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15 septembre 2021 17 h 40

L’aquariste Mathieu Lemonde-Landry : comme un poisson dans l’eau

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Depuis septembre 2020, GRAFFICI vous présente des scientifiques qui, tant en sciences naturelles qu’en sciences humaines, contribuent à l’avancement des connaissances en direct de la péninsule. Grâce à leur expertise et à leurs connaissances pointues dans leur domaine de prédilection, ils démontrent qu’il est fort possible de faire rimer les mots « Gaspésie » et « science ». Cette fois, nous vous présentons le responsable de la collection vivante du musée Exploramer de Sainte-Anne-des-Monts, Mathieu Lemonde-Landry, natif de l’endroit.

SAINTE-ANNE-DES-MONTS | Travaillant pour Exploramer depuis plus de 17 ans, Mathieu Lemonde-Landry est le plus ancien employé du musée scientifique de la Haute-Gaspésie. Sorti de l’Université Laval en 2004 avec un baccalauréat en biologie en poche, le jeune scientifique a immédiatement été embauché là où il avait travaillé comme guide-interprète pendant les trois étés de ses études universitaires. Pour celui qui tenait à revenir en Gaspésie, c’est dans sa ville natale qu’il a réalisé son objectif.


Mathieu Lemonde-Landry est responsable de la collection vivante d’Exploramer. Photo : Johanne Fournier

« Pour moi, c’était important de revenir en Gaspésie pour travailler en biologie. La ville ne m’intéressait pas; me taper le trafic, c’était assez pour me décourager. Je n’avais pas envie de vivre dans ce monde-là. J’avais envoyé des CV tout le tour de la Gaspésie, puis c’est Exploramer qui m’a appelé. J’avais déjà un pied dans la boîte. Mais, je ne pensais pas nécessairement aller du côté muséal parce que j’ai un [baccalauréat] en bio avec une concentration en écologie animale. En sortant de l’université, je m’enlignais peut-être plus pour travailler en foresterie ou en gestion de la faune. C’est plus là-dedans que je regardais. »

Il faut dire que le poste pour lequel il a été embauché était devenu vacant au même moment où il a postulé à Exploramer. Il a eu la chance d’être formé par son prédécesseur, Steeve St-Pierre, avant qu’il quitte son poste. « J’ai aussi fait une semaine de formation au Biodôme de Montréal et une autre à l’Aquarium de Québec, raconte Mathieu. Les bases sont les mêmes, mais elles ne sont pas toutes applicables parce qu’ils ont des systèmes et des aquariums immenses. J’ai appris sur le tas et j’ai de bons contacts dans ces deux endroits et à l’Aquarium de Shippagan aussi. » Selon lui, ces contacts facilitent beaucoup les échanges.


Mathieu Lemonde-Landry effectue les analyses d’eau des aquariums d’Exploramer. Photo : Johanne Fournier

Rôle auprès des mammifères marins

Parmi ses contacts, Mathieu Lemonde-Landry peut aussi compter depuis quelques années sur l’expertise d’un professeur en médecine zoologique de la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, Stéphane Lair, qui est également le vétérinaire de l’Aquarium de Québec. « Il a une expertise assez poussée dans les organismes marins », souligne le scientifique gaspésien. D’ailleurs, cet automne, celui-ci devrait compléter une formation sur les nécropsies avec le réputé vétérinaire connu pour chercher les causes de mortalité des mammifères marins.

Mathieu est aussi délégué pour représenter Exploramer au comité de gestion du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins, dont le Dr Lair fait partie. « Exploramer donne un coup de main dans la mesure de ses capacités, indique-t-il. S’il y a une baleine ou un phoque échoué en Haute-Gaspésie, on est, en théorie, leur observateur. Si on n’est pas disponibles, ils ont un réseau de bénévoles partout en Gaspésie. Mais, ce n’est pas rare, s’il y a un échouage, que ce soit nous qui allions prendre des photos, identifier l’espèce et mettre des panneaux d’avertissement pour ne pas toucher ou ne pas déranger. »


Mathieu Lemonde-Landry prend la température de l’eau des aquariums d’Exploramer. Photo : Johanne Fournier

Un scientifique polyvalent

Les tâches du responsable de la collection vivante d’Exploramer consistent à prendre soin des animaux gardés en captivité au sein de l’institution qui comprend un grand nombre d’aquariums présentant différents écosystèmes du fleuve Saint-Laurent. « Je m’occupe autant des soins des animaux que de l’entretien et de la réparation des systèmes où ils vivent. Je fais le nourrissage, les traitements préventifs et curatifs, les suivis de santé, l’acquisition de nouvelles espèces, l’annihilation d’individus malades, blessés ou trop gros, que ce soit par l’euthanasie ou l’échange avec d’autres aquariums. On préfère le second au premier. » Exploramer abrite de 500 à 600 individus issus d’une quarantaine d’espèces.

Si la nature de son emploi ne l’amène pas à intervenir auprès de la clientèle, l’homme de 39 ans met tout de même occasionnellement à profit ses connaissances, qui sont réputées être d’ordre encyclopédique, pour former les guides-interprètes à l’intérieur du musée et lors des sorties en mer. « Ça fait 17 ans que j’accumule de l’information dans ma tête sur les différentes espèces. En les gardant en captivité, c’est bien de les connaître un peu! Je partage mes connaissances. Il y en a qui trouvent que j’en ai beaucoup. Mais, je suis plutôt modeste et je considère que j’en ai toujours à apprendre. »

Lorsque les étudiants quittent leur emploi pour leur retour en classe, le plus ancien employé n’hésite pas à venir en aide à l’équipe d’animation. « Ça m’amène à faire du plancher au besoin. Lors des sorties en mer, je forme les guides sur les manoeuvres de levée de casiers, sur la sécurité et à l’interprétation. » De cette façon, les guides-interprètes sauront ce qu’il y a à dire sur les espèces capturées. « On a chacun nos descriptions de tâches, mais ça reste qu’on est une petite équipe. Donc, on s’entraide. »


Les guides-interprètes profitent parfois des vastes connaissances de Mathieu Lemonde- Landry pour parfaire leur formation. Photo : Johanne Fournier

Avantages d’être en Gaspésie

La pratique de sa profession en Gaspésie présente-t-elle une perspective différente de celle exercée en milieu urbain? « C’est sûr que, comparativement à Québec ou à Montréal, j’ai un accès relativement aisé à la ressource, que ce soit à l’eau salée ou aux organismes, répond l’aquariste. Par exemple, il y a deux ou trois ans, on a installé une prise d’eau en mer sur le bord du quai. Donc, quand j’ai à faire des changements d’eau, plutôt que d’acheter de grosses chaudières de sel, de prendre l’eau de l’aqueduc et de mélanger ça, je peux pomper directement en mer à l’année longue. Ça sauve beaucoup de coûts et de temps. »

Outre l’accès facile à l’eau de mer, la récolte de plusieurs espèces se fait aussi en milieu naturel, même si Exploramer privilégie les échanges. « Ça nous permet d’aller chercher des espèces comme les crabes et les étoiles de mer assez aisément, ce que les autres aquariums ont peut-être plus de difficulté [à faire]. Quand je capture plein de crabes, je peux leur en garder quelques-uns. C’est le gros avantage d’être en Gaspésie! »

Est-ce que le fait d’être né et d’avoir grandi en Gaspésie lui procure une longueur d’avance? « J’ai acquis beaucoup de connaissances sur notre milieu, estime le scientifique, qui précise cependant ne pas faire de recherche appliquée. Même si je suis natif d’ici, on connaît ce qu’on voit de la mer. Mais, il y a tellement d’inconnus! Même en ayant grandi ici, il y a bien des affaires que je ne connaissais pas. »

Mathieu adore échanger avec les citoyens plus âgés et les capitaines de bateau qui connaissent les espèces et le milieu marin, mais qui ne savent pas nécessairement les vrais noms. Les capitaines du bateau d’excursion d’Exploramer, le C.E. Marin, sont tous d’anciens pêcheurs. Quand Mathieu parle de certaines espèces, ils admettent parfois, selon lui, élargir leur culture. « J’aime bien partager mes connaissances et c’est un bon milieu pour ça. »

Si Mathieu Lemonde-Landry est né et a grandi en Gaspésie, sa mère est cependant originaire des Cantons-de-l’Est et son père, de Montréal. « Ils sont arrivés ici quelques années avant ma naissance pour travailler. Donc, je suis né à Sainte-Anne de parents néo-gaspésiens. »