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7 mars 2014 15 h 51

Sarah-Anne Lamy réclame 10 000 $ au réseau de la santé

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Sarah-Anne Lamy, une citoyenne de Paspébiac, réclame 10 000 $ au réseau de la santé de la Gaspésie relativement à des frais de transports.

Malgré la fin de non-recevoir des instances régionales de la santé elle entend aller jusqu’au bout au nom de son mari décédé récemment, mais aussi pour ceux qui n’ont pas le courage de tenir tête aux autorités. Et pourtant, un rapport du Protecteur du citoyen donne raison à Mme Lamy sur toute la ligne.

Son mari, Sylvio Fulham, est décédé à l’âge de 72 ans à l’hôpital de Maria le 31 janvier dernier d’un cancer de leucémie lymphoïde chronique. C’est en 2003 que son cancer est diagnostiqué. Et c’est son médecin de l’hôpital de Maria qui l’a dirigé vers les grands centres pour le suivi faute de pouvoir être traité dans la région. Sylvio Fulham se fait donc soigner à l’Hôpital Général de Montréal. Jusqu’en 2010, le réseau régional de la santé de la Gaspésie-les-Îles défrayait une partie des frais de transports vers Montréal. Or cette année-là, les choses se compliquent pour ce couple alors que le réseau de la santé décide qu’il paierait les frais de transports jusqu’à Rimouski seulement, car les traitements de son conjoint étaient désormais disponibles à l’hôpital de l’endroit. Le couple accuse le coup et malgré les coûts onéreux que cela engendre, M. Fulham poursuit ses traitements à Montréal en raison « d’un climat de confiance » qui s’est établi avec l’équipe médicale montréalaise, a fait valoir Sarah-Anne Lamy dans une longue lettre envoyée il y a trois semaines à la première ministre du Québec, Pauline Marois, avant d’ajouter : « Avec une maladie aussi grave que le cancer, la confiance est une partie très importante du traitement ».

Les choses vont de mal en pis pour le couple, alors que le 1er octobre 2012, l’Agence de santé de la Gaspésie-les-Îles (AGSSSGÎM) met en application son nouveau règlement, voté au mois de janvier précédent, selon lequel « l’usager doit assumer l’ensemble des frais inhérents à son déplacement lorsqu’il choisit d’être dirigé vers un établissement autre que celui le plus rapproché où le service est offert, et ce, pour des raisons personnelles ou sur recommandation de son médecin ». En clair, à partir de cette date, le couple de Paspébiac  ne recevra aucune indemnité pour des dépenses liées aux nombreux déplacements vers Montréal, pas même jusqu’à Rimouski, comme c’était le cas de 2010 à 2012 (ce qui compensait pour une partie des frais engendrés jusqu’à Montréal, soit transports et logement). Les 10 000 $ que Mme Lamy réclame au réseau de la santé couvre donc la période s’étendant d’octobre 2012 jusqu’en novembre 2013. C’est que voilà, le couple, à bout de souffle, décide que M. Fulham allait poursuivre ses traitements de radiologie à l’Hôpital de Rimouki, à partir de novembre 2013. « Vous savez, c’était le mois de novembre. On est loin de Montréal. Il n’y avait plus de train et il fallait prendre l’auto. C’était vraiment difficile pour nous », souligne Mme Lamy en entrevue, la gorge encore nouée par la difficulté de raconter toute cette histoire qui prend encore aujourd’hui beaucoup de son énergie. Son mari sera finalement transféré à l’hôpital de Maria le 17 janvier suivant où il rendra son dernier souffle deux semaines plus tard.

Le protecteur du citoyen lui donne raison

Le parcours de Mme Lamy au cours des ans a été semé d’embûches. Elle a été confrontée à un réseau de la santé qui a justifié son refus de rembourser tout frais de transport une fois le nouveau règlement édicté. Elle et son mari se sont donc butés à des portes closes pour finalement porter plainte. Les dizaines de pages qui étoffent leur parcours en sont des témoins éloquents. Ils ont déposé plainte au CSSS de la Baie-des-Chaleurs ainsi qu’à l’AGSSSGÎM. Devant les fins de non-recevoir, ils ont porté plainte auprès du Protecteur du citoyen qui lui ont donné raison. Dans son rapport, daté du 19 avril 2013, le Protecteur du citoyen émet plusieurs recommandations à l’AGSSSGÎM dont celle-ci. « Inclure à la politique régionale complémentaire de la nouvelle politique régionale de déplacement une clause transitoire permettant le maintien du point 3.3. “Lorsqu’un usager choisit d’être dirigé vers un établissement dont la destination n’est plus la plus rapprochée, il aura droit à l’aide financière prévue comme s’il se déplaçait vers l’établissement le plus rapproché.” Le rapport conforte par ailleurs le choix de Mme Lamy d’avoir  décidé de poursuivre les traitements de son mari à Montréal pour des raisons de suivi. “Selon l’information qui m’a été donnée, les médecins des établissements identifiés pour des corridors de service seraient parfois réticents au transfert de dossiers d’usagers déjà suivis par d’autres collègues”. Le rapport note aussi que des cas comme celui de Mme Lamy et de M. Fulham comptent pour moins de 10 % des cas recensés dans la région. Ce que nous confirme aussi l’Organisme gaspésien des personnes atteintes de cancer. Le Protecteur du citoyen a aussi tenu à dire que sur le strict plan financier, l’Agence fait fausse route puisque “les impacts du maintien de cette compensation financière seraient minimes sur les corridors de service”.

Il faut aussi savoir qu’à la veille du dépôt du rapport du Protecteur du citoyen, Mme Lamy avait déposé une pétition à l’Assemblée nationale, parrainée par le député de Bonaventure, Sylvain Roy, et signée par plus de 900 personnes qui s’opposent catégoriquement à la nouvelle politique de frais de déplacement. Si Mme Lamy se dit contente que son député ait accepté de déposer la pétition, elle dénonce le manque de suivi de M. Roy après son dépôt. Dans la lettre adressée à Pauline Marois, elle déplore que Sylvain Roy “n’a jamais répondu à mes appels téléphoniques”. Joint à ses bureaux, Sylvain Roy se défend. “Je comprends la détresse de la dame. Je suis compatissant avec le décès de son mari. Écoutez, j’ai déposé la pétition, j’ai rencontré la dame, j’ai interpellé l’Agence et la CSSS de la Baie-des-Chaleurs. Je n’ai pas pu faire plus. J’aurai aimé faire plus”.

Le réseau se défend

En réaction, le directeur du CSSSBC, Jean-Philippe Legault a sèchement répondu au bout du fil qu’il “ne parle pas de dossier nominatif par la voie des médias” nous renvoyant à l’Agence régionale de la santé concernant le rapport du Protecteur du citoyen. À l’Agence, il nous a été impossible de parler à la présidente-directrice générale, Yolaine Galarneau. C’est la directrice des communications, Geneviève Cloutier qui a été envoyée au front. Questionnée pour savoir si l’Agence a pris acte du rapport du Protecteur du citoyen et si elle a mis en application ses recommandations, Mme Cloutier s’est contentée de dire que puisque “ce rapport concerne un usager, on n’est pas à même de le commenter parce que ce sont des données qui sont confidentielles. On sait que la mise en place de la nouvelle politique a apporté des inconvénients aux usagers, on en est très conscients”. Geneviève Cloutier a précisé qu’entre janvier et octobre 2012, son organisation a mené une campagne d’information sur la nouvelle politique de déplacement de l’Agence, laquelle répond à “des orientations ministérielles” et que c’est par souci d’équité “pour tous” qu’elle a été mise en application de sorte que “les gens puissent recevoir des soins de qualité”.

Il n’empêche, Sarah-Anne Lamy ira jusqu’au bout. “Je vais aller voir l’émission JE à TVA, monsieur et probablement ensuite l’avocat (spécialiste en droit de la santé), Jean-Pierre Ménard”.