Pétrole en Gaspésie : un géologue contre la fracturation
Le géologue Marc Durand juge «totalement impensable» de faire de la fracturation pour extraire le pétrole du sous-sol gaspésien, une méthode qui causerait «le même type de problèmes» que dans la plaine du Saint-Laurent.
M. Durand, un professeur retraité de l’Université du Québec à Montréal, a donné une vidéoconférence mercredi soir à Gaspé à l’invitation du groupe «Ensemble pour l’avenir durable du grand Gaspé», qui milite contre la fracturation.
Les fractures causées par l’injection de liquide à haute pression en profondeur peuvent atteindre des failles verticales, croit le géologue. Ces failles naturelles mèneraient le gaz vers la surface et la nappe phréatique. «Il n’y aura pas des failles dans chaque forage, mais quand il y en aura, ça créera un problème insoluble», dit-il.
M. Durand n’est pas rassuré quand l’industrie affirme qu’elle «n’ira pas forer là où il y a des failles.» «Quand on peut vraiment observer en profondeur, on découvre quatre ou cinq fois plus de failles que ce qui est visible en surface», rapporte-t-il.
La courte vie des «bouchons»
Le géologue s’inquiète de la courte durée de vie des ouvrages qui obturent les puits à la fin de l’exploitation. Il prévoit des fuites de gaz. «Après quelques décennies, le méthane retrouvera sa pleine pression alors que le « bouchon » sera devenu moins performant.»
Et le pétrole gaspésien?
Le pétrole est «moins mobile» que le gaz, et donc moins porté à remonter vers la surface que le gaz, affirme M. Durand. Toutefois, le pétrole est «presque toujours accompagné de gaz», ajoute-t-il. L’eau salée des profondeurs, trois fois plus salée que l’eau de mer, peut aussi cheminer vers la surface. «Ça condamnerait l’usage domestique des puits [d’eau potable].»
Le géologue a admis d’emblée qu’il n’était «pas un expert de la géologie gaspésienne». Il souhaite consulter les rapports de travaux de l’industrie, dont il déplore qu’ils demeurent confidentiels pendant trois ans.
Ambiance tendue
La vice-présidente de Pétrolia, Isabelle Proulx, était présente à la conférence. Des citoyens l’ont prise à partie lorsqu’elle a voulu commenter et poser des questions à M. Durand.
Un citoyen lui a demandé de se taire, arguant qu’elle avait «plein d’autres tribunes» pour se faire entendre. «Vous jouez avec les mots. On est tannés de se faire mentir en plein face», lui a lancé une citoyenne.
L’ambiance tendue laisse présager des discussions animées au Forum sur les hydrocarbures organisé par la Conférence régionale des élus Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, qui souhaite trouver un consensus sur la forme que prendra l’exploitation.
Pétrolia : «reculer» des zones sensibles
Mme Proulx a réitéré que Pétrolia «n’écarte pas» le recours à la fracturation, mais pense avoir trouvé le moyen de produire du pétrole à Haldimand sans cette méthode. «Le prochain forage va nous donner la réponse», dit-elle.
La vice-présidente a rappelé qu’un hydrogéologue de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) étudie le sous-sol gaspésien à la demande de Pétrolia. «Si l’INRS nous dit qu’une zone est trop sensible, trop proche de failles, on va reculer de cette zone», promet Mme Proulx.
«Je vous invite à venir nous rencontrer», a dit Mme Proulx à M. Durand. La vice-présidente ne s’est toutefois pas engagée à lui fournir les rapports de travaux de Pétrolia.