Un premier Colloque entrepreneuriat fructueux
CARLETON-SUR-MER – La relève en affaires a joué un rôle de premier plan lors du premier Colloque entrepreneuriat, tenu à Carleton-sur-Mer les 13 et 14 mai. Et comme pour montrer que ça fonctionne, un exemple concret de transfert de propriété d’une importante entreprise de la région, Pétroles C. Poirier de Bonaventure, a été annoncé publiquement.
Le rôle du mentorat, les réseaux sociaux, les aptitudes pour devenir entrepreneur, l’histoire de la Gaspésie en affaires et les façons de surmonter le négativisme ont aussi occupé les 90 participants, mais le thème de la relève a dominé dans plusieurs discussions.
Le cas de Pétroles C. Poirier allume un peu l’imaginaire parce que les conditions de départ ne s’imposaient pas d’emblée. L’acheteur, Christian Derome, avait travaillé pour le principal compétiteur du vendeur, Marie-Louis Bourdages, pendant 10 ans. On était loin d’une acquisition dans la famille, ou par les employés.
« Je le trouvais dérangeant, quand il travaillait pour Pétroles Chaleurs », se souvient M. Bourdages, en évoquant l’époque de 1988 à 1996 alors qu’il devait se frotter à Christian Derome.
Marie-Louis Bourdages avait acquis Pétroles C. Poirier en 1988 et le territoire de distribution des produits pétroliers ne couvrait que le tiers de la zone actuelle, qui va de Matapédia à Sainte-Anne-des-Monts.
M. Derome a plus tard travaillé pour le Chemin de fer de la Baie-des-Chaleurs, à l’époque où le réseau ferroviaire gaspésien était surtout contrôlé par la Société des chemins de fer du Québec. Puis, il a quitté la région pour faire sa maîtrise en administration des affaires, avant de revenir en 2011.
« Dans mon plan, je voulais avoir une entreprise dans un des domaines où je pouvais être compétent », dit-il. Les deux hommes ont siégé sur un même conseil puis M. Bourdages a invité M. Derome à venir le rencontrer.
On est alors en juillet 2011. Le mois suivant, Louis-Marie Bourdages apprend de son médecin qu’il ne lui reste que deux mois à vivre, en raison d’un cancer. Actionnaire majoritaire de Pétroles C. Poirier, une entreprise comptant trois actionnaires minoritaires et de 25 à 35 employés, il doit organiser sa succession à la vapeur.
Si M. Bourdages a terrassé le cancer devant venir à bout de lui, il a néanmoins cru pendant quelques semaines qu’il lui restait peu de temps à vivre. Les deux hommes ont vite découvert qu’ils étaient faits pour s’entendre, malgré les premières impressions de l’intervalle 1988-1996.
« Ça s’est installé de bonne heure, la confiance. On se connaît, mais pas depuis 25 ans en continu. Dans le travail de papiers, nécessaire dans un transfert de propriété, je me demandais : Comment peut-il me faire confiance à ce point-là? Quand tu vois ça, tu ne veux pas trahir cette personne », raconte Christian Derome.
Marie-Louis Bourdages, qui fait du mentorat auprès de jeunes entrepreneurs depuis quelques années, a senti la même complicité.
« Il faut prendre le temps de se connaître. Mais au début, on pensait ne pas en avoir beaucoup, de temps. Mais j’écoutais Christian me décrire sa vision et je me disais : Il veut faire ce que j’aurais voulu faire si j’avais eu 10 ans de moins. Dès la première conversation, je lui ai dit où je voulais aller », décrit M. Bourdages.
« C’était exactement ce que je pensais. Et dans les pires moments de tempête, il a toujours été là », complète Christian Derome, comblé de mettre la main sur le seul distributeur de produits pétroliers sous contrôle gaspésien.
« Le facteur important, c’est la confiance. Tu ne peux pas avoir confiance à 80 %. C’est 100 % ou zéro. Une femme n’est pas un peu enceinte », dit M. Bourdages.
Maurice Quesnel, directeur général de la Chambre de commerce de la Baie des Chaleurs, sort comblé des résultats de ce premier colloque régional. « Idéalement, il faudra que le colloque se promène d’un secteur à l’autre de la Gaspésie au cours des prochaines années ».