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16 septembre 2011 11 h 40

Hydrocarbures en mer, à quel prix?

Dès l’an prochain, un forage exploratoire pourrait être réalisé à Old Harry, à 300 kilomètres au large de la Gaspésie. Au-delà du projet de Corridor Resources, c’est tout le développement de l’industrie des hydrocarbures en mer que les Gaspésiens commencent à questionner.

Il y a déjà un bon moment que nos voisins madelinots ont prit le micro pour exprimer leurs préoccupations sur le forage en mer dans le Golfe du Saint-Laurent. Mêmes s’ils ont été plus discrets jusqu’ici, les pêcheurs et l’industrie du tourisme de la Gaspésie sont inquiets eux aussi.

Yvan LeBlanc passe une partie de l’été sur le bord de la 132 à Percé, à l’abri sous une tente de toile blanche. L’employé des Bateliers de Percé vend des croisières pour observer les fous de Bassan qui nichent à l’île Bonaventure et les baleines qui s’alimentent dans les environs. L’exploitation du pétrole et du gaz au large? « On n’est pas intéressés à ça », répond-il, tranchant. En haute saison, des centaines de touristes embarquent chaque jour sur les navires de son employeur. « Moi, je gagne ma vie avec le tourisme. S’il y a une catastrophe écologique, on va en subir les conséquences et le gouvernement ne sera pas là pour nous aider. Un déversement, ça affecterait beaucoup plus de monde que ceux qui travaillent sur les plates-formes », dit M. LeBlanc.

Les chiffres compilés par GRAFFICI tendent à lui donner raison. Dans toute la province de Terre-Neuve-et-Labrador, l’industrie des hydrocarbures en mer fournit 3445 emplois. Dans la seule Gaspésie, 4000 personnes travaillent en tourisme. Environ 3330 autres gagnent leur vie grâce à la pêche, la mariculture et la transformation des produits marins. La Gaspésie expédie pour 125 millions $ par an de produits marins transformés. Les retombées de l’industrie touristique se chiffrent à 223 millions $. Et c’est sans compter les économies des Îles-de-la-Madeleine et de la Côte-Nord, aussi étroitement liées au Golfe du Saint-Laurent.

Les pêcheurs gaspésiens sont eux aussi préoccupés. « Old Harry, ça fait partie de notre histoire. On y a déjà pêché le sébaste [une espèce dorénavant sous moratoire] et c’est une route migratoire pour la morue », explique Réginald Cotton, pêcheur de poisson de fond et de crevette de Rivière-au-Renard. Il craint que toutes les espèces pêchées dans le Golfe soient affectées, ne serait-ce que sur le plan de l’image. « Ça pourrait aller jusqu’à marginaliser notre poisson, parce qu’il aurait été pêché près d’une plate-forme d’hydrocarbures. »

M. Cotton nuance toutefois sa position : son bateau consomme jusqu’à 10 000 litres de diesel à chaque voyage, un carburant qui doit bien provenir de quelque part, convient-il. « On ne peut pas dire “pas dans ma cour”! On va perdre la face. » Mais il tient à ce que les pêcheurs soient partie prenante des discussions aux côtés des représentants des pétrolières et des gouvernements. « On était là avant eux dans le Golfe. C’est notre territoire, c’est chez nous! », lance-t-il.

Vous voulez en savoir plus? Consultez les textes suivants dans le journal GRAFFICI du mois d’octobre 2011 ou cliquez ici.

Règlements : les lacunes

Marée noire : et si ça arrivait?

Le projet de Corridor Resources

Quels risques?

Consultez aussi les sites suivants :

La Fondation David Suzuki a simulé la trajectoire du pétrole advenant un déversement de 10 000 barils de pétrole par jour à partir du site d’Old Harry, à différents moments de l’année. La simulation se base sur les courants de l’année 2009-2010, et ne prétend pas couvrir tous les scénarios possibles, mais donne quand même une bonne idée du déplacement d’une éventuelle nappe de pétrole et du temps qu’elle prendrait à atteindre les côtes.

Après la catastrophe de BP dans le Golfe du Mexique, le gouvernement du Canada a chargé un comité de sénateurs de se pencher sur la situation de l’industrie au pays. Le titre de leur rapport  – Les faits ne justifient pas l’interdiction des opérations actuelles de forage en mer – ne dit pas tout. Les sénateurs soulignent plusieurs failles dans le système actuel, et en tirent des recommandations.  

Corridor Resources, la firme néo-écossaise qui veut forer à Old Harry, a préparé cette description de son projet. En accord avec la réglementation, la firme ne se contente pas de décrire les travaux à venir, mais produit des données sur les espèces présentes autour d’Old Harry et l’effort de pêche aux alentours.

La Coalition Saint-Laurent demande un moratoire sur l’exploration des hydrocarbures dans le Golfe. Dans ce document, elle explique pourquoi de façon schématisée. Même si elle n’est pas parfaitement à jour, la présentation a le mérite d’être claire et imagée.

L’Institut Pembina a publié en juin une étude comparative des réglementations dans l’Arctique canadien, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Norvège et au Groenland. Il s’agit d’un document très technique, en anglais, et ses auteurs ne portent pas de jugement à savoir qui a le meilleur système. Mais pour ceux qui veulent aller plus loin, il pourrait s’agir d’un document précieux.