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10 mars 2015 17 h 10

POUR L’AMOUR ET L’ACCESSIBILITÉ DE L’ART

Karyne Boudreau

Rédactrice en chef

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BONAVENTURE - Quand on entre, ça sent bon l’encens. De doux effluves de paix envahissent l’amateur d’art ou le curieux qui entre dans la nouvelle galerie Mer Terre ayant pignon sur rue depuis novembre à Bonaventure.  Disons de paix… et osons dire d’amour, puisque l’artiste qui nous accueille, Niwan Yod, confie candidement que l’essence de son projet réside dans ce sentiment, cette émotion, cet état d’esprit accessible à tout le monde.

« L’essence de mon projet, c’est l’amour. L’amour de ce que je fais et de ce que je vends. Car ce que je vends [des objets et produits faits main] c’est parce que j’aime ceux qui le font donc, c’est ce qui me donne envie de vendre leurs produits. »

Niwan Yod est originaire de Montréal, mais elle a adopté la Gaspésie. Ou serait-ce la Gaspésie qui l’a adoptée ? « Il y a un côté affectif pour moi avec la Gaspésie qui vient de mon grand-père, né à Percé. J’ai vécu à Percé et j’ai tenté de quitter la Gaspésie à plusieurs reprises. Rien à faire ! Y’a toujours des circonstances qui me ramènent ici. Ça fait que j’ai comme accepté ça. Je me suis dit que j’avais quelque chose à faire ici et j’y suis heureuse. Juste marcher de chez moi à ici et il y a tellement d’interactions avec les animaux, les paysages, la nature. Juste là, j’arrive remplie dans mon atelier », confie l’artiste qui a d’abord travaillé à Percé, à la Galerie d’art Côté, il y a quelques années. Elle y exposait ses œuvres et s’occupait de l’endroit.

Après la fermeture de la galerie percéenne, elle a pris une pause de deux ans puis a décidé de faire un projet pilote sur le site du Musée acadien du Québec à Bonaventure durant l’été 2014.

« Je voulais voir comment les gens d’ici et les touristes répondraient à ce que je faisais parce que Percé et Bonaventure, ça peut être très différent. Finalement, ç’a bien marché et ça m’a comme donné envie d’aller un petit peu plus loin avec  le projet. C’est là que j’ai rencontré le propriétaire du bâtiment, qui m’a donné la possibilité de louer avec option d’achat.
C’est comme ça que j’ai ouvert officiellement le 30 novembre dernier » raconte Niwan Yod.

« On a toute suite enchaîné avec un vernissage des œuvres de Louis [le sculpteur de pierre Louis Crépeau, domicilié à Shigawake] et je suis à préparer une programmation pour 2015 », prévoit celle qui dit vouloir favoriser les artistes gaspésiens, quoiqu’elle demeure ouverte à toutes les possibilités d’échanges et de rencontres avec des artistes d’ici ou d’ailleurs.

Échanges comme lieu de création

« C’est sûr que je priorise les artistes de la Gaspésie, je l’ai toujours fait, ça fait 10 ans que je travaille avec les artistes gaspésiens sur toutes sortes de projets. Mais j’ai toujours aimé l’échange, parce que quand on est isolés dans notre atelier, je trouve pas ça toujours très stimulant et j’ai besoin de ce contact-là. J’aime beaucoup l’échange et je trouve que ça nous fait progresser. C’est pour ça que je fais des projets rassembleurs, qui vont même impliquer la population et amener à un mieux-être pour eux ou pour la planète. »

Ces dernières années, dans cette optique, elle a entre autres fait le projet Omawnack, une exposition montée à la maison amérindienne de Mont-Saint-Hilaire, en Montérégie. L’exposition, financée à l’époque par le peintre québécois Jean-Paul Riopelle, a ensuite été présentée au Musée acadien. « Omawnack est une fée amérindienne venue en territoire gaspésien pour rappeler aux habitants les valeurs essentielles de respect de l’environnement.  Le but, c’est de rappeler aux gens d’apprécier leur milieu naturel, de le respecter et pas juste au niveau de l’environnement, mais à l’intérieur de soi aussi, comment on se sent à l’intérieur de soi », explique Niwan Yod.

Elle présente encore d’ailleurs certains tableaux de cette exposition dans sa galerie, comme ceux représentants la fée amérindienne et d’autres illustrant les quatre peuples de la terre: peuple blanc, peuple rouge, peuple jaune et peuple noir. Niwan Yod honorent d’ailleurs chacun de ses tableaux par un texte bien senti.

« On a fait aussi, au Musée acadien, un projet qui s’appelle les pollinisateurs » où l’on dit qu’on cherche des « pollinisaideurs « , ceux qui vont aider les pollinisateurs (abeilles, chauves-souris, colibris et monarques) en mettant des abris, des points d’eau, des fleurs, parce qu’on a un milieu qui nous permet d’accueillir les pollinisateurs et de les aider. Mais moi, avec ça, je fais des tableaux avec des textes, puis ça sensibilise la population à poser des actions. Il y a deux écoles qui ont embarqué et qui ont mis des équipements en place pour aider les colibris, les monarques. Je trouve ça vraiment important parce que c’est ce qui fait qu’on a des fruits, des légumes et des fleurs », dit fièrement l’artiste qui croit que l’art, c’est aussi l’implication sociale.

L’art accessible et la diversité de l’offre

Artiste humaniste et amoureuse, Niwan Yod n’en est pas moins une femme d’affaires qui a bien l’intention d’assurer la viabilité de sa galerie, donc la viabilité de son art et de son action sociale.

« En Gaspésie, on a vraiment deux marchés distincts. Le tourisme et le local. Donc c’est pour ça qu’on va développer des produits qui vont rejoindre la population, qui sont vraiment abordables, qui sont toujours faits à la main. Des accessoires, encens, chandelles, bijoux autant que d’autres types de produits qui vont aller rejoindre une clientèle plus aisée, qu’elle soit touristique ou locale, parce qu’on a quand même une clientèle locale qui encourage beaucoup les arts. Je donne aussi des cours de peinture et je veux aussi inviter d’autres artistes à offrir ici des ateliers. Puis je pense que le fait de diversifier nos activités, tant par des vernissages que par des cours et des produits qui sont accessibles à tous, j’ai confiance que ça va fonctionner », s’encourage l’artiste, qui soutient que n’importe qui peut s’offrir un original s’il a un coup de cœur.

« Je ne mets pas de prix sur les tableaux. J’aime mieux que les gens me le demandent pour discuter et trouver des moyens avec eux afin qu’ils puissent acquérir leur coup de cœur.
Parce que quand on a un coup de cœur, c’est comme tomber amoureux et vraiment, c’est le même sentiment. Je trouve ça dommage de voir des gens se priver d’avoir une œuvre qui va leur durer toute la vie et qu’ils vont même pouvoir passer aux générations suivantes, simplement par le fait qu’ils se croient limités par leur budget. Il y a une dame qui s’est privée d’un café par jour, qui a mis ces sous-là de côté tous les mois et s’est payée son coup de cœur, l’original de l’œuvre. Sinon, il y a aussi l’affichette, la reproduction, la giclée (impression sur canevas de grande qualité). Donc on y va selon nos moyens et avec la grandeur qui correspond à l’espace qu’on a dans notre maison. Il y a vraiment moyen d’accéder à tout ça », se réjouit l’artiste qui, si elle se dit « flexible » dans les modalités de paiement…  restera « non négociable » sur le prix. Et elle s’empresse d’expliquer pourquoi.

« Je dirais qu’on est flexible dans la façon d’acquérir l’œuvre, mais pas dans le prix, parce qu’on y va avec une cote qui est établie [la sienne a été établie par une évaluatrice spécialisée en maîtres canadiens à la Galerie Lamoureux Ritzenhoff dans le Vieux-Montréal], parce qu’on est diffusé ailleurs et si on joue sur notre cote, ben ça se sait et on ne sera pas respecté par les autres galeries », dit Niwan Yod, qui offre d’ailleurs des conférences sur la question de la professionnalisation des artistes-peintres.

« Pour devenir artiste professionnel, ça demande une pratique comme un compositeur qui va pratiquer tous les jours et qui va composer de la musique. Le peintre, le sculpteur, n’importe quel artiste va devoir avoir une pratique constante et cette pratique-là doit se financer. On n’a pas beaucoup de moyens comme artistes en art visuels de le faire donc on va compter sur l’appui de la population, de certains organismes, d’entreprises ou du gouvernement pour y arriver. Parce que c’est comme ça qu’on devient de grands artistes, ce n’est pas, on se lève le matin et on est un génie. Même si on a du génie, c’est dans la pratique quotidienne qu’on va y arriver. C’est comme un athlète olympique… c’est des heures et des heures et des heures. Donc ces heures-là doivent se payer et moi je fais un peu du lobby pour faire en sorte que la pratique artistique sérieuse et professionnelle soit légitimée et qu’on la respecte aussi. Souvent, on demande beaucoup de bénévolat aux artistes, plus que dans n’importe quel domaine et je suis en désaccord avec ça. Je pense qu’il est temps que la profession d’artiste en arts visuels soit respectée », maintient l’artiste.

Tableau à votre image ou Totem de naissance

Parmi les nombreux services qu’elle offre, Niwan Yod fait aussi des tableaux sur commande. « Des commandes libres qu’on appelle, c’est-à-dire qu’il y a un lien de confiance qui s’établit entre la personne et l’artiste. Dans mon style, la personne me dit ce qu’elle aimerait. Justement, j’ai une commande à matérialiser d’un grand-papa qui veut que je fasse quelque chose qui le représente lui, par un animal qu’il aime beaucoup et sa petite-fille qui serait en avant-plan. J’ai dit « oui, je vais vous faire ça ! » Mais il me laisse libre, il ne me dicte pas mes couleurs ni rien de ça », explique Niwan Yod.

L’artiste offre aussi les Totems de naissance. «  Ça, c’est particulier ! Je viens juste d’en terminer un justement pour un 50e anniversaire. Le totem de naissance, c’est relié à la médecine amérindienne, c’est en lien avec les pratiques des animaux, c’est-à-dire qu’est-ce que les animaux peuvent nous enseigner dans cette compétence-là qui est liée à notre naissance. C’est le fun parce qu’il y a un texte qui vient avec ça aussi puis je présente le totem peint sur bois. Donc c’est vraiment un beau cadeau personnalisé. Ce n’est pas très cher non plus, 360$. Faut rencontrer la personne. Ça fait que là, la famille doit trouver des astuces pour amener la personne ici sans qu’elle sache que c’est pour ça. On a eu beaucoup de plaisir à travailler tout ça. Je trouvais ça le fun toute la dynamique, la famille impliquée. Quand tu parles d’accessibilité de l’art et d’échanges avec les artistes, ben ça c’est un bel exemple », mentionne-elle.

Niwan Yod invite tous les amateurs d’art et tous les curieux à venir visiter la galerie, y compris « ceux qui viennent juste pour regarder et s’imprégner. Moi, je me dis, c’est tellement personnel tout ça et tellement enrichissant. On offre une exposition tout à fait gratuite. Mais j’ai un petit cochon qui offre la possibilité de laisser un pourboire. Les musées, les autres endroits de diffusion de l’art ont des tarifications fixes mais nous, les galeries, on n’en a pas même si on met beaucoup d’énergie et de temps pour tenir une exposition en place. Ça fait que si les visiteurs ont les moyens de laisser ne serait-ce qu’un dollar, ben ça finance notre lieu d’exposition et ça nous aide. Et la personne peut aussi acheter un petit produit. C’est pas cher mais ça encourage la galerie et ça peut lui permettre de rester ouverte », de conclure, invitante, l’artiste qui sera présente à sa galerie tout l’hiver, au 76, route 132, devant le Musée acadien à Bonaventure, du jeudi au lundi de 11h à 17h30. Il est aussi possible d’y aller sur rendez-vous en composant le 418 751-4450.

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