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30 août 2019 12 h 35

Madame, ils viennent d’où les bébés?

Laurie Murphy

Coordonnatrice

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CHRONIQUE | Ah! La rentrée scolaire, un moment habité par la fébrilité des nouveautés. Nouvelle classe, nouveaux amis, nouveaux membres du personnel et nouvelles informations pour ces petits cerveaux où tournent sans arrêt mille et une questions. Pourquoi la lune n’a-t-elle pas toujours la même forme dans le ciel ? Comment écrire une lettre pour la fête des Mères ? Comment faire pour calculer si j’ai assez de monnaie pour m’acheter des bonbons ? Ils avaient l’air de quoi les dinosaures ? Pourquoi ma fourchette devient-elle froide dans ma boite à lunch ?

Heureusement, le programme du ministère permet de répondre à ces questions qui paraissent parfois banales pour nous, les adultes, mais qui sont ô combien vitales pour satisfaire l’appétit de la curiosité infantile qu’on oublie souvent avec le temps. Depuis l’an passé, ce fameux programme permet même de répondre à une question bien courante, la bibitte noire de plusieurs : « d’où viennent les bébés ? » avec l’ajout de cours d’éducation sexuelle, ajout ayant été fortement critiqué par certains parents.

On oublie souvent que la sexualité est abordée dans les écoles depuis déjà une cinquantaine d’années. Eh oui, on observe les balbutiements d’une éducation sexuelle dans les milieux scolaires dans les débuts des années 70, mais c’est vraiment en 1985 que le cours de formation personnelle et sociale (plus connu sous le nom de cours de FPS) fait son apparition dans les écoles. Il y reste jusqu’au début des années 2000 où il sera aboli par la réforme scolaire.

Depuis, le sujet de la sexualité ne fut que très partiellement couvert par la formation générale. Il ne s’agissait pour beaucoup que d’une brève rencontre sur la puberté avec une infirmière scolaire en sixième année et de vidéos dépassés sur le même sujet visionnés dans un cours de science en milieu de secondaire. En 2010, un projet pilote voit le jour. Un certain nombre d’écoles commencent à implanter des cours d’éducation sexuelle dans les classes. Le projet semble concluant, ce qui nous amène en 2018 à implanter ces cours au programme ministériel.

Certains parents ont su pallier ces années de manque en abordant le sujet de l’éducation sexuelle à la maison. Ceux-ci méritent une bonne main d’applaudissements, car malheureusement, on observe chez les jeunes de graves lacunes au niveau des connaissances en matière de santé sexuelle. Ce manque s’observe facilement. Il suffit de faire une courte recherche pour s’apercevoir que depuis plusieurs années, il y a une augmentation importante de cas d’infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) chez les 15 à 24 ans, c’est-à-dire les jeunes n’ayant pas eu accès aux cours d’éducation sexuelle à l’école.

Où ces jeunes qui n’ont eu que très peu d’information sur la sexualité ont-ils bien pu apprendre les rouages des relations intimes ? Pour beaucoup, il s’agit d’internet où les informations fiables et les fausses nouvelles se côtoient et se confondent. On comprendra qu’il existe meilleur professeur que les sites pornographiques qui n’enseignent en rien comment éviter d’avoir à vivre des répercussions d’une chlamydia non traitée ou à respecter les principes de base du consentement.

On voit aussi le paysage sexologique changer depuis plusieurs années avec la normalisation et l’accompagnement médical des personnes trans de plus en plus accessible, les progrès importants de la science au niveau des moyens de contraceptions ou encore avec les campagnes de dénonciations de crimes à caractères sexuels. Une belle ouverture fait son apparition dans notre société pour ce qui est de l’émancipation sexuelle, l’ouverture d’esprit, la lutte contre les inégalités et les violences sexuelles. N’est-ce pas donc naturel d’outiller nos jeunes afin que ceux-ci puissent trouver leurs couleurs dans ce nouveau tableau ?

Maintenant qu’on comprend mieux l’importance d’une éducation sexuelle dans les écoles, il est pertinent de se demander si le gouvernement offre aux commissions scolaires les moyens d’outiller adéquatement leur personnel à éduquer et intervenir de façon adéquate et efficace au sujet de la santé sexuelle. On a vu le résultat d’une éducation donnée par le biais de vidéos défraichis passés à la hâte dans les cours de science par un enseignant aussi, si non plus, mal à l’aise que ses élèves. Ne serait-il pas temps de considérer faire appel aux sexologues qui ne demandent qu’à être inclus dans l’organisation de l’implantation de ces cours ?

L’ordre professionnel des sexologues du Québec crie haut et fort depuis l’annonce du retour de ces cours son ardent désir d’aider, d’orienter, d’outiller les enseignants. Peut-être faudrait-il prendre le temps de se pencher adéquatement sur ce dossier afin d’offrir à nos jeunes les outils nécessaires pour s’épanouir de façon adéquate et sécuritaire. Parce qu’un « esprit sain dans un corps sain » ça passe aussi par la sexualité.

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