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23 avril 2019 17 h 39

Des vacances? Connais peu!

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SAINTE-ANNE-DES-MONTS, avril 2019- Pour Ève Woods-Lavoie, qui pratique depuis une vingtaine d'années à Gaspé, les semaines de travail sont de 80 heures. Elle soigne uniquement les petits animaux. « J'ai pris une semaine de vacances en cinq ans, s'attriste-t-elle. Je vis en Gaspésie et je n'en profite pas! » Pour la mère de deux enfants, la surcharge de travail la prive aussi trop souvent d'activités familiales. « La minute que je touche à un animal, je dois être disponible 24 heures sur 24, indique-t-elle. La fatigue physique et mentale s'installe. »  

La docteure Woods-Lavoie croit que la pénurie de vétérinaires a des conséquences sur sa clientèle. « Il y a des interventions qui doivent être retardées, déplore-t-elle. Le délai d’attente est de deux mois. » Pour réduire ses heures de travail, elle souhaiterait engager un autre vétérinaire. « Ça fait deux ans que je cherche », se désole-t-elle. L’une des solutions, selon elle, passerait par une reconnaissance des diplômes des professionnels étrangers.

Lui aussi propriétaire d’une clinique à Gaspé et d’un point de services à Grande-Rivière, André Banville estime que la rareté de vétérinaires rend la pratique de la profession moins intéressante. « Je suis de garde tout le temps, soupire-t-il. J’ai beaucoup sacrifié ma vie privée. » Comme il soigne les animaux de ferme, les distances à parcourir sont énormes. Depuis 2015, le docteur Banville peut compter sur une autre vétérinaire pour les soins apportés aux petits animaux : Catherine Brousseau.

Le vétérinaire de Gaspé estime que la situation n’a aucune conséquence sur ses clients. « Ils ne s’en aperçoivent pas, dit-il. On offre des services 24 heures sur 24. Je ne pense pas que les gens souffrent de ça, sauf peut-être du côté des chevaux. » Le délai d’attente pour des interventions sont de deux semaines.

Pour atténuer le manque de vétérinaires, André Banville rêve à la mise en place d’une banque de remplaçants qui lui permettrait de prendre des vacances. Il suggère aussi que la faculté de médecine vétérinaire favorise les étudiants qui viennent de la région. Après 37 ans de pratique, André Banville ne songe pas à la retraite.

La population de La Haute-Gaspésie compte sur les services d’un seul vétérinaire, dont le bureau situé à Sainte-Anne-des-Monts n’est ouvert qu’une journée par semaine pour les examens de base. Dédiés aux animaux de compagnie, les services sont assurés par Alain Chénard, dont la clinique est à Matane. Selon lui, la rareté de services a pour effet d’allonger le délai des chirurgies jusqu’à cinq ou six mois.

« Quand je vais à Sainte-Anne-des-Monts, je ne peux pas fournir à toutes les demandes, se désole-t-il. L’impact sur la clientèle se traduit par un déplacement à Matane. » Là, il peut compter sur les services d’une collègue, Pierrette Mercier. La semaine de travail du Dr Chénard tourne autour d’une cinquantaine d’heures.

Si elle est satisfaite de la qualité des soins et de l’accueil du personnel, Émilie Boucher considère cependant que les services sont insuffisants pour les besoins de ses trois chiens, surtout dans les cas urgents. « Nous devons attendre ou aller voir ailleurs », se résigne la résidente de Sainte-Anne-des-Monts. Pour les chirurgies de stérilisation, elle se déplace à Rimouski. « Je dois planifier mon horaire en conséquence, souligne-t-elle. Pour la stérilisation de ma chienne, nous devons faire son admission le mercredi. Elle sera stérilisée le jeudi et sa sortie est prévue le vendredi. »

L’Ordre préoccupé

Selon l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec, la pénurie est ressentie sur l’ensemble du territoire, mais la situation est plus criante dans les régions éloignées, plus particulièrement pour les grands animaux. Un groupe de travail a été réactivé pour tenter d’influencer les organisations qui ont le pouvoir d’améliorer la situation, dont la faculté de médecine vétérinaire qui, par exemple, pourrait augmenter le nombre de stages en région.

« On travaille pour faciliter l’accès à la pratique des médecins vétérinaires étrangers, précise la présidente de l’Ordre, Caroline Kilsdonk. Il y a d’ailleurs une entente France-Québec pour une reconnaissance mutuelle. Mais, si on accueille des vétérinaires français, on ne peut pas les pousser à aller en région! »

D’autres pistes sont explorées, dont la consultation en télémédecine et la possibilité de déléguer certains actes à des techniciens en santé animale.

La Dre Kilsdonk croit que la rareté crée un effet pervers. « La pénurie de vétérinaires peut en décourager certains à aller pratiquer dans les régions parce qu’ils savent qu’ils auront un horaire de fou », croit-elle.

D’ailleurs, l’Ordre est particulièrement inquiet de l’épuisement professionnel de ses membres. Le taux d’abandon de la profession et le nombre de suicides augmentent.

 

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