Pourquoi pas davantage de maires à temps complet?
Leur argument revient à dire qu’une petite ville comme la leur n’a pas les moyens de se payer un maire à temps complet. Cette orientation découle de la période houleuse ayant caractérisé le mandat du maire actuel, Roch Audet, qui occupe ses fonctions à temps complet.
M. Audet a été notamment critiqué pour avoir tenté de faire passer des projets trop coûteux, comme celui de la réfection complète de la rue Louisbourg, ramené de 11,3 millions $ à 9 millions $ après son rejet par les citoyens en signature de registre en janvier.
Or, ce n’est pas parce que le maire Audet travaille à temps complet pour la municipalité qu’il a défendu un ou des projets jugés trop coûteux par une majorité de contribuables. Il n’est pas nécessaire de gratter longtemps pour trouver des municipalités menées par des maires à temps partiel ayant proposé et défendu des projets exorbitants. À Carleton-sur-Mer, le projet de reconstruction du quai, à 24 millions $, est mené par un maire à temps partiel, Denis Henry.
Un plus grand éventail d’âges
Les questions les plus importantes à considérer quand des citoyens réfléchissent sur la pertinence d’ouvrir ou non la porte à un maire à temps complet, c’est l’éventail d’âges des candidats potentiels et leur compétence, et non la somme qui sera versée comme salaire.
Dans des petites villes dont la population tourne autour de 2000 à 4000 personnes comme Cap-Chat, Maria, Bonaventure, Paspébiac, Carleton ou New Richmond, la pertinence d’un maire à temps complet se pose donc avec justesse.
La rémunération d’un maire à temps partiel coûtera généralement la moitié, approximativement, de celle d’un maire à temps complet. On parle souvent d’un intervalle de 18 000 à 25 000 $ dans le premier cas, et de 40 000 à 60 000 $ dans le second cas. En équivalence, on tourne autour de 0,25 % à 1,5 % d’un budget municipal annuel.
Essayez l’incompétence!
Le philosophe Normand Baillargeon dit souvent : « Si vous croyez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ». Le même adage s’applique en politique municipale. Si vous croyez que la compétence coûte cher, essayez l’incompétence!
L’un des principaux défis de la société gaspésienne, c’est de continuer à faire de la place aux jeunes, principalement dans les postes de commandes. Depuis les élections de novembre 2005, les jeunes et les femmes occupent une part croissante des postes dans les conseils municipaux.
Toutefois, l’élan est brisé, notamment à la mairie, parce que peu de jeunes sont prêts à mener de front trois orientations aux fortes responsabilités, à savoir fonder une famille, mener une carrière professionnelle stimulante et occuper des fonctions d’élues ou d’élus municipaux.
S’il y a moyen de fusionner les deux dernières orientations, la carrière et la politique, il faut obligatoirement songer à verser un salaire décent aux élus municipaux, à plus forte raison aux maires.
Jeune ne rime pas nécessairement avec compétent, évolué et dynamique mais comme notre société, à l’exemple de toutes les autres, n’a pas les moyens de se passer d’une abondance de ces trois caractéristiques, il faut élargir le spectre des candidats potentiels, de façon à encourager l’engagement de tous les groupes d’âges.
Surreprésentation des retraités
Présentement, en politique municipale, il y a surreprésentation des gens ayant atteint l’âge de la retraite. La raison est simple : la complexité de l’administration municipale a fortement crû depuis 30 ans, et elle ne se simplifiera pas dans l’avenir.
Voulons-nous vraiment confier notre sort municipal à un groupe dominé par des retraités, parce qu’ils sont les seuls à disposer du temps nécessaire pour remplir les fonctions exigées par ce niveau politique? L’expérience, c’est bien, mais un mélange d’expérience, de vision et d’idées nouvelles, c’est mieux. C’est plus susceptible d’arriver si le pouvoir municipal fait de la place, plus de place à la jeunesse.
Le rôle du leadership municipal prend en outre une nouvelle place depuis les coupes à la tronçonneuse effectuées depuis l’automne 2014 par le gouvernement de Philippe Couillard dans les organismes jadis voués à la planification à long terme et au développement régional, comme la Conférence régionale des élus, qui a disparu.
Ces coupes ont réduit à sa plus simple expression le rôle de la société civile en matière de développement économique, le gouvernement libéral ayant confié aux élus municipaux la tâche de s’occuper des miettes budgétaires laissées à cette fin.
Si les maires sont appelés à jouer un rôle accru en développement régional, ne serait-il pas judicieux alors que la population puisse choisir ses candidats dans un plus grand bassin de meneurs potentiels, incluant les jeunes?
Ces jeunes ne mettront pas leur carrière entre parenthèses pour une pitance de salaire, et c’est compréhensible. Payer de 40 000 $ à 60 000 $ pour compter sur un élu allumé, ce n’est pas une dépense, c’est un investissement qui se paie quand une seule bonne décision est prise.
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