Gilbert Langlois : l’homme qui écrivait la Gaspésie
SAINTE-ANNE-DES-MONTS | Vingt ans après sa mort, Gilbert Langlois demeure une figure marquante du paysage culturel de la Gaspésie. Romancier, réalisateur, directeur artistique et militant culturel, cet homme aux multiples talents a consacré sa vie à l’écriture et au développement culturel de sa région natale.
Né à Sainte-Anne-des-Monts en 1946, Gilbert Langlois se fait d’abord remarquer en 1968 comme compositeur-interprète, remportant la demi-finale régionale du concours Jeunesse oblige, ce qui lui permet de se rendre aux éliminatoires nationales à Ottawa. Mais, c’est finalement vers l’écriture que le jeune homme décide de se tourner.
Au printemps 1968, une analyse critique de La Voix gaspésienne, réalisée dans le cadre d’un cours universitaire et publiée par le journal lui-même, éveille son désir de devenir journaliste et développe son talent d’écrivain. Tout en se consacrant à l’écriture, il complète son baccalauréat en cinéma et en littérature en 1972. Il a alors 26 ans.

Plusieurs membres de la famille élargie de Gilbert Langlois étaient présents lors de la commémoration du 20e anniversaire de son décès. À chaque extrémité de la première rangée, ses deux filles, Flavie et Élise. Photo : Johanne Fournier
Carrière littéraire lancée en trombe
En 1970, Gilbert Langlois soumet son premier roman au concours sur manuscrit des Éditions de L’Actuelle : Le domaine Cassaubon. Il remporte le premier prix. Publié en 1971, ce roman audacieux met en scène Josephte Cassaubon, une adolescente de 13 ans follement amoureuse de son frère Igor, avec qui elle vit une relation incestueuse. Ce personnage d’une grande ambiguïté donne au roman une saveur onirique et interroge la moralité. L’oeuvre est bien reçue par la critique.
Grâce à ce succès, le jeune écrivain obtient une bourse de 4000 $ du Conseil des arts du Canada pour écrire L’allocutaire, publié en 1973. L’auteur qualifie lui-même son roman « d’oeuvre bizarre, mais intéressante ». L’ouvrage présente les échanges entre un narrateur et un vieil auteur, Alexandre Périchonole, accompagné de son serviteur Castaut. Au fil de 11 entretiens, les deux hommes explorent les multiples avenues de la création littéraire.
Roman mythique
En 1974 paraît C’t’à cause qu’y vont su’a lune, qui est sans doute le plus célèbre roman de Langlois. L’histoire porte sur le propriétaire d’un camping de Sainte-Anne-des-Monts, Thyme Henley, lors de l’éclipse totale du soleil du 10 juillet 1972. Avec des dialogues en joual et une narration en français standard, l’auteur trace un portrait social d’une fidélité troublante avec la réalité.
Le problème surgit rapidement : Anthyme Perry, qui a inspiré le personnage principal, n’aime guère être ainsi dépeint. Il menace de poursuivre l’auteur et l’éditeur. Ce dernier cède et retire le livre du marché, bien que M. Perry
n’ait jamais donné suite à sa menace. Le roman, dont il ne reste que quelques exemplaires ici et là, est devenu un véritable mythe.
Pourtant, le portrait tracé par le romancier était plutôt sympathique, aucunement méchant. « À la limite, il s’agit d’un hommage à un personnage dont la truculence était connue de tous ceux qui le connaissaient », soulignera David Lonergan lors du 20e anniversaire du décès de Gilbert Langlois. Si l’auteur avait simplement changé le nom de son personnage, toute cette controverse n’aurait jamais existé.

Gilbert Langlois demeure une figure marquante du paysage culturel de la Gaspésie. Photo : Romain Pelletier
Un long silence, puis un retour
Après cette mésaventure, la carrière d’écrivain de Gilbert Langlois connaît une longue pause. Son roman suivant, Cuisses avec dos, ne paraît qu’en 1993 chez VLB Éditeur. Relatant l’histoire d’une infirmière installée dans un dispensaire isolé de la Basse-Côte-Nord, le roman se concentre davantage sur les scènes érotiques que sur les problématiques sociales sous-jacentes.
Son dernier roman achevé en 1994 demeure inédit. Écrit dans une langue simple et colorée, parsemée d’humour et d’émotions, Chez Hortence raconte l’histoire d’un restaurant menacé d’expropriation dans le village de Saint-Raymond. Malgré une galerie de personnages fortement typés et crédibles, le roman ne trouve pas preneur chez les éditeurs, à la grande déception de l’auteur qui le trouvait particulièrement réussi.


