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7 septembre 2018 15 h 16

Faire bouger la population locale, attirer les touristes, ou les deux?

Gilles Gagné

Journaliste

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GASPÉ ET CARLETON-SUR-MER | Les Gaspésiens font la preuve depuis des années qu’ils ont un talent pour l’organisation d’événements. Au cours de la dernière décennie, ils ont mis un accent particulier sur les événements sportifs, qu’on pense notamment à la version «bottines» et automnale de la Traversée de la Gaspésie, aux Événements Gaspesia, au Marathon Baie-des-Chaleurs, au Raid international Gaspésie, le Défi de la plage à Sainte-Anne-des-Monts et à la Grande course de Chandler. GRAFFICI présente ici ce qui motive les organisateurs de certains de ces événements et les raisons de leur succès.

Les Événements Gaspesia organisent une dizaine de courses, à pied et en vélo. « La première mission, c’est de développer le tourisme sportif de niche », indique le directeur de course, Jean-François Tapp.

L’Ultra Trail Gaspésia 100 de Percé, une course en sentier disputée du 15 au 17 juin, a attiré 430 participants. M. Tapp estime qu’un maximum de 15 % d’entre eux étaient des « locaux » de l’axe Gaspé-Chandler. À l’autre extrême, 18 % viennent de l’extérieur du Québec, soit des autres provinces canadiennes, des États-Unis, et certains de la France, de la Belgique et de la Chine.

Pourquoi aller aussi loin pour courir ou pédaler? « Les gens viennent pour l’aventure. On offre quelque chose de complètement différent. Cette année, on a donné le départ à la Plage des pêcheurs, à Cannes-de-Roches. C’était une marée haute. Ils ont dû courir le long des falaises, avec parfois de l’eau jusqu’à la taille. Ils sont sortis de l’eau à Coin-du-Banc avec le sourire fendu jusqu’aux oreilles », relate M. Tapp.

« On a 60 à 70 bénévoles sur le terrain; les coureurs viennent chercher cette chaleur humaine locale. Ils se disent : si on veut vivre ça, on n’a pas le choix d’aller à l’autre bout du monde », ajoute-t-il.

« Ça m’énerve d’être traité dans les sports, ajoute M. Tapp. Je me considère plus proche du tourisme et des congrès que des sports. On est dans la catégorie de la TDLG, du Raid international Gaspésie, qui tentent de créer des expériences, d’attirer des gens ici pour créer des images, susciter le rêve. On vise une clientèle qui voyage pour sa passion sportive. »

Le but des Événements Gaspesia n’est « pas d’animer la population locale, mais « ça crée un engouement à faire bouger », juge M. Tapp. « Chaque année, je vois des gens dans mes listes d’inscription que je n’aurais jamais cru en 100 ans voir s’inscrire. »  Les courses destinées aux enfants ont aussi cet effet d’allumer des flammes.

En 2017, les 275 participants de l’Ultra Trail Gaspesia 100 ont laissé des retombées d’un demi-million de dollars, calcule le directeur de course.

Marathon Baie-des-Chaleurs

À Carleton, les organisateurs du Marathon Baie-des-Chaleurs ont d’emblée adopté le but « d’offrir aux coureurs d’ici un événement d’envergure », souligne sa porte-parole, Geneviève Bouffard.

« Il  y avait un créneau disponible. On récupérait le marathon de Charlo, au Nouveau-Brunswick, un événement familial. Ses organisateurs étaient à bout de souffle. Le timing était parfait. On a embarqué», ajoute Mme Bouffard.

Le premier «Marathon BDC», comme il est souvent appelé, a eu lieu en juin 2013 et il a attiré 1 200 personnes courant sur des distances d’un, cinq, dix, 21 et 42 kilomètres. Comme relance d’un événement essoufflé, c’était concluant. Depuis ce temps, environ 2000 personnes s’inscrivent chaque année.

«Notre force, c’est le côté rassembleur; 50% de nos coureurs viennent de la Baie-des-Chaleurs. Il y en a pour toute la famille. Si quelqu’un veut marcher cinq kilomètres, pas de problème. La tendance est à la course dans les sentiers mais on garde cette ligne-là», dit Geneviève Bouffard à propos de la course sur route.

L’événement attire tout de même 1000 personnes de l’extérieur de la Baie-des-Chaleurs. «Ce qui a fait qu’on est allé chercher cette clientèle, c’est l’identité de l’événement, notre côté chaleureux. Ça vient de la qualité des bénévoles et de l’organisation. On maintient l’intérêt avec les médias sociaux. Nous sommes tous des bénévoles, à part moi, embauchée une journée par semaine, de janvier à juin. Notre comité organisateur est très structuré. D’octobre à juin, on tient sept-huit réunions, pas plus, mais on a un cahier de charges bien précis et tout le monde sait ce qu’il a à faire», explique-t-elle.

Le Marathon Baie-des-Chaleurs ne reçoit aucune subvention et il fonctionne avec 90 000 $, une somme modeste compte tenu de son envergure. «Ce sont  100 % des revenus autonomes. Nous recevons 13 000 $ des partenaires et commanditaires. Le reste vient des inscriptions et des services. Nous avons 230 bénévoles. C’est notre priorité. Ils sont bien informés et bien traités. Ils font notre événement. L’achalandage rend aussi les commerçants heureux», souligne Geneviève Bouffard.

Malgré l’absence de subventions puis l’achat de t-shirts et de médailles pour tous les participants, il reste de l’argent pour la communauté. «On verse 2 000 $ au Club de VTT Tracadièche en échange de leur aide et on a appuyé un projet-jeunesse pour le Grand défi Pierre Lavoie», conclut-elle.

Raid international Gaspésie

Daniel Labillois, porte-parole du Raid international Gaspésie, souligne de son côté que le rayonnement médiatique international de la région constituait le but initial des organisateurs de cette difficile épreuve multidisciplinaire de 150 ou de 300 kilomètres entre trois jours.

«Il n’y a pas 25 000 personnes le long du parcours, ce que voudrait Tourisme Québec pour appuyer financièrement notre événement. On sait par contre que l’auditoire potentiel des chaînes qui retransmettent les émissions préparées après le raid s’élève à 300 millions de personnes mais on n’a pas les moyens de vérifier combien de téléspectateurs syntonisent vraiment ces émissions», explique M. Labillois.

Les organisateurs du «RIG», son surnom, assistent toutefois à un rayonnement régional qu’ils souhaitaient certes, mais qu’ils n’osaient prédire.

«En 2014, sur une quarantaine d’équipes, il y avait une équipe régionale, composée de Gaston Berthelot et Michel Bujold. On avait compté dans la région, on avait un potentiel de sept ou huit équipes. Cette année, sur 81 équipes de je ne sais combien de pays, il y aura 42 équipes régionales. Au prologue étudiant du jeudi, chaque jeune sera jumelé, s’il le veut, à un participant du raid. La première année, il avait plu pendant le prologue et on se disait qu’on allait se faire ramasser par les professeurs et les parents pour avoir lancé les jeunes dans une course sous de telles conditions. On n’a eu que des éloges. Certains jeunes disaient avoir vécu la plus belle journée de leur vie. C’est certain qu’un facteur aidant, c’est que tout le monde a la même médaille et se fait prendre en photo sur le podium», raconte Daniel Labillois.

L’hiver en vedette avec la Traversée

Quand on demande à Claudine Roy, fondatrice de la Traversée de la Gaspésie, si elle était mue par le sport, le tourisme ou les deux il y 17 ans, la réponse arrive illico.

«En premier lieu, on voulait faire découvrir la Gaspésie l’hiver, par le ski de fond, la raquette. On voulait attirer 250 à 300 personnes ici, en plein hiver (…) On pense que ça a ouvert la voie. On voit Guillaume (Molaison, du Chic-Chac) développer son entreprise à Murdochville, Vertigo, (dans l’arrière-pays de Cap-Chat et de Matane). Avec les Gaspésiens qui participent, ça amène les gens à découvrir leur territoire», explique Mme Roy.

Faire des petits, c’est aussi le but de Ray Venables, président de la Grande course de Chandler, à la mi-septembre, quand le temps plus frais convient mieux à des courses de 2 à 21 kilomètres.

«Nous avons trois buts, encourager la bonne forme physique, redonner à la communauté, comme les 10 000 $ versés l’an passé à la Fondation du CSSS du Rocher-Percé pour des équipements hospitaliers, et encourager le tourisme dans la MRC», note M. Venables.

Cette année, le départ du demi-marathon sera donné à Sainte-Thérèse-de-Gaspé, pour voir un autre pan de paysage.

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