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28 mars 2019 15 h 12

Le hockey au service de la bonne entente entre les peuples

Gilles Gagné

Journaliste

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CAMPBELLTON, mars 2019 - Ils sont presque tous âgés de plus de 50 ans, et le plus vieux a 74 ans. Ils sont francophones, anglophones et autochtones de la Gaspésie et du Nouveau-Brunswick. Tous les samedis après-midi, ils se réunissent à l’aréna de Campbellton pour jouer au hockey, le sport qui agit ici, depuis plusieurs années, comme agent de bonne entente entre les peuples.

Tous les ans, à deux reprises, le groupe joue aussi à l’aréna de Saint-Alexis, sur les Plateaux de Matapédia. Les joueurs font aussi deux voyages ensemble, généralement à Moncton, afin de jouer sur une autre patinoire et partager de bons moments sur la route.

«Le 13 janvier 2017, on a même joué sur la glace du Centre Bell à Montréal, grâce à notre commanditaire », glisse Louis-Marie Rivard, de Saint-Alexis.

Une telle bonne entente aurait été plus difficile à imaginer à la fin des années 1970, alors que les Micmacs de Listuguj avaient été expulsés de la défunte Ligue industrielle de Campbellton.

«Le hockey était plus fou à l’époque. On avait sorti Listuguj de la ligue. Je pense que notre équipe gagnait trop. Nous avons protesté en marchant sur le pont et en nous rendant jusqu’au défunt Memorial Garden», évoque Terry Isaac, de Listuguj, en parlant de la vieille aréna de Campbellton.

La Ligue industrielle regroupait des adultes et les joueurs venaient des deux côtés de la rivière Restigouche, mais en majorité du Nouveau-Brunswick. Terry Isaac n’avait que 12 ans lors de la marche de protestation des Mi’gmaq. Quand on lui demande si l’entente de la ligue de garage actuelle, commanditée par le dépanneur Restigouche Drive-Thru (RDT) de Listuguj, aurait été possible il y a 40 ans, il hésite.

«C’est difficile à dire. Je ne vois pas les gens comme francophones, anglophones et autochtones. Je vois des êtres humains. Il y a du racisme des deux côtés, chez les Blancs mais aussi chez les Mi’gmaq. Il y a des gens qui seront toujours intolérants mais la compréhension entre groupes s’est beaucoup améliorée. On ne voit plus des batailles comme avant. Ç’a beaucoup changé », signale cet ancien chef de police autochtone.

Dans le vestiaire de la ligue RDT, on entend trois langues. Terry Isaac parle souvent micmac avec Lamy Metallic, de la même communauté, et aussi avec Terry Pictou, d’Eel River Bar, tout près de Dalhousie, au Nouveau-Brunswick. La plupart du temps, Terry Isaac parle français avec Louis-Marie Rivard, qui lui répond souvent en anglais.

Les tensions sont rares et elles touchent essentiellement des points entre Québécois et Néo-Brunswickois. « Il y a une mise au point et c’est correct pour une couple d’années. Il n’y a jamais eu d’accrochage, juste des discussions. Pour la langue, on y va comme on peut. Les rapports entre les joueurs sont bons au point où ça finit par se savoir. On a une liste d’attente de joueurs substituts qui aimeraient devenir réguliers », explique Louis-Marie Rivard.

Bob Court d’Escuminac, apprécie vivement ces parties et l’atmosphère dans le vestiaire. «Personne ne se prend au sérieux et ça nous permet de rester actifs ».

Pierre Vicaire, un autre joueur de Listuguj, a vu l’évolution des mentalités entre autochtones et non-autochtones, et entre francophones et anglophones.

«Dans les années 1970, il y avait des cliques. À force de gagner, de perdre, de faire des tournois ensemble, les préjugés ont diminué graduellement. Cette ligue a démarré à peu près en même temps qu’Harmonie Inter-communautés », dit-il, à propos de l’initiative qu’il a lancée en 2002 pour que les jeunes évitent de perpétuer les relations tendues des générations précédentes.

Certains adultes étaient manifestement prêts à imiter les jeunes. C’est vers la même époque que des adultes jouant dans quelques équipes de ligues de garage diverses se sont regroupés pour jouer ensemble. Une femme, Sarah Bernard, joue régulièrement dans la ligue RDT.

«Pour résumer nos débuts, on dit souvent à la blague que c’est Allison Metallic, ex-chef de Listuguj et propriétaire de Restigouche Drive-Thru, qui a acheté l’équipe », conclut LouisMarie Rivard en souriant.

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