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29 mars 2016 16 h 02

L’ANGE GARDIEN DES SKIEURS HORS PISTE EN PÉRIL

GASPÉ, 29 mars 2016 - Avalanche Québec, l’ange gardien des skieurs hors piste, est en péril. L'organisme basé à Sainte-Anne-des-Monts est craint pour son avenir, faute de garanties de financement

Ses gestionnaires ont récemment reçu des « signaux positifs » de Québec. Ils espèrent poursuivre leurs activités de prévention, dans un contexte où le nombre de skieurs hors piste se multiplie dans les Chic-Chocs.

Les avalanches, ça n’arrive pas que dans les Rocheuses ou dans les Alpes. Isara Bureau-Lafontaine, une résidente de Gaspé, peut en témoigner. Le 6 mars dernier, elle en a vu une de très près. Avec son conjoint et une amie, l’adepte de planche à neige s’est rendue pratiquer le hors piste dans le secteur du Petit Whilloughby, dans l’arrière-pays de Mont-Saint-Pierre.

« C’est dans une petite forêt. En haut, il y a un mur avec deux beaux couloirs de neige formés par les avalanches au cours des ans », décrit Mme Bureau-Lafontaine.

Au pied de la pente, le trio de la planchiste s’est arrêté pour changer d’équipement. Pendant ce temps, un premier groupe a commencé l’ascension. « La personne la plus en haut a décroché une motte de neige qui a déclenché l’avalanche. Ça s’en venait rapidement vers nous. On a juste eu le temps de se tasser », rapporte Mme Bureau-Lafontaine.

Dans les minutes qui ont suivi, une deuxième avalanche, plus sérieuse, s’est déclenchée. « On a eu le temps de se cramponner à des arbres sur le côté. Quand ça s’est arrêté, on avait de la neige jusqu’aux épaules », indique la planchiste.

« Il n’est rien arrivé de grave, mais on a beau prévenir des choses, essayer de lire le terrain avant, on n’est jamais à l’abri. »

Mme Bureau-Lafontaine avait suivi un cours de sécurité en avalanche. Elle avait consulté le bulletin émis par Avalanche Québec, qui indiquait un risque « modéré » dans ce secteur. Elle portait l’équipement recommandé : pelle, sonde et détecteur de victimes d’avalanches (DVA- appareil émetteur récepteur destiné à localiser son porteur enfoui sous une avalanche).

Malgré toutes ces précautions, un risque demeure, note la planchiste. Et il augmente avec le manque d’expérience. « Une chance qu’Avalanche Québec est là. Depuis quatre ans que je fais du ski [hors piste], c’est de plus en plus populaire. Ce ne sont pas tous des gens qui connaissent ça. Quand on est habitué de skier en station, on n’est pas conscient des risques », dit Mme Bureau-Lafontaine.

Incertitude chez Avalanche Québec

Avalanche Québec analyse les risques d’avalanche et la météo alpine dans les Chic-Chocs et en informe les skieurs. L’organisme sensibilise les adeptes de plein air aux dangers des avalanches et aux façons de s’en prémunir. Et il donne de la formation à l’industrie du hors piste qui fleurit dans les Chic-Chocs et aux autres intervenants de ce secteur.

Avalanche Québec mène cette mission depuis 1999, année de sa naissance dans le giron de la MRC de la Haute-Gaspésie, avant qu’elle s’incorpore en 2006.

Après 17 ans de service, l’organisme est en péril, faute de garantie de financement. Avalanche Québec n’a pas le « minimum nécessaire » pour démarrer une nouvelle année le 1er juillet, indique son directeur, Dominic Boucher. « Les garanties de financement sur la table ne nous permettent pas d’embaucher une personne à temps plein l’hiver prochain […]. Pour aller chercher des contrats, faire des levées de fonds, aller donner des cours, ça prend une équipe. »

Les dernières discussions avec le gouvernement du Québec ont été « positives », note M. Boucher. « On a eu assez de signaux pour nous rassurer. On ne sert pas le champagne mais on a une assez bonne confiance que ça se règle. »

Sources taries

Les sources d’aide se tarissent pour Avalanche Québec, dont le budget annuel oscille entre 250 000 $ et 300 000 $. La disparition de la Conférence régionale des élus a signifié 30 000 $ en moins pour l’organisme. Son entente de financement avec Québec via le programme FAIRE a aussi pris fin. Depuis 2006, ces sommes représentaient environ 70 000 $ par an, soit près de 30 % du budget.

En 2015-2016, Avalanche Québec a dû réduire ses dépenses. Ses employés – entre un et cinq selon la saison – ont commencé à préparer les bulletins d’avalanche deux semaines plus tard en décembre et y ont mis fin deux semaines plus tôt en avril. Conséquence : moins d’information pour les utilisateurs des Chic-Chocs, qui skient parfois jusqu’à la mi-juin, dans un cocktail météo favorable aux avalanches. « Cette année, l’hiver s’accroche. On a des tempêtes coup sur coup avec du soleil et de la chaleur entre-temps », remarque M. Boucher.

L’organisme a dû aussi mettre un frein à plusieurs activités de sensibilisation. Avalanche Québec a été moins présent dans des conférences, des salons ou dans des boutiques spécialisées. « Quand les gens sont rendus ici, ce n’est plus le temps de leur dire qu’ils n’ont pas l’équipement requis ou qu’ils auraient dû prendre un cours d’avalanche », lance le directeur.

Plus de skieurs, pas plus d’accidents

Quel impact la présence d’Avalanche Québec a-t-elle eu sur les accidents liés aux avalanches dans les Chic-Chocs? Le taux d’accident est resté très bas si on le compare à l’évolution de la pratique, analyse M. Boucher. Il y a eu deux décès liés aux avalanches en 2000 et un en 2009. Aucun mort n’est à déplorer depuis sept ans, alors que la pratique du hors piste explose.

« Quand je suis arrivé [en Haute-Gaspésie à la fin des années 1990], je pouvais skier dans la poudreuse une semaine après la tempête. Aujourd’hui, il faut presque dormir dans le stationnement. Mais parallèlement à ça, il n’y a pas plus d’accidents », remarque le directeur.

« Le travail de sensibilisation, de prévention a fait son effet, poursuit-il. La première fois que j’ai porté un détecteur de victimes d’avalanches, les gens pensaient que c’était un baladeur pour écouter de la musique. Aujourd’hui, c’est la norme. »

Le surcroît de sécurité a aussi des avantages côté développement économique. « Des gens sont rassurés par l’existence de produits de sécurité. Sinon, ils pourraient aller vers le Mont Washington ou vers l’Ouest », dit M. Boucher.

Les Chic-Chocs attirent de plus en plus de skieurs américains. Fin mars, le nord-est des États-Unis est à court de neige. Dans les stationnements au bas des montagnes fréquentées par les adeptes de hors piste, une plaque de voiture sur trois est immatriculée chez nos voisin du sud, observe Dominic Boucher.

Le ski hors piste est en croissance de 20 % par an, indique le directeur. La SÉPAQ estime cette clientèle entre 50 000 et 75 000 jours/personne par hiver sur les territoires du parc de la Gaspésie et des réserves fauniques. Et c’est sans compter les clients qui font affaire avec des entreprises comme le Chic-Chac, Vertigo ou la Vallée taconique.

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