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16 avril 2025 13 h 19

L’illusion du débat : Entre certitudes et scepticisme, où vous situez-vous ?

Texte par Marc Bert

En ce moment, tout le monde critique tout le monde, mais personne n’écoute personne. Nous sommes pris dans une spirale où l’opinion a remplacé la réflexion, où les cris étouffent l’écoute, et où la nuance est devenue une denrée rare. La récente vague de tarifs imposés par les États-Unis sur certains produits canadiens ne fait qu’exacerber ce climat d’opposition stérile.

D’un côté, certains huent l’hymne national américain aux matchs de hockey, crient à la censure et célèbrent chaque coup porté aux États-Unis comme une revanche méritée. De l’autre, d’autres défendent Trump bec et ongles, dénoncent les médias de masse comme manipulateurs et se voient étiqueter complotistes dès qu’ils osent penser autrement. Entre ces extrêmes, le dialogue s’est évanoui, laissant place à un champ de bataille d’opinions rigides.

L’art de diviser pour mieux régner

Ce chaos n’est pas le fruit du hasard. Il est savamment entretenu par des années de polarisation médiatique, qui nous apprennent à voir le monde en noir et blanc : pro ou anti, vrai ou faux, complotiste ou naïf, nationaliste ou mondialiste. Cette mécanique repose sur un principe vieux comme le monde : diviser pour mieux régner.

Plus nous sommes occupés à nous déchirer, moins nous posons de questions fondamentales. On diabolise Trump, mais qui ose examiner les failles de notre propre gouvernement ? Qui s’interroge sur notre système économique, sur notre dépendance aux décisions étrangères, sur notre souveraineté réelle ? On s’indigne des tarifs américains, mais combien prennent le temps de comprendre leur origine, leurs rouages, ou d’envisager des alternatives ?

L’escalier du scepticisme : À quelle marche êtes-vous ?

Le concept de « l’escalier du scepticisme » – ou The Staircase of Disbelief – décrit le cheminement intellectuel et psychologique d’une personne confrontée à la réalité. Selon Neil Kramer et d’autres penseurs, plus on monte, plus on développe la capacité d’observer, d’écouter et de remettre en question ses croyances sans les renier. À l’inverse, rester en bas signifie être prisonnier de certitudes rigides, incapable d’entendre un point de vue opposé sans le rejeter violemment.

Ironiquement, ceux qui se trouvent en bas se croient souvent plus éclairés. Ils hurlent plus fort, dénoncent avec passion et s’accrochent à leurs vérités sans jamais douter, car le doute est inconfortable. C’est là qu’intervient la dissonance cognitive, ce mécanisme qui nous pousse à rejeter les informations dérangeantes plutôt qu’à les examiner objectivement. Par exemple, si je dis que « les vaccins anti-COVID n’étaient pas fiables, voire même dangereux pour nous », comment réagissez-vous ? Êtes-vous prêt à approfondir le débat, ou préférez-vous fuir la discussion, voire me cataloguer directement dans la boîte des complotistes pour protéger votre confort intellectuel ? Ce réflexe, qui protège notre stabilité mentale, est en réalité un piège : il enferme notre pensée dans un dogme rigide.

Hurler avec les loups ou construire en silence ?

Pendant que les loups hurlent à la lune, d’autres observent et agissent en silence. Ceux-ci ne se contentent pas d’être spectateurs du tumulte : ils bâtissent des communautés fortes, investissent dans leur région et tissent des liens réels avec leurs voisins.

Pourquoi s’attarder sur une gouvernance étrangère alors que nous avons tout chez nous pour être heureux ? Pourquoi perdre notre énergie à débattre d’un système qui ne nous concerne pas directement, alors que nous pourrions renforcer notre autonomie, notre culture et notre économie locale ?

L’énergie que nous gaspillons à nous diviser autour d’enjeux lointains pourrait être investie dans le développement d’une souveraineté réelle – politique, alimentaire, énergétique et culturelle. Plutôt que de s’indigner du dernier scandale américain, ne devrions-nous pas réfléchir à notre propre résilience ? D’autant plus, écouter devient essentiel pour repérer les manipulateurs, car ils pullulent de tous côtés. La plupart des chemins de nos croyances sont pavés de mensonges et de confusion ; il faut donc apprendre à discerner qui façonne, finance et profite de nos opinions.

Le monde prend une claque, et notre ego aussi

Nous vivons une époque de bouleversements majeurs : l’économie mondiale vacille, les tensions géopolitiques s’intensifient, et les repères changent. Chacun réagit à sa manière – certains s’accrochent aux anciens modèles, d’autres cherchent des coupables, tandis que d’autres encore sombrent dans le cynisme ou le fatalisme.

Mais au lieu de crier plus fort que son voisin, une autre voie s’offre à nous : celle de l’humilité, de l’ouverture et du respect. Observer sans réagir immédiatement, écouter avant de juger, s’informer au-delà des gros titres, accepter l’inconfort de la remise en question… Voilà le véritable pouvoir, qui ne réside pas dans les dogmes ni dans la division entretenue par les médias et les gouvernements, mais dans notre capacité à penser par nous-mêmes et à construire des liens solides avec nos proches et nos communautés.

Car pendant que tout le monde hurle à propos de Trump, combien prennent réellement soin de leur famille, de leurs voisins et de leurs engagements locaux ? Combien dénoncent avec ferveur les décisions américaines tout en restant aveugles aux erreurs de notre propre gouvernement ?

Le danger des certitudes figées

Il y a un réel danger à adopter une position rigide sans recul ni nuances : nous la transmettons à nos enfants comme une vérité absolue. Or, la connaissance évolue, se raffine et se corrige avec le temps. Pourtant, aucun livre scolaire ne commence par cette mise en garde essentielle : “Tout ce que vous apprendrez dans ce livre est basé sur les connaissances que nous avons au moment de son écriture. La majorité de ces informations seront révisées, questionnées et peut-être reformulées pour s’adapter à l’évolution du savoir.”

Imaginez si nous abordions nos discussions avec nos proches et nos enfants avec cette même humilité. Si nous leur apprenions que, fondamentalement, nous ne savons rien de façon définitive, et que tout peut être remis en question. Ce simple état d’esprit changerait radicalement la manière dont nous percevons l’information et dont nous interagissons avec les idées opposées aux nôtres. Accepter l’incertitude, c’est ouvrir la porte à l’apprentissage continu et à une pensée critique plus saine.

Et maintenant, on fait quoi ?

Il y aura toujours des tensions, des désaccords et des décisions qui nous échappent. Mais nous avons le choix : soit nous restons au bas de l’escalier, hurlant avec les foules et nourrissant la division, soit nous grimpons, lentement mais sûrement, en cultivant une pensée critique et en écoutant ceux qui ne partagent pas nos vues. Pendant que le monde s’écharpe sur Twitter et que les médias dictent nos indignations, certains investissent leur énergie là où elle compte vraiment : dans leur autonomie, leur communauté, leur avenir.

Le vrai débat n’est pas de savoir si Trump a raison ou tort. Il s’agit de déterminer si nous sommes encore capables de parler entre adultes intelligents, de débattre avec respect, et de bâtir un monde où l’information sert d’outil de réflexion et non d’arme idéologique.

Alors, on continue de crier, ou on commence à bâtir ?