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25 juin 2019 16 h 57

Le tour de la Gaspésie souffle ses 90 bougies

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GASPÉ, juin 2019 -  «Si j'avais un char, ça changerait ma vi-e, J'irais m' promener su' l' bord d' la Gaspésie», chantait Stephen Faulkner en 1978. Signe que même dans l’histoire de la chanson populaire québécoise, le Tour de la Gaspésie représente quelque chose de mythique. Et ce Tour de la Gaspésie vieillit bien, au point où il célèbre ses 90 ans bien sonnés.

C’est en 1929 que la route ceinturant la Gaspésie de Sainte- Flavie à Sainte-Flavie est complétée par le gouvernement du Québec, en pleine période qu’on appelle les années folles pour caractériser la prospérité des années 1920.

« Il y avait une volonté gouvernementale de suivre le mouvement américain qui s’appelait Good Road Movement qui avait fait beaucoup de lobbying pour convaincre les gouvernements d’investir massivement sur les routes. Ils ont eu des sommes inattendues des ventes de boisson de l’époque de la prohibition. Le ministre Perron a convaincu le Conseil du trésor de l’époque d’investir massivement dans les routes», souligne l’historien et directeur des Jardins de Métis, Alexander Reford.

«L’automobile, c’est la liberté. En 1921, le ministère de la Colonisation injecte 800 000 $ sur cinq ans pour les routes du Québec. De 1926 à 1929, ce sont 500 000 $ juste pour la route numéro 6. Cinq cent mille dollars, c’était énorme à l’époque ! », rajoute son collègue historien Jean-Marie Thibeault.

Bien avant 1929

«Si on recule avant 1929, on ne sait pas qui est la première personne qui a fait le tour au complet, analyse M. Thibeault. Ça s’est sûrement fait à pied. On peut penser aux Amérindiens qui étaient ici il y a 10 000 ans. On peut penser aussi que plusieurs ont contourné la région en canot. On pense aux Micmacs qu’on appelle les Indiens de la mer. »

L’instauration du service postal au 19e siècle pourrait être aussi un élément ayant «créé» le tour de la Gaspésie. «Les facteurs marchaient en Haute-Gaspésie le long de la grève. Comme il n’y avait pas de route, ils suivaient la grève et devaient attendre la marée basse. En hiver, ils marchaient sur la glace. Ainsi, ils ont pu compléter le tour de la Gaspésie. »

Dans la Vallée de la Matapédia, l’utilisation du chemin Kempt venait compléter la boucle. «C’est le premier lien terrestre officiel entre le nord et le sud de la Gaspésie. C’est un trajet de 155 kilomètres développé à la suite de l’invasion des Américains de 1812-1814. Comme les Américains avaient pu pénétrer chez nous durant cette guerre, après celle-ci, on a fait un trajet où on pouvait déplacer les troupes. Ce trajet est l’ancêtre de la route de la Vallée de la Matapédia», explique l’historien.

L’économie florissante amène l’automobile

À la suite de la Première Guerre mondiale, la forte croissance qui s’en est suivie fait beaucoup de place à l’automobile.

La route est complétée à l’été 1929: «il va y avoir un gros show. Pas une journée, mais une semaine d’inauguration! Du 20 au 27 juillet, le premier ministre [libéral Louis-Alexandre] Taschereau va se promener avec ses ministres, des personnalités et des diplomates de l’extérieur et va faire le tour de la Gaspésie. Le groupe s’arrête dans divers villages où il y a des banquets et des réceptions. Bien entendu, il y a des discours et de la cabale politique », raconte M. Thibeault.

Mais les attraits touristiques comme les Jardins de Métis, les musées ou le Géoparc de Percé pour ne citer que ces exemples étaient peu nombreux. « Il y avait des lieux, des quais, des villages de pêcheurs qui avaient une beauté remarquable et regarder des pêcheurs au travail était fascinant. Il y avait aussi des lieux fétiches comme le Rocher Percé. On vendait la beauté du paysage, du patrimoine bâti et les paysans avec leur langage un peu curieux », souligne M. Reford.

Il y avait tout de même des stations balnéaires comme Metis Beach, Carleton ou des lieux de pèlerinage comme le mont Saint-Joseph.

«On est conscients que le Tour de la Gaspésie est déjà un phénomène de société dès les années 1920. C’est fascinant de voir à quel point des journalistes de La Presse ou Le Devoir ou des anthropologues vont observer la beauté et commenter les villages. L’écrivaine Gabrielle Roy vient en tant que journaliste, parle de la vie des Gaspésiens et qualifie la Gaspésie comme destination et lieu remarquables», commente le directeur des Jardins de Métis.

Route difficile

La route a pris le nom de boulevard Perron, en l’honneur du député Joseph-Léonide Perron qui fut député de Gaspé de 1910 à 1912 et plus tard, ministre de la Voirie. Il fut l’artisan de la modernisation du réseau routier au Québec, dont celui de la Gaspésie.

Il suffit de voir certains clichés de l’époque pour constater que la «nouvelle» route 6 n’est pas très large en plusieurs endroits, très près des falaises et de la mer du côté nord et en gravier qui faisait la vie dure aux pneus.

«À divers endroits, précise M. Thibeault, il faut que tu te tasses complètement sur le côté et c’est tout juste si tu peux croiser un autre véhicule à deux milles à l’heure. Le criard – qu’on appelle communément le klaxon – était fondamental. »

Dans un guide touristique de 1930, on y lit qu’à compter de Marsoui, l’automobiliste doit tenir sa main à portée de son avertisseur. La route qui circule pratiquement au niveau de l’eau sur plusieurs milles, tourne et retourne à tous les quelque 100 pieds. On ne peut venir voir les automobiles avant qu’elles arrivent sur nous. On recommandait de donner un coup de klaxon pour signaler sa présence.

«Malgré tout, faire le tour de la Gaspésie devient plus facile. Les garages, hôtels et restaurants poussent comme des champignons. Un service d’autobus s’installe pour faire le tour de la Gaspésie et le service postal devient plus régulier. Le lien va créer un sentiment d’appartenance à la région», conclut M. Thibeault.

Il faudra attendre les années 1950 avant de voir la route être déneigée en hiver.