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16 janvier 2015 14 h 37

Un bilan controversé pour le ministre régional Jean D’Amour

Gilles Gagné

Journaliste

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CARLETON-SUR-MER – L’examen du bilan des neuf premiers mois du gouvernement libéral de Philippe Couillard, tel que dressé par le ministre responsable de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, Jean D’Amour, comporte un certain nombre de surprises, à commencer par des éléments attribuables au gouvernement précédent.

Le ministre place en tête de liste l’enveloppe de 119,5 M$ de travaux routiers, sans spécifier que cette somme sera dépensée en deux ans. À 59,75 M$ par an, le montant constitue un recul annuel de 24,5 M$, comparativement au montant dévolu aux routes par le gouvernement précédent. Le Parti québécois avait déjà coupé de façon importante dans le budget routier au printemps 2013.
 
Le deuxième point du bilan de Jean D’Amour mentionne le « soutien financier de l’ordre de 350 M$ à Ciment McInnis ». Cet appui conféré par Investissement-Québec, à raison d’un prêt de 250 M$ et d’une participation de 100 M$ dans le capital-actions du projet de cimenterie, avait pourtant été annoncé le 31 janvier 2014 par l’ex-première ministre Pauline Marois à Port-Daniel, en présence de Laurent Beaudoin, du conglomérat d’investissement Beaudier.
 
Le 2 juin suivant, le gouvernement libéral, par la voix du ministre de l’Économie Jacques Daoust a annoncé que le nouveau gouvernement respecterait l’engagement pris par Pauline Marois, ajoutant qu’il avait resserré les conditions de l’appui financier.
 
Jean D’Amour établit aussi que son gouvernement a soutenu « l’inauguration du Centre de justice de proximité de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine à Chandler », une initiative qui avait pourtant été annoncée le 10 février 2014 par l’ex-ministre responsable de la Gaspésie et des Îles, Gaétan Lelièvre, et par le député de Bonaventure, Sylvain Roy. M. D’Amour s’est effectivement rendu à Chandler en novembre pour inaugurer le Centre de justice, dont les activités étaient amorcées depuis quelques semaines.
 
Jean D’Amour porte à la fiche de son gouvernement les « 264 000 $ (consacrés) aux commissions scolaires des Phares, de Kamouraska-Rivière-du-Loup, René-Lévesque, des Îles et du Fleuve-et-des-Lacs pour la réalisation de projets d’embellissement de cours d’école ». Or, seulement deux de ces cinq commissions scolaires sont situées en Gaspésie et aux Îles et le ministre ne présente pas le montant qui leur revient.
 
M. D’Amour semble aussi éprouver des problèmes avec les limites de la région administrative, en incluant dans le bilan « 45 000 $ au Festival international de jardins de Grand-Métis », un lieu touristique situé dans la région administrative du Bas-Saint-Laurent, bien que localisé dans la région touristique de la Gaspésie.
 
Jean D’Amour évoque aussi la « solution temporaire » intervenue entre le ministre des Transports et la Régie intermunicipale de transport de la Gaspésie et des Îles, pour prendre en partie la relève d’Orléans Express, à qui la Commission des transports du Québec a consenti une réduction de 75 % de services à l’est de Rimouski.
 
« En tant que ministre responsable de la Gaspésie, je me réjouis de cette annonce qui viendra répondre aux besoins de la région et aux préoccupations de ses citoyens et citoyennes », écrit M. D’Amour. Pourtant, la solution temporaire qui le réjouit mène quand même à une compression de services d’au moins 65 %.
 
À propos de la Société du chemin de fer de la Gaspésie, le ministre se dit « conscient de l’importance du transport ferroviaire en Gaspésie. Soyez assurés que mon gouvernement est en mode écoute ».
 
Ce mode écoute est entré en vigueur dans les semaines suivant l’élection du 7 avril, mais il ne s’est traduit par aucun geste assez fort pour empêcher la Société du chemin de fer de la Gaspésie de se placer sous la protection des tribunaux, le 21 novembre.
 
En dépit de ce contexte critique, 2014 est aussi la première année en une décennie au cours de laquelle le gouvernement du Québec ne débloque aucune somme pour la mise à niveau du réseau ferroviaire reliant Matapédia à Gaspé, en dépit de besoins importants identifiés depuis 2010, besoins qui se situent aux environs de 107 M$.
 
Le bilan du ministre comporte aussi une liste d’interventions ponctuelles, mais un regard un peu plus approfondi de cette nomenclature mène au constat que M. D’Amour énumère essentiellement des sommes venant de budgets reconduits de l’année précédente.
 
Par exemple, il signale des interventions totalisant « 3,4 M$ provenant du Fonds d’aide aux initiatives régionales (FAIR) ». Or, le budget total du FAIR, un programme exclusif à la Gaspésie et aux Îles, se situe à 6 M$ par année. Le bilan du ministre signifie que seulement 57 % des fonds ont été utilisés lors d’une période couvrant 75 % de l’année budgétaire.

Le ministre D’Amour a refusé l’invitation du GRAFFICI.CA d’expliquer certains aspects de son bilan.
 
Quant au député péquiste de Gaspé à l’Assemblée nationale, Gaétan Lelièvre, il a commenté la situation trois semaines après la publication du communiqué de M. D’Amour, « après avoir reçu plusieurs appels d’électeurs m’indiquant qu’il fallait répondre au ministre ».
 
Calmement, M. Lelièvre déboulonne les principaux aspects du bilan de Jean D’Amour.
 
« À part les dossiers empruntés au Parti québécois, je ne trouve aucune réalisation substantielle, de taille », résume-t-il.
 
« Quand j’ai vu la mention de la cimenterie de Port-Daniel, je me suis dit : “Voyons, j’ai mal compris!” Il se gargarise avec ça? Trop, c’est trop! », dit M. Lelièvre, qui n’a pas trouvé plus amusante la mention du Centre de justice de proximité dans le bilan de Jean D’Amour.
 
Gaétan Lelièvre ne comprend pas que le ministre puisse se réjouir des 119,5 M$ consacrés aux routes, comparativement aux 168 M$ du gouvernement précédent, « avec l’importance que prennent les routes, et considérant tous les problèmes vécus avec les autres moyens de transport. Comment expliquer que le chemin de fer soit encore en attente? C’est la première année qu’il ne reçoit aucun appui. Il faut aussi considérer l’importance qu’il occupe pour les entreprises de la baie des Chaleurs, comme Temrex et Rail GD ».
 
Jean D’Amour s’en est pris aux députés Lelièvre et Roy, « trois fois » selon le député de Gaspé, « en demandant : ils sont où les députés du Parti québécois? C’est comme s’il fallait passer par lui. Quand j’étais ministre, j’ai travaillé 18 mois avec des gens qui étaient députés libéraux et qui sont ministres maintenant. Pourquoi je ne ferais pas confiance aux ministres responsables des dossiers que je dois régler? C’est comme s’il fallait passer par lui (Jean D’Amour). Il est en copie conforme de tous mes dossiers, mais je n’ai pas à dédoubler les démarches en passant par lui. C’est une étape supplémentaire. Quand il y aura un dossier relevant de la Stratégie maritime, je le contacterai. En entendant, il y en a un, dossier, celui de l’École des pêches, faisant partie de la Stratégie maritime, le seul de la région, et il ne s’en occupe pas », tranche Gaétan Lelièvre.
 
Au sujet de l’École des Pêches et de l’Aquaculture, le ministre D’Amour a écrit que « le rapport du comité interministériel sur la relance de l’école ayant été rendu public, les travaux du comité de travail chargé de trouver des pistes de solution pourront nous orienter sur la suite des choses ».
 
Gaétan Lelièvre trouve navrant que Jean D’Amour ait défendu les décisions du gouvernement Couillard de sabrer dans les budgets des Centres locaux de développement, d’abolir les Conférences régionales des élus et de maintenir une foule d’autres organismes de développement dans l’incertitude.
 
« Ce sont des organismes performants qui ne coûtaient pas la mer. Ça va faire mal, et ce sera sournois, parce que l’effet se fera sentir pendant des années. Ce gouvernement n’a aucune vision ou plan de développement. Il y avait la Stratégie de développement sous le Parti québécois, et il s’agissait d’une stratégie venant d’une suite de consultations menées sur tout le territoire. C’était la stratégie choisie par les gens. La Gaspésie ne peut être gérée de façon improvisée. La situation est trop précaire pour ça. Ce gouvernement a l’obligation de se donner un plan », conclut M. Lelièvre.
 
Le président de la Table des préfets de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, Jean-Guy Poirier, est peu enclin à commenter le bilan de Jean D’Amour.
 
« J’ai de la misère à me prononcer. Il n’a pas été très présent et on ne peut pas dire qu’il a sollicité beaucoup de rencontres avec les préfets. Nous avons peut-être aussi à prendre une partie de la responsabilité. Est-ce que j’ai demandé des rencontres avec lui pour régler des dossiers? La réponse est non », note M. Poirier.

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