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24 novembre 2020 10 h 35

Secteur immobilier : la pandémie donne lieu à une course folle

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CARLETON-SUR-MER | À l’avantage des acheteurs avant que la COVID-19 ne fasse une entrée fracassante au Québec, le marché immobilier gaspésien n’a pu faire autrement que de réagir au contexte de la crise sanitaire. L’année 2020 restera sans l’ombre d’un doute mémorable à bien des égards pour les courtiers immobiliers de la région. GRAFFICI en a rencontré deux pour qui les derniers mois ont été complètement fous.

Le virus et le confinement se sont imposés, en Gaspésie comme ailleurs, au moment précis où bon nombre d’acheteurs reluquaient déjà les propriétés à vendre  en vue d’une prise de possession vers le premier juillet. Lorsque le Québec a été mis sur pause pour plusieurs semaines, en mars, les activités des professionnels de l’immobilier ont d’abord été reléguées à la sphère virtuelle.

Il s’est ainsi avéré tout simplement impossible pour eux d’entrer dans les chaumières, que ce soit pour une visite ou même pour une séance photo. La chaîne transactionnelle perdait au même moment quelques maillons: alors que les déménageurs et les notaires, jugés essentiels, pouvaient encore travailler, d’autres professionnels, dont les inspecteurs en bâtiment et les arpenteurs-géomètres, ont dû s’armer de patience. Comme si ce n’était pas déjà assez, la fermeture de la région aux déplacements jugés non essentiels, du 28 mars au 18mai, a déjoué les plans de plusieurs clients désirant faire de la prospection en vue d’un établissement chez nous.

Ce contexte inédit a donné lieu à certaines situations peu banales pour des clients acculés au pied du mur. Etienne Arsenault, œuvrant sous la bannière Remax dans la Baie-des-Chaleurs, raconte avoir été contacté par des gens de l’extérieur devant à tout prix quitter leur résidence à une date précise et désirant en acheter une nouvelle en région. «Moi-même, je ne pouvais pas entrer dans la maison pour leur faire visiter virtuellement. J’ai dû appeler les vendeurs pour qu’ils organisent une tournée Facetime. Normalement, c’est moi qui suis l’intermédiaire entre les acheteurs et les vendeurs, mais là, on n’avait vraiment pas le choix», relate-t-il, précisant qu’il ne conseille évidemment pas d’acheter une maison à distance.

Alexandra Gagnon, courtière pour Via Capitale Horizon et œuvrant principalement dans le secteur de Gaspé, se souvient aussi d’avoir conclu une transaction dans des circonstances sortant de l’ordinaire. «J’ai eu une promesse d’achat sans condition de visite. Il faut dire que la personne connaissait la maison», nuance-t-elle.

Un acheteur de Grande-Vallée, Louis-Jérôme Cloutier, raconte avoir réussi à conclure la transaction voulue avec une inspection préachat réalisée deux jours seulement avant le confinement. S’avouant extrêmement chanceux, il a également eu le temps d’utiliser des REER via le Régime d’accès à la propriété(RAP) avant que le marché boursier ne s’effondre. Optimiste, celui qui travaille dans le domaine communautaire note que la pandémie a, pour plusieurs, compliqué significativement le processus, mais qu’elle n’a pas eu que des effets négatifs pour les acheteurs. «Ça a fait que les taux d’intérêt ont beaucoup chuté .J’ai obtenu un taux hypothécaire beaucoup plus avantageux que si j’avais acheté ma maison en février», note le trentenaire.

Un marché «de vendeurs»

Si les activités immobilières recommencent pour les transactions jugées prioritaires dès avril, ce n’est que le 11 mai que le secteur reprend véritablement vie. Le départ en est un canon. Alors que M. Arsenault se souvient d’une «course folle», Mme Gagnon parle «d’impact explosif». Qu’importe le terme choisi, la réalité est la même: les demandes d’information et de visites affluent de façon impressionnante, tant et si bien que sept jours dans une semaine ne sont plus suffisants pour répondre aux besoins de tous.


Etienne Arsenault est dans le domaine immobilier depuis 2016; il couvre principalement le secteur compris entre Escuminac et Bonaventure.
Photo : Offerte par Etienne Arsenault

Le marché régional n’est alors plus tout à fait le même: il a littéralement basculé à l’avantage des vendeurs tandis que les inscriptions se font plus rares. «Je pense que tout le monde était un peu sur les freins à cause de la COVID-19et que beaucoup ont reporté leurs projets [de vente]. J’ai l’impression que ceux qui avaient la santé nécessaire pour rester dans leur maison ont choisi de le faire. Ça a paru dans les inscriptions», croit M. Arsenault.

Quoi qu’il en soit, l’équation est facile à faire: moins d’inventaires et plus de demandes ont créé un certain phénomène de rareté. Plusieurs ont ainsi eu du mal à mettre la main sur la maison de leurs rêves. « Il y avait parfois trois acheteurs pour une même maison. Ça faisait beaucoup de monde déçu de ne pas l’avoir», explique celui qui couvre généralement le territoire compris entre Escuminac et Bonaventure.

Ce type de situation, somme toute peu fréquente en Gaspésie, engendre un certain stress chez les acheteurs, qui doivent rapidement prendre d’importantes décisions. C’est ce dont témoigne Joanie Poirier, une jeune maman de Paspébiac. Confrontée à la pénurie de logements, elle a jeté son dévolu sur une petite maison mobile afin de se reloger, avec ses deux enfants, à la suite d’une séparation.

Alors qu’elle s’intéressait depuis deux ou trois semaines à une maison affichée depuis l’automne précédent, les choses se sont bousculées du jour au lendemain en août. Elle a dû faire un choix en 24 heures. «Mon courtier m’a appelée pour me dire que quelqu’un d’autre l’avait visitée et qu’ils allaient déposer une offre d’achat. En même temps, il s’est mis à être dans le jus. Il avait de la difficulté à retourner ses appels. Tout le monde voulait acheter des maisons!» se souvient la jeune femme de 32 ans pour qui l’histoire se termine heureusement bien.

Dépendamment bien sûr du prix de vente de la propriété, il n’est pas rare, en temps normal, que 10 000$ à 15 000$ soient retranchés lors des négociations. Or, les vendeurs avaient cette fois-ci le gros bout du bâton, constate Mme Gagnon, qui œuvre comme courtière depuis 11 ans: «souvent, ils choisissaient la promesse d’achat qui était la mieux pour eux. Ça en était une, la plupart du temps, qui était au prix demandé ou plus haut. Honnêtement, il n’y avait pas de négociation, on ne faisait pas face à des contre-offres».

Celle-ci relate qu’un «temps limite» pour la réception d’offres d’achat, tournant parfois autour d’une seule semaine, a dû être fixé dans le cas de plusieurs propriétés afin d’éviter que le nombre de propositions ne devienne irraisonnable. Même des maisons nécessitant des travaux majeurs, dont la cote de popularité est généralement beaucoup plus basse que celles considérées comme clé en main, ont trouvé preneur au courant de l’été.


Alexandra Gagnon est courtière immobilière depuis 11 ans et elle œuvre surtout dans le secteur de Gaspé.
Photo : Nelson Sergerie