Le défi des candidats libéraux
Même s’il porte un lourd bilan depuis 2014 en Gaspésie, le Parti libéral profite de son recrutement en présentant deux candidats capables d’être élus.
Il y a toutefois bien deux questions à poser à MM. Whittom et Boulay d’ici octobre. Primo : s’associent-ils au travail de saccage budgétaire, de centralisation et de déstructuration des organismes de développement de la région auquel s’est livré leur parti depuis avril 2014?
Secundo, quelle est la garantie que l’élection d’un ou deux candidats libéraux, dans un hypothétique deuxième gouvernement Couillard, soustraira les Gaspésiens à un autre mandat de coups durs?
Le temps efface parfois des détails importants mais les mots saccage budgétaire, centralisation et déstructuration caractérisent avec justesse le dernier mandat libéral pour la Gaspésie.
Une austérité coûteuse pour la région
L’austérité, amorcée il est vrai par le gouvernement péquiste de Pauline Marois lors du budget de novembre 2012, a privé la Gaspésie de fonds précieux. Il est ardu de chiffrer exactement la ponction de fonds réalisée lors de l’abolition de la Conférence régionale des élus et de l’appui retiré aux centres locaux de développement, mais une somme prudente la situe à 10 millions de dollars par an depuis 2014.
Le budget routier a chuté de 65,25 % dans la région entre 2011 et 2017. C’est en pleine conclusion d’austérité qu’un pilier du pont enjambant la rivière Grande Cascapédia a lâché, 18 mois après qu’une inspection eut détecté un affouillement. L’inspection et la décision de reporter les correctifs sont survenues lors des deux pires années budgétaires de la décennie, en dollars constants. La crue du 8 mai 2017 aurait peut-être causé des dommages même après réfection, mais le doute subsiste.
Lors du budget de mars 2015, le gouvernement a coupé 66 millions de dollars des 180 millions de dollars au volet régional du Fonds de développement des territoires, alors qu’il bonifiait l’enveloppe de Montréal de 111 M$ à 119 M$. Pourquoi ce déséquilibre venant d’un régime tentant aujourd’hui de vanter son bilan régional?
Pourquoi avoir réduit de 900 000$ par an à presque rien entre 2014 et 2017 le budget de la Stratégie d’établissement durable, alors qu’on savait depuis une décennie que la région allait connaître une pénurie de main-d’œuvre? Comment ne pas déplorer l’effet de cette compression sur la perte démographique de la région entre 2011 et 2016, alors que le quinquennat précédent laissait entrevoir une remontée?
En créant les centres intégrés de santé et de services sociaux, l’État québécois a centralisé les pouvoirs de son plus gros ministère dans les mains d’une personne, Gaétan Barrette, au détriment des administrateurs régionaux, et en imposant des initiatives comme Optilab, vouées à l’échec.
On réalise que cette même austérité débouche sur un taux de délabrement de 57 % des résidences publiques de personnes âgées en Gaspésie, la pire fiche au Québec. Est-ce une façon de remercier nos bâtisseurs?
Bien des écoles sont dans un état douteux, et les services aux élèves en difficulté ont aussi beaucoup souffert depuis 2014.
Ce qu’on a mal entretenu hier coûtera bien plus cher à réparer demain. Les « économies » de 2014 à 2018 ne sont que des reports de dépenses, et ils frapperont la prochaine génération. Est-ce une façon d’accueillir la jeune génération?
Démembrement d’organismes
Ce n’est pas fini. Le démembrement des organismes de développement a privé la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine d’une équipe composée majoritairement de jeunes ayant appris à travailler ensemble et à sortir la région d’impasses.
Bien qu’imparfaite, la Conférence régionale des élus constituait le lieu où ont démarré le Réseau collectif de communications électroniques et la Régie intermunicipale de l’énergie de la Gaspésie et des Îles, qui verse annuellement des redevances éoliennes de millions de dollars à nos villes et villages. La RÉGIM, le réseau régional de transport en commun et la Société de chemin de fer de la Gaspésie, sont issus des mêmes efforts de réflexion pour résoudre des problèmes.
Des remue-méninges existent encore mais ils incluent moins d’esprits libres. La Table élargie des préfets constitue un groupe limité pour voir au développement de la région. Le gouvernement du Québec s’est simplifié la vie, et le budget, en supprimant les CRÉ, que Philippe Couillard associait à une structure stérile, un aveuglement idéologique laissant les régions plus démunies pour trouver des solutions.
Comment se fait-il que l’État, bien qu’ayant annoncé 100 millions de dollars, n’ait pas réussi à entamer la vraie réfection du chemin de fer, alors que la moitié du réseau, l’axe Paspébiac-Gaspé, a été construit de 1902 à 1911 pratiquement au pic et à la pelle? Pourquoi des gens supposément intelligents comme Jean D’Amour, Sébastien Proulx et Pierre Moreau, les trois ministres responsables de la Gaspésie depuis 2014, croient-ils bêtement les avis de fonctionnaires de Transports Québec en ce qui a trait à la présumée complexité des réparations à apporter au réseau Matapédia-Gaspé?
Au rythme actuel, le train retournera à Gaspé dans 50 ans. Ce sont ces fonctionnaires qui ont mis en dormance l’axe Caplan-Gaspé alors que la cimenterie de Port-Daniel était en construction et qu’il était prévisible que la croissance viendrait aussi de LM Wind Power.
Pourquoi paie-t-on encore des billets d’avion à des prix stratosphériques?
Les candidats libéraux et, surtout, les ministres qui les accompagneront d’ici octobre, doivent répondre à ces questions.
Ce bilan ne qualifie pas d’emblée les candidats d’autres partis, considérant que la Coalition avenir Québec dispose d’un maigre programme pour la Gaspésie, et que le Parti québécois aurait dû réserver un meilleur sort à Gaétan Lelièvre.
Toutefois, si le Parti libéral et ses représentants continuent d’agir comme s’ils présentaient un bilan enviable, le choix des électeurs pourrait bien être simplifié.