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14 septembre 2023 10 h 48

Une randonnée pour la protection des Chic-Chocs

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RÉSERVE FAUNIQUE DE MATANE – Quelque 70 personnes ont répondu à l’invitation lancée le 26 août par le Comité de protection des monts Chic-Chocs pour participer à une randonnée dans la réserve faunique de Matane. L’objectif? Mieux faire connaître le projet de protection du territoire visé.

En collaboration avec le Sentier international des Appalaches (SIA) – Québec et l’Unité régionale de loisir et de sport du Bas-Saint-Laurent, les marcheurs, dont GRAFFICI faisait partie, ont choisi l’une des trois randonnées selon un niveau de difficulté différent. Le point de départ était fixé au lac Matane.

Philippe Davignon était l’un de ceux-là. « Cet été, j’ai marché le SIA de Matapédia à Forillon, indique le résident de Matane. C’est vraiment un joyau, la réserve faunique [de Matane]. C’est beau. Ça m’a conscientisé à l’importance de sa protection. » M. Davignon endosse entièrement les démarches du Comité de protection des monts Chic-Chocs. « C’est important de protéger les montagnes de plus de 600 mètres parce qu’elles ont une végétation différente sur leur sommet. »

En les invitant à marcher sur le territoire visé, les membres du Comité, qui œuvrent depuis 16 ans à faire reconnaître leur projet d’aire protégée, ont pu sensibiliser les participants. Après une courte séance d’information au lac Matane, les organisateurs et des randonneurs ont déposé des pierres pour construire un cairn. Celui-ci vise à marquer symboliquement les limites du territoire que le Comité de protection des monts Chic-Chocs souhaite englober dans son projet d’aire protégée, en l’étendant à la portion ouest des Chic-Chocs, située dans la réserve faunique de Matane.


Quelque 70 personnes ont répondu à l’invitation de participer à une randonnée lancée par le Comité de protection des monts Chic-Chocs. Photo : Johanne Fournier

Le projet

« Depuis 2007, on propose de protéger les montagnes des Chic-Chocs qui sont au-dessus de 600 mètres dans la réserve faunique de Matane », mentionne l’une des porte-parole du Comité de protection des monts Chic-Chocs, Margaret Kraentzel.

Depuis ce temps, l’organisme ne cesse de travailler et de dresser des inventaires pour atteindre son objectif : couvrir l’ensemble des Chic-Chocs de la réserve faunique de Matane. « En 2020, après des démarches et des efforts, c’est devenu une réserve de territoire pour fin d’aire protégée, c’est-à-dire un territoire que le gouvernement a protégé, du mont Logan jusqu’au mont Pointu, en incluant le mont Blanc et d’autres montagnes, explique un autre porte-parole du Comité, Louis Fradette. Pour l’instant, cette réserve-là est protégée administrativement, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’exploitation industrielle et minière ou d’implantation d’éoliennes dans ce secteur-là. Le gouvernement a annoncé 30 % d’aires protégées pour le Québec. Donc, on s’est dit qu’on allait lui faire une proposition en doublant ce qui a été obtenu. C’est là-dessus qu’on travaille : le projet sera présenté avec son agrandissement. »

Le 29 août, les membres du Comité ont accueilli, sur le territoire visé, une dizaine de représentants de différents ministères. Ils les ont amenés au mont Blanc afin de leur démontrer la richesse et la beauté des paysages qu’ils souhaitent préserver. Pour le Comité, il s’agissait d’une étape importante puisqu’à partir de l’avis de ces fonctionnaires, Québec décidera, l’hiver prochain, s’il agrandit l’aire de 200 km carrés mis sous réserve ou s’il la réduit. « L’agrandissement serait du mont Pointu, incluant la vallée du lac Matane, de même que le mont Valcourt et le mont de l’Ouest, jusqu’à la rivière du Vivier », explique M. Fradette.

Coupes forestières dénoncées

À l’est du territoire que souhaite protéger le Comité se trouve l’habitat essentiel du caribou. « On attend une confirmation pour que ce territoire-là soit protégé légalement, précise Louis Fradette. Au mont Jimmy-Russell et au mont Hélène, qui sont très proches de l’habitat essentiel du caribou, il se fait présentement des coupes à blanc. Quand on fait des coupes forestières, ce qui pousse après, c’est de la nourriture pour les ours, les coyotes et les cervidés. Plus il y a d’orignaux et de chevreuils, plus il y a de prédateurs du caribou, soit les coyotes et les ours. Ça a un impact majeur. »

Le porte-parole du Comité reprend les paroles du professeur de l’Université du Québec à Rimouski, Martin-Hugues St-Laurent, en disant que le caribou est un témoin de notre génération.

L’un des membres fondateurs du Comité estime, pour sa part, que si le caribou est menacé par les ours et les coyotes, la forêt est tout autant en danger en raison d’un prédateur : l’être humain, sous la figure de l’industrie forestière. « C’est une forme de prédation qui détruit l’habitat de toutes les espèces, déplore Jean-Claude Bouchard. On peut comprendre qu’il soit nécessaire d’exploiter la forêt, mais pas n’importe où et n’importe comment! »

Selon M. Bouchard, c’est d’autant plus un non-sens de réaliser des coupes forestières en altitude parce que le climat est rigoureux et la régénération est lente. « On dénonce ça depuis le début », mentionne-t-il. « Je ne comprends pas qu’on laisse encore faire ça », renchérit M. Fradette.

Philippe Davignon partage leur point de vue. « Quand on marche dans les sentiers, on voit les coupes dans les montagnes, souligne le participant de l’activité. Je trouve ça dommage. Ça me fait mal de savoir que toute cette belle nature-là est détruite. Ça me met en colère. Je comprends qu’il y ait des emplois derrière ça, mais il y a un problème dans la façon dont on gère la forêt présentement. »

Conscient du fait que plusieurs personnes vivent de l’exploitation forestière, Louis Fradette précise qu’il n’est pas contre cette industrie, à condition qu’elle ne cible pas des zones où la régénération est faible et où le sol est mince. À son avis, l’industrie forestière peut très bien exercer ses activités dans les vallées.


Louis Fradette et Margaret Kraentzel sont porte-parole du Comité de protection des monts Chic-Chocs. Photo : Johanne Fournier

Menace pour la Grive de Bicknell

L’exploitation forestière a aussi un impact sur la biodiversité, principalement sur la Grive de Bicknell, une espèce d’oiseau unique en Amérique du Nord. « C’est 80 % de la population dans le monde qui vient se reproduire ici, soulève Louis Fradette. On en a trouvé au mont Valcourt et au mont de l’Ouest. Au mont Jimmy-Russell et au mont Hélène, son habitat a été détruit. »

Le porte-parole du Comité n’accuse pas particulièrement l’industrie forestière, mais plutôt le gouvernement qui alloue les autorisations de coupes, sans se soucier, à son avis, de la biodiversité et de l’impact sur ces oiseaux. « Il y a des règles incompréhensibles que l’industrie peut contourner facilement, avance M. Fradette. Il faut que ce soit clarifié. »