Des mots, des notes et des images – Claude Rioux
Claude Rioux : la pratique de l’art pour faire une différence
RIVIÈRE-À-CLAUDE | Claude Rioux a quitté Montréal en 1992 avec l’idée en tête de faire la différence dans sa Gaspésie natale. L’artiste multidisciplinaire est revenu à Rivière-à-Claude avec le rêve de réaliser des sculptures monumentales un peu partout autour de la péninsule, voire dans chaque municipalité.
Aujourd’hui, s’il n’y en a pas partout, il y a quand même 11 oeuvres de Claude Rioux dans la région. Il y a eu La morue, « la plus grosse au Canada » selon son auteur, ainsi que Le soldat inconnu, qui ont toutes deux été érigées à Cloridorme, pour être plus tard déboulonnées en raison d’un litige entre le sculpteur et la municipalité. « La directrice générale a fait peinturer la sculpture du soldat sans me consulter », justifie M. Rioux.
Quant à La morue, l’artiste souhaite l’offrir à la localité de Rivière-au-Renard, capitale québécoise des pêches maritimes du Québec. « Rivière-au-Renard mériterait d’avoir cette sculpture pour rehausser sa visibilité, estime le sculpteur. Je vais leur offrir aussi de refaire l’affiche qui va avec. »
Claude Rioux à l’oeuvre devant l’une de ses toiles en 3D. Photo : Johanne Fournier
Mythologie, spiritualité et art religieux
Inspiré par la mythologie, la spiritualité et l’art religieux, Claude Rioux a sculpté La source de l’ange, située au belvédère Pierre-Drapeau de Rivière-à-Claude. « Comme toutes les oeuvres où il n’y a pas de surveillance, elle a été vandalisée », déplore l’artiste. Mais, il en faut plus pour éteindre la flamme créatrice du sculpteur. « J’aimerais faire un immense parc de sculptures », rêve-t-il. Ce terrain où est située la fameuse sculpture, connue maintenant comme la Montagne des Anges, appartient à l’artiste. « J’ai fait planter 2500 érables sur la montagne en 2002. Ils font maintenant 25 pieds [7,6 mètres]. » Depuis la réalisation de La source de l’ange, « je suis aussi devenu un réparateur d’anges », ajoute-t-il en souriant.
En 2011, à la demande d’André Poulin, un citoyen de Mont-Louis qui avait une grande dévotion pour le Frère André, il a réalisé une sculpture monumentale du saint personnage d’une hauteur de 13 pieds (4 mètres). Aujourd’hui propriété de la Fabrique, l’oeuvre en béton armé pesant près de 5 tonnes se trouve près de l’église. Puis, gît aussi Le Héron à L’Anse-Pleureuse, d’une hauteur de 8 pieds (2,4 mètres).
La source de l’ange, située au belvédère Pierre-Drapeau de Rivière-à-Claude. Photo : Johanne Fournier
OEuvre prémonitoire?
Murdochville possède deux oeuvres monumentales de Claude Rioux. On ne saurait manquer S.A.M., un mineur de 17 pieds (5,2 mètres) de hauteur devant l’ancien Centre d’interprétation du cuivre et la fresque intitulée 60 ans, qui tapisse un mur de l’ancien édifice de la Baie d’Hudson. Panneau par panneau, l’artiste a peint cette murale de 200 pieds (61 mètres) de longueur dans son atelier pour commémorer le 60e anniversaire de la ville.
Comme s’il avait eu une prémonition, il a terminé l’oeuvre avec un phénix, désirant ainsi illustrer que la mine renaîtrait de ses cendres. « C’est ce qui arrive », mentionne-t-il, faisant ainsi référence au projet de la compagnie minière Métaux Osisko, qui a acquis le site de l’ancienne mine de cuivre pour éventuellement réexploiter le gisement.
À Marsoui, la sculpture monumentale nommée Si-Sea-Scie, fabriquée avec des lames de scierie, loge au sein du parc Alphonse-Couturier. « Elle rend hommage aux bâtisseurs de Marsoui, aux travailleurs du moulin à scie, et à tous ceux qui ont oeuvré en forêt pour développer la région », explique son créateur.
Nommons aussi ses expositions solos Sur la route des Orants dans les églises de Cloridorme, de Marsoui et de La Martre.
Bien avant l’avènement de la première Fête du bois flotté de Sainte-Anne-des-Monts, Claude Rioux travaillait déjà ce matériau. Son atelier fourmille d’ailleurs de personnages qui prennent vie à même ces morceaux de bois que rejette la mer de la Haute-Gaspésie. En 2011, en 2012 et en 2015, il a réalisé des oeuvres dans le cadre de la Fête du bois flotté.
La sculpture Si-Sea-Scie, fabriquée avec des lames de scierie, loge au sein du parc Alphonse-Couturier à Marsoui. Photo : Johanne Fournier
Au-delà de la Gaspésie
L’oeuvre de Claude Rioux rayonne bien au-delà de la Gaspésie. En marge du Symposium de sculptures monumentales de Lac-Mégantic de 2015, il a créé une sculpture en acier et en pierre intitulée Citnagem (les lettres du mot Mégantic à l’envers). Elle est l’une des 47 sculptures dédiées à la mémoire d’autant de victimes de la tragédie ferroviaire de juillet 2013. Elles sont érigées dans la partie qui avait été détruite par le funeste accident.
En 2019, l’artiste a redonné vie à l’ermite Toussaint Cartier qui, avec son chien, regarde l’île Saint-Barnabé, en face de Rimouski. L’immense sculpture L’esprit des lieux se dresse à côté du Bureau d’information touristique de Rimouski.
Né à Sainte-Anne-des-Monts en 1953, Claude Rioux a été adopté par un couple de Rivière-à-Claude, où il a vécu jusqu’à l’âge de cinq ans, après quoi la famille a déménagé à Montréal. Le Gaspésien d’origine a vécu pendant 45 ans dans la métropole, où il a travaillé pendant 20 ans chez Molson. « Je travaillais à la soude caustique, un des emplois les plus importants de la chaîne de production », fait-il savoir.
Avant d’être sculpteur, Claude Rioux a été peintre à Montréal. De 1988 à 1991, il a été propriétaire de la Galerie-Atelier 1000 Azurs sur le Plateau Mont-Royal. Ses tableaux ont fait l’objet d’une bonne dizaine d’expositions, notamment à la Pyramid Gallery dans le quartier SoHo à New York. « Mais, ce n’est pas comme ça qu’on devient riche, à moins d’avoir des contacts, ce qui n’est pas mon cas », laisse-t-il tomber.
La peinture est un art qu’il pratique encore aujourd’hui. Parmi ses toiles, soulignons Pérégrinatio, d’une dimension de 91 cm sur 122 cm, qu’il a exposée dans l’église de Marsoui en 1998, à l’occasion du Rendez-vous des arts marsois.
« Lorsque mes parents adoptifs ont redéménagé à Rivière-à-Claude vers 1990 ou 1991, j’ai quitté mon emploi qui me sécurisait financièrement », raconte M. Rioux, qui a décidé de revenir vivre dans son alma mater, plus précisément dans la maison qu’il avait achetée en 1989.
Depuis, sa demeure a subi des agrandissements majeurs en 1994 et en 2014 pour y juxtaposer un vaste atelier et un espace en hauteur pour créer ses sculptures monumentales. Un imposant dragon orne la devanture du lieu nommé La Galerie magique du dragon d’art.
La plus récente exposition de Claude Rioux, Symphonie chromatique, était présentée à la Maison de la culture de Sainte-Anne-des-Monts. Photo : Johanne Fournier
Parcours professionnel
Peintre et sculpteur autodidacte depuis 1985, Claude Rioux croit qu’il faut vraiment être passionné pour faire de l’art. « C’est vraiment la passion qui m’anime, mais ce n’est pas facile. Ça a pris du temps avant que je sois reconnu par le RAAV [Regroupement des artistes en arts visuels]. Je commence à être dans les livres d’art et d’histoire. » Il est également membre du Conseil des métiers d’art du Québec.
L’artiste a reçu divers prix et reconnaissances, dont la médaille de bronze lors du Concours national d’arts visuels de Montréal en 1989, une bourse de la Société de développement des entreprises culturelles en 2015 et 2016 ainsi qu’une bourse de déplacement du Conseil des arts et des lettres du Québec. Depuis peu, Claude Rioux est administrateur du Conseil de la sculpture du Québec.
Retour aux études
Au début des années 2000, l’homme est retourné aux études sur une période de sept ans. Il a d’abord obtenu une attestation d’études collégiales (AEC) en conception et réalisation de sites Web du Cégep de Sainte-Foy à Québec, pour ensuite compléter une AEC en programmation Web et réseaux du Collège Bart à Québec, et pour enfin terminer avec une AEC en animation 3D du Cégep de Limoilou.
Pour pouvoir payer son appartement à Québec et sa maison à Rivière-à-Claude, il est retourné à Montréal en 2009 et 2010 pour travailler dans le domaine de la construction. Pendant ces mêmes années, il a été illustrateur, infographiste et webmestre pour Les Bouts de papier de la Haute-Gaspésie, un organisme voué à l’alphabétisation situé à Sainte-Anne-des-Monts.
Claude Rioux a suivi différentes formations artistiques, notamment en techniques de moulage avec Jacques Bodart de Saint-André-de-Kamouraska ainsi que des cours en restauration et reproduction d’ouvrages anciens en fer forgé offerts par Les Forges de Montréal.
Il a aussi participé à des résidences d’artiste à la Maison des métiers d’art de Québec et, l’été dernier, à la Chapelle du Cap à Cap-au-Renard, où ses oeuvres ont fait l’objet de l’exposition L’art du trait. Ses tableaux ont ensuite été vendus lors d’un encan silencieux, à l’issue duquel la moitié des profits a été versée à la Chapelle du Cap. Puis, du 27 mars au 24 mai derniers, il a présenté l’exposition Symphonie chromatique à la Maison de la culture de Sainte-Anne-des-Monts.
Que peut-on souhaiter à Claude Rioux? « J’aimerais avoir plus de visibilité pour vendre mes oeuvres », répond celui dont l’atelier déborde de sculptures et de toiles.
En attendant, l’artiste a plusieurs cordes à son arc. Il crée notamment des monuments funéraires personnalisés. « Pour survivre, je fais aussi du tatouage et du vitrail », termine-t-il.
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