis commerciaux de homard, tout comme celui de l’île d’Anticosti. Dans les deux cas, les crevettiers pourraient bénéficier de cette ressource, mais il faudra aussi tenir compte des pêcheurs autochtones et ceux d’espèces pélagiques et de turbot.

Si la ministre attend les preuves scientifiques pour annoncer la délivrance de permis de capture, qu’ils soient scientifiques, exploratoires ou autres, c’est compréhensible.

Par contre, si son manque apparent ou réel de sollicitude à l’endroit des crevettiers repose sur son incapacité à convaincre ses collègues du cabinet qu’un plan d’aide s’impose, c’est déplorable.

Le ministère des Pêches et des Océans a mis sur pied une stratégie de 3 milliards de dollars (G$) pour venir à la rescousse du secteur atlantique du poisson de fond à compter de 1993. Pensons que ces 3 G$ vaudraient presque 6 G$ en 2024. Songeons aussi qu’effacer la dette des crevettiers coûterait 40 M$ en 2024.

Ce n’est pas le nombre de personnes en détresse qui devrait compter, mais le degré de précarité. On a l’impression ici que le nombre de votes joue davantage que l’humain.

D’avions et de trains

Si on regarde du côté des responsabilités de l’État québécois, il demeure aussi difficile de se déplacer entre une région comme la Gaspésie et le reste de la province.

Les programmes d’accès aux services aériens mis sur pied par le gouvernement de la Coalition avenir Québec demeurent fondamentalement déficients pour assurer les déplacements plus pressants. Les sommes réservées aux fameux « billets à 500 $ » demeurent mal adaptées aux déplacements interrégionaux quand on ne passe pas par Québec ou Montréal.

En ce qui concerne le chemin de fer, le ministère québécois des Transports maintient le cap sur l’ouverture de la voie ferrée jusqu’à Port-Daniel avant la fin de 2024. Mais, en matière de respect d’échéanciers, la division ferroviaire de ce ministère a réservé tant de mauvaises surprises aux Gaspésiens depuis 10 ans, même si elle a accepté, après des années de flou inquiétant entre 2014 et 2017, de réaliser la réfection complète de la voie ferrée entre Matapédia et Gaspé pour une somme de 872 M$. Cette somme aurait été considérablement inférieure si les travaux avaient commencé avant!

En 2022, la direction de Transports Québec maintenait fermement jusqu’à la fin de février qu’elle pouvait ouvrir le tronçon Caplan-Port-Daniel avant la fin de la même année, malgré l’évidence qu’elle n’y arriverait pas. Elle a alors reporté cette réouverture à la fin de 2024. Nous fera-t-elle encore le coup?

La route 132 souffre horriblement des dommages infligés par les camions desservant la cimenterie de Port-Daniel, à tel point qu’il faudra de sérieux investissements pour réparer cette route et ces travaux prendront des années avant d’aboutir. Ce facteur devrait suffire à déployer les efforts nécessaires au rétablissement urgent du service ferroviaire à l’est de Caplan.

Ce rétablissement pousserait le transporteur public fédéral VIA Rail à accélérer le pas dans un autre dossier de mobilité interrégionale : le retour du train de passagers entre Matapédia et New Carlisle dans une première vague, en attendant la réouverture du réseau jusqu’à Gaspé.

La direction de VIA Rail a démontré les premiers signes de bon sens depuis 10 ans dans ce dossier; le nouveau président, Mario Péloquin, ouvrant une petite porte à un retour du train de passagers sur une portion du réseau, précisément à New Carlisle. Mais ce même président a montré, comme ses prédécesseurs, une inquiétante capacité à mettre en lumière des obstacles à ce retour – l’état des gares, le recrutement d’employés, les discussions avec Transports Québec et le manque de matériel ferroviaire – plutôt que la débrouillardise inhérente à l’émergence de solutions. Il faut croire qu’un changement de culture est difficile à instaurer!


Les travaux majeurs de réfection de l’emprise ferroviaire auraient coûté beaucoup moins cher s’ils avaient débuté il y a 10 ans. On voit ici la construction d’un mur de soutènement à Port-Daniel. Photo : Gilles Gagné

De santé et de services sociaux

En septembre 2022, en pleine campagne électorale, le ministre de la Santé, Christian Dubé, s’engageait à mettre sur la voie rapide le dossier de modernisation de l’urgence de l’hôpital de Maria, et même de remplacement éventuel de cet établissement, dont la plus vieille aile a été bâtie en 1952.

Dix-neuf mois plus tard, on a appris que la mise à niveau de l’urgence n’apparaissait même pas dans le Plan québécois des infrastructures de 2024 et que le ministre considère l’établissement comme « local », alors qu’il est le seul de la Gaspésie à desservir deux MRC.

Il est d’autre part navrant de constater, au sein de ce gouvernement dominé par des comptables, qu’on s’entête toujours à mettre l’accent sur les soins curatifs plutôt que sur la prévention. Les organismes communautaires, après avoir été un peu mieux considérés pendant la pandémie – l’État réalisant qu’ils jouaient un rôle important dans l’atténuation des effets de la COVID-19 – regagnent les profondes ornières du sous-financement.

Ce sous-financement multiplie les points de pression sur un système de santé croulant sous les responsabilités. La part du budget de la santé aboutissant dans les mains d’entreprises privées est passée de 17 % en 1979 à 30 % en 2023. Pourtant, on n’a pas besoin d’aller loin, juste aux États-Unis suffit, pour mesurer l’impact dévastateur d’une privatisation poussée du domaine de la santé.

En Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, il manque 52 M$ pour financer convenablement la centaine d’organismes communautaires allégeant le fardeau du système de santé. Affamer ces organismes coûte cher en soins curatifs.

Quand les deux gouvernements

s’unissent pour procrastiner Il n’y a pas qu’en transport que les gouvernements fédéral et provincial se traînent les savates. L’inertie dans la gestion, ou l’absence de gestion, du déclin du cheptel de caribous montagnards est une honte qui déteindra pendant des décennies sur la perception qu’auront les futures générations sur la génération actuelle.

Les solutions sont connues, les moyens pour y arriver sont simples, et il y a des façons de trouver des volumes de bois et d’intensifier l’aménagement pour éliminer les pertes d’approvisionnement pour les usines de sciage.

La valse morbide jouée par la Coalition avenir Québec et le Parti libéral du Canada constitue une honte nationale, alors qu’il ne reste qu’une vingtaine de caribous montagnards.