Les surnoms de famille
NEW CARLISLE | À l’instar de Caplan, Saint-Siméon et Bonaventure, les surnoms de famille des résidents de Maria, Carleton-sur-Mer et Paspébiac sont riches d’histoire, colorés et vifs. Dans cet article, les familles de chacune de ces communautés sont passées au peigne fin, à la recherche du ludique et de l’absurde.
SUITE ET FIN
Cette recherche patronymique sera poursuivie ultérieurement et bonifiée au gré des connaissances. Soulignons que la presque totalité des surnoms de Carleton et Maria ont été compilés par Myreille Allard dans le cadre de son article « Carleton au pays des sobriquets » dans l’édition de mars 1988 du Magazine Gaspésie. La suite fut recueillie au cours de divers mandats de collecte. Nous tenons à remercier les mémoires vivantes ayant prêté leur surnom à cet humble article. Nous avons choisi d’omettre les surnoms injurieux, blessants ou offensants dans cette liste.
Similitudes
Grosso modo, pour Carleton ou Paspébiac, les catégories de surnoms sont pratiquement identiques à celles de Caplan, Saint-Siméon et Bonaventure. Ancêtres, moqueries, néologismes, occupations, animaux. Parmi les découvertes les plus frappantes de surnoms faisant référence aux ancêtres d’une famille, pensons à « Bino » pour la famille Babineau dit Deslauriers, originaire d’Acadie et installée à Maria. Puis, un sobriquet cette fois lié aux femmes, peut-être le seul avec le surnom « Shaw » ou « Chats » pour les Brière de Caplan : les « Castors » (Leblanc de Maria), déformation du nom de l’aïeule Mary Sarah Kierstead, épouse de Sylvère Leblanc.
Nous avons été bien impressionnés de la manière dont la famille Guité de Maria a gardé en mémoire ses origines : son surnom, « Green », serait un diminutif de « Grinelbrun », le nom complet des Guitet de Carcassonne en France, selon Jean-Luc Loubert. Également, la famille de Donat Loubert de Maria qui a hérité du sobriquet « Raisins » en raison d’un ancêtre qui avait une tache de vin sur son visage. Enfin, plusieurs surnoms de Maria et Carleton ont la forme « … à … », comme « Tibi-à- Robert », « Dick-à-Saumure », signalant une filiation.
À Paspébiac, plusieurs surnoms sont plus incisifs, comme les « Mâchoires secs » pour les Aspirot, les « Patates pourries » pour les Albert, et les « Cayens » pour les Boudreau, l’une des seules familles acadiennes de Paspébiac. On retrouve aussi des « Gros nez » (famille Joseph), des « Grands pieds » (famille Maldemay) et des « Grandes oreilles » (famille Delarosbil), pour ne nommer que ceux-là. D’autres noms moqueurs, comme les « Mangeux de m’lasse » (Grenier de Paspébiac), « Chiqueux de poteaux » (Horth de Paspébiac), « Mangeurs de mouques » (Boudreau de Carleton), « Coupeurs de gueguilles » ou « Mangeux de brume » (Chapados de Paspébiac) piquent la curiosité.
Puis, quelques néologismes de Paspébiac nous ont fait sourire, comme les « Chacatoones » pour les Blais, les « Matelich » pour les Castilloux, les « Souches sèches » ou « Crottes toutous » pour les Denis, les « Râle ta crawl » pour les Parisé, ou les nombreuses familles ayant pour sobriquet le mot « Popio » ou « Pepio », qui voudrait dire « panais ». Mais Paspébiac n’est pas le seul village à compter des néologismes : nommons également les familles Gagoues, Bargous, Melounes, Berluttes, Wachens, Poumpoum, et tant d’autres à Carleton et Maria. En vérité, ces néologismes constituent la presque totalité des surnoms recensés, faisant tantôt allusion à une anecdote inconnue, à un mot prononcé avec un fort accent, à un diminutif ou synonyme de nom, à une expression purement locale, etc.
Pour tous les villages recensés, on retrouve bon nombre de noms d’animaux (canards, ours, cheval, caribou, etc.), peut-être donnés à une lignée de famille en fonction de ses activités, comme la chasse ou l’élevage. D’autres désignent une activité sans autre effet stylistique (« Matelots », « Marins », etc.). Certains noms font référence à des lieux que fréquentent certainement les ancêtres d’une famille, comme le suggère le sobriquet « Natashquan » pour les Fulham de Paspébiac. On se surprend parfois à lire des noms d’autres nationalités ayant peu, en apparence, de lien avec nos Gaspésiens : pensons aux « Chinois » pour désigner les Boudreau de Carleton, ou les « Russes » pour parler des Landry de Carleton.
Il est malheureux que nous ne connaissions pas les histoires derrière ces surnoms de famille. Ne rêverait-on pas de connaître la raison derrière les « P’tits dîners », les « Cannes à Popi », les « Crânes secs » ? Ce sera pour un prochain article.