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7 juillet 2023 10 h 26

Des mots, des notes et des images; partie 1/3

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Le silence des morues ou… le jour de la marmotte

CARLETON-SUR-MER | La pêche à la morue a façonné l’histoire du Québec et des Provinces atlantiques. Le moratoire sur la pêche au poisson de fond, décrété en 1993 pour les pêcheurs québécois, a créé un trou béant dans l’économie de certaines communautés côtières, notamment en Gaspésie, tout autant que dans le coeur de ses habitants. Où en sommes-nous 30 ans plus tard? C’est ce que cherche à comprendre Jean Guénette dans son documentaire Le silence des morues, produit par la maison Gaspa de Carleton-sur-Mer.

« C’est important, 30 ans après, de faire le point, estime le producteur. Comment toute cette économie s’est transformée? Le but du film est de raconter l’importance de ce poisson [la morue]. Il y a un devoir de mémoire. »

En plus de donner la parole à des pêcheurs gaspésiens et madelinots, le documentaire fait une incursion à Lunenburg, en Nouvelle-Écosse, là où les gens avaient, bien avant que le moratoire soit décrété, tiré la sonnette d’alarme auprès des scientifiques. Mais, ils n’avaient pas été pris au sérieux, de l’avis de Jean Guénette.

Le documentariste et journaliste, qui sillonne les quais depuis plus de 30 ans, présente un portrait des pêches tel qu’il est aujourd’hui. Le film, qui prendra l’affiche sur les chaînes 511 de MaCommunauté Telus et sur YouTube, à une date encore indéterminée, propose un retour sur le passé, une observation du présent ainsi qu’une vision d’un avenir qui appartiendra à une nouvelle génération de pêcheurs et de transformateurs, soutenue par les nouvelles technologies. Les erreurs se répètent Pour compenser la perte de milliers d’emplois en mer et dans les usines de transformation, tout en mettant un baume sur l’économie écorchée de centaines de villages, la diversification des sources de revenus est apparue comme une solution. Par conséquent, d’autres espèces halieutiques sont pêchées. Entretemps, le réalisateur constate que la morue et le sébaste, une autre espèce dont la pêche est frappée par un moratoire depuis 1995, sont de retour dans le Saint-Laurent. Certains acteurs nourrissent donc l’espoir d’une reprise de la pêche commerciale.

Jean Guénette ne mâche pas ses mots. Selon lui, les erreurs se répètent dans d’autres espèces que la morue. « Le manque de courage politique, la mauvaise gestion du gouvernement fédéral dans le domaine des pêches et le peu d’importance que les politiciens d’Ottawa et même de Québec portent aux régions maritimes font en sorte qu’on est toujours laissé pour compte. Ce laisser-aller fait en sorte que, 30 ans après, on voit des moratoires s’imposer et des déclins majeurs dans d’autres espèces halieutiques. »

On a souvent blâmé les pêcheurs. Mais maintenant, ce n’est plus de leur faute, croit-il. « Ce sont des décisions et des actions qui ne sont pas mises de l’avant pour protéger les autres ressources en danger. »

Le journaliste déplore l’attitude du ministère des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, où on lui avait promis des entrevues qui n’ont finalement jamais eu lieu. « On leur a donné des délais et ils n’ont pas été capables de nous fournir quelqu’un. On nous a même répondu, au bureau de Moncton, que la gestion des phoques et de la morue est décidée à Ottawa et non dans les bureaux des régions atlantiques, où sont généralement les morues et les phoques gris. C’est pour le moins étonnant! »

En revanche, Jean Guénette a réussi à obtenir un point de vue scientifique, soit celui d’Alain Fréchet, aujourd’hui retraité du ministère fédéral. « Maintenant, il a le droit de me parler », se réjouit le producteur de films.


Le documentariste et journaliste Jean Guénette sillonne les quais depuis plus de 30 ans. Photo : Fournie par Gaspa

C’est la faute du phoque gris

M. Guénette accuse le laxisme d’Ottawa concernant la prolifération du phoque gris qui s’est multiplié à vitesse grand V depuis 1998, sans compter le nombre de phoques du Groenland qui fréquentent le golfe pendant un mois et demi et qui s’alimentent de plusieurs espèces. Il est grand temps, à son avis, de se
concentrer sur le phoque gris qui, après 30 ans, est le principal problème du rétablissement des stocks de morue dans le sud du golfe.

Selon le cinéaste, le phoque gris mange en moyenne 40 kg de poisson par jour. Dans le film, il fait le calcul avec le pêcheur O’Neil Cloutier et arrive à un total de 4,5 milliards de livres de morue par année qui sont consommées par le mammifère marin.

En conclusion de son documentaire, Jean Guénette le répète : l’exemple de la morue se répète avec d’autres espèces de poisson et le fait que les décideurs ne s’en préoccupent pas démontre leur faible degré d’intérêt pour les régions éloignées. En d’autres mots, le documentaire arrive au constat que, si les morues pouvaient parler, elles feraient sans doute réaliser aux gestionnaires que le dossier des pêches n’est rien d’autre que le jour de la marmotte.

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Des mots, des notes et des images; partie 3/3