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La maison Legros recèle des éléments architecturaux originaux.
25 juillet 2019 21 h 16

Six bâtiments qui méritent d’être conservés

Gilles Gagné

Journaliste

Julie Côté

Journaliste

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Plusieurs bâtiments patrimoniaux gaspésiens ont défrayé la manchette récemment, parfois même au niveau national. On peut penser à la maison de René Lévesque et au Manoir Hamilton, à New Carlisle, ou à la Maison Busteed, à Pointe-à-la-Croix. Il existe toutefois des dizaines de maisons, de bâtiments et même un navire qui ont aussi une valeur et une originalité sur le plan patrimonial, qu’elles et qu’ils soient classés ou pas par le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Seuls les biens classés par ce ministère sont généralement susceptibles de recevoir de l’aide gouvernementale pour leur réfection. Il faut préalablement que le bien non classé soit reconnu par la municipalité avec un statut de citation. Graffici présente ici six bâtiments à valeur patrimoniale sans classement, à des fins de réflexion et de contemplation

Des traces d’une activité militaire méconnue

GASPÉ | La baie de Gaspé était un endroit stratégique fort apprécié par la flotte anglaise, un phénomène très peu expliqué dans les cours d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. À 10 minutes du centre-ville de Gaspé, sur les terrains de l’ancienne base navale de Sandy Beach, nous pouvons observer cinq petites collines artificielles. Chacune de ces collines possède un tunnel en béton qui se termine parfois avec une clôture qui en bloque l’entrée, et dans d’autres cas, non. On les appelle casemates, mais elles sont également connues comme bunkers.

En 1941, alors que la France est sous contrôle allemand et que l’Angleterre est dans ses derniers retranchements, le premier ministre Winston Churchill cherche un endroit en Amérique pour abriter ses navires. « Avec sa position stratégique, une partie de son matériel s’est rendue à Sandy Beach, dans une base navale construite pour l’occasion, la base Fort Ramsay », précise Fabien Sinnett, historien autodidacte gaspésien. Les casemates servaient à entreposer les munitions et les explosifs, sans que l’ennemi soit au courant de leur existence.

Aujourd’hui, ces casemates sont laissées à elles-mêmes. On peut retrouver dans celles-là un vieux sofa, des palettes abandonnées et voire des graffitis sur les murs. « En 2002, nous avions fait une démarche pour que la Ville de Gaspé fasse une demande à la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, mais le projet a dû être abandonné pour la simple raison que la Commission ne peut pas classer un bien comme patrimonial si le propriétaire du bien, qui est en partie la Ville de Gaspé, n’est pas favorable », raconte Jean-Marie Fallu, président de Patrimoine Gaspésie.

Mais pourquoi faire des efforts pour la conservation de ces structures en ciment ? « C’est un héritage important qui rappelle le fait que Gaspé a eu une implication très importante dans ce conflit. Près de 2500 personnes se sont impliquées dans la base de Fort Ramsay, et ces casemates sont le peu qu’il reste de cette implication. J’espère qu’un jour, un projet sera implanté pour conserver ces bâtiments », conclut Fabien Sinnett.

Julie Côté

Le navire Marquis de Malauze, à Listuguj

LISTUGUJ – Le Marquis de Malauze est un navire marchand armé de 12 canons, qui a été coulé lors de la Bataille de la Ristigouche, le 8 juillet 1760, un peu en amont de la pointe de la Mission, à Listuguj. À partir de 1830, ses « apparitions », lors des marées très basses, ont commencé à être documentées.

Malgré les faibles moyens techniques du 19e siècle, l’épave a été régulièrement pillée. Divers objets, dont des vêtements, des barils, des boulets de canons, des bombes, de la vaisselle et des bouteilles ont été remontés et ont occupé des espaces dans des maisons des deux rives de la rivière Ristigouche.

La quille et les membrures du navire de 110 pieds ont été amenées à la surface en 1939, après des tentatives infructueuses remontant à 1935. Des essais de mise en valeur de ces pièces dans un musée ont échoué, bien que de 1940 à 1985, l’épave a pu être observée dans un abri aux côtés ouverts. En 1987, les 266 pièces du Marquis de Malauze ont été entreposées à Listuguj en attendant l’émergence d’un réel projet muséal dans cette communauté.

Depuis 2017, les choses bougent un peu plus vite. « Nous avons un partenariat à trois, la Municipalité de Pointe-à-la-Croix, le Lictuguj Mi’gmaq Government et la Société historique Machault, appuyés par la MRC d’Avignon, pour un projet de mise en valeur du navire. GID réalise une étude sur ce que pourrait être ce projet. Le lieu d’interprétation serait situé dans la courbe Beaulieu, aux limites de Pointe-à-la-Croix et Listuguj », précise Michel Goudreau, de la Société historique Machault.

Gilles Gagné

Peu avancé, mais jamais oublié

POINTE-SAINT-PIERRE – Une planche de bois du balcon a disparu, une des frises victoriennes en acier est tombée sur le côté, on retrouve des morceaux d’asphalte dans le bosquet, mais la Maison LeGros est toujours bien présente, et ses propriétaires ont toujours le projet de restauration et d’aménagement à cœur.

Située en plein cœur de la Pointe Saint-Pierre, cette demeure est un bâtiment d’inspiration victorienne ayant appartenu à la famille LeGros, originaire de la région de Jersey dans l’archipel des îles anglo-normandes. Cette famille l’a possédée pendant près de 100 ans, jusqu’à sa vente à Conservation de la nature Canada (CNC) en 2007, pour en faire une résidence artistique.

La famille a habité la maison jusqu’en 1957, alors que la maladie l’a forcée à déménager à Montréal. La demeure de Pointe-Saint-Pierre est devenue sa résidence secondaire. « La présence anglo-normande en Gaspésie est un fait très peu reconnu par les Gaspésiens eux-mêmes. Certains même en ont dans leur généalogie. La maison LeGros est une bonne trace de cet héritage », partage l’historien gaspésien Jean-Marie Thibault.

Ce qui surprend au premier regard, c’est que le mobilier n’a pas changé depuis cette époque. L’extérieur, comme l’intérieur, provient d’une autre époque. En 2016, l’organisme propriétaire a lancé une campagne de sociofinancement sur la plateforme This Place Matters afin de débuter les travaux de rénovation nécessaires pour la maintenir et la rendre disponible pour les touristes; un montant de 7250 $ a été amassé sur un objectif de 15 000 $.

« Même si on parle beaucoup moins de la maison LeGros au cours des dernières années, ça ne veut pas dire qu’on a abandonné le projet pour autant! Avec les contributions du public, nous avons enclenché quelques travaux mineurs et nous sommes présentement à la recherche de partenaires privés pour financer le projet, ce qui peut prendre un certain temps », avance Camille Bolduc, chargée de projet pour CNC. La Pointe Saint-Pierre étant située sur le territoire de Percé, la Ville appuie fermement CNC dans le projet, mais selon Mme Bolduc, elle n’a pas les fonds pour aider financièrement.

La valeur patrimoniale de la maison reste inestimable, mais le coût des rénovations, évalué à 400 000$, est assez important. « La priorité, c’est de placer la maison sur des fondations, étant donné qu’elle s’enfonce énormément », signale Camille Bolduc. Le coût de cette partie importante des travaux s’établirait à environ 80 000$.

La toiture a déjà été en partie refaite puisqu’au moment de l’acquisition de la maison, des seaux étaient placés sur le plancher pour parer les fuites du toit.

Le bénévolat est possible pour les gens qui veulent contribuer au développement de la maison LeGros sans ouvrir leur portefeuille. « Nous sommes toujours à la recherche de collaborateurs ou de gens prêts à s’impliquer à leur niveau », rajoute Camille Bolduc, joignable à Conservation de la Nature Canada par tous ceux qui voudraient propulser ce projet plus loin.

Julie Côté

La maison du capitaine Jos Rioux  à Ruisseau-à-Rebours

RUISSEAU-À-REBOURS – La maison du capitaine Joseph Rioux, située dans le secteur Ruisseau-à-Rebours de Rivièreà-Claude, a été construite en 1860, selon l’historien Jean-Marie Fallu. Elle a donc 159 ans. « C’est une maison québécoise très rustique, avec une petite porcherie. Il existe peu de maisons de ce genre et de cette époque, du côté nord de la Gaspésie. Elle est faite en bois équarri, ou pièce sur pièce. On y trouve des chevilles de bois et des clous à barge, ou clous à tête carrée. Elle se distingue aussi par son revêtement extérieur vertical », précise-t-il.

La maison appartient toujours à la famille Rioux, à l’arrière-petit-fils Pierre-Paul, qui vit en face. « Des gens arrêtent pour la photographier tous les jours. La porcherie est moins vieille. La maison sert d’entrepôt depuis 70-80 ans. On entretient l’extérieur. La base est placée sur la terre et elle commence à pourrir. J’ai vérifié pour la faire lever et ça coûterait une fortune. On n’a pas les moyens. On s’est informé pour de l’aide, mais il faudrait qu’elle soit classée », précise Pierre-Paul Rioux.

Gilles Gagné

L’entrepôt frigorifique de Cloridorme

CLORIDORME – L’entrepôt frigorifique de Cloridorme a été construit en 1936. Il est la propriété de la Poissonnerie de Cloridorme, entreprise possédant l’usine locale de transformation de produits marins, une poissonnerie et, depuis peu, l’épicerie du village, sauvée de la fermeture. Le bâtiment constitue l’un des derniers entrepôts frigorifiques du genre en Gaspésie, venant d’une époque où il servait également de réfrigérateur pour une partie de la population.

L’édifice sert encore d’entrepôt pour la Poissonnerie de Cloridorme. Quand la pêche se faisait encore majoritairement par barque à fond plat, ces bateaux remontaient la Petite rivière Cloridorme sur quelques dizaines de mètres pour décharger leurs prises. Un petit quai longeait l’usine à cette fin. La dalle de béton entre ce quai et l’entrepôt est encore visible. Les assauts de la mer constituent l’un des défis à relever pour assurer l’avenir du bâtiment, précise Marie Dufresne, directrice générale de la municipalité. « Trois résidences ont été relocalisées dans ce secteur », dit-elle.

Gilles Gagné

Le magasin général Sweetman, de Port-Daniel, 121 ans d’histoire

PORT-DANIEL – Le magasin général Sweetman a été érigé en 1898 en bas de la côte Gillis, à Port-Daniel, sur le tracé de l’ancienne route 6. L’entrée de cette famille dans l’activité commerciale du village remonte toutefois à 1848, avec l’arrivée de Patrick Sweetman, né en Irlande et arrivé à Montréal avec frères, sœurs et parents, deux ans plus tôt. Ce sont deux des enfants de Patrick, Edward et Laura Louise, qui ont fait bâtir le magasin général.

Après un court passage entre les mains des Leblanc, famille du conjoint de Laura Louise, c’est Edwin, le fils d’Edward, qui reprend le magasin en 1935, avec sa conjointe. Leur fils Winston, qui a été élevé dans la maison adjacente et dans le magasin, dirige l’établissement à partir de 1978 jusqu’à la fermeture, en 2008.

Winston Sweetman demeure maintenant à Saint-Godefroi et sa sœur Carole habite la maison, l’été. « C’est certain que le bâtiment a besoin d’une couche de peinture. Nous aimerions bien voir s’il y a de l’aide pour ce genre de travaux », dit-elle. L’intérieur du magasin recèle un cachet remarquable, puisque certaines parties du mobilier remonte aux premiers temps du magasin.

Gilles Gagné

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