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9 février 2023 12 h 13

ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE pour la main d’oeuvre et coup d’oeil sur la situation  ; partie 3/3

En Gaspésie comme ailleurs, la situation des personnes à mobilité réduite par un handicap s’améliore, mais les progrès restent lents pour les principaux intéressés, les gens se déplaçant en fauteuil roulant et leur entourage. Elles et ils se butent à des édifices rarement conçus en fonction de leurs besoins d’accessibilité et à des services de transport en contraction, tout ça dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre qu’il serait possible d’atténuer avec leur participation accrue, pour peu qu’on leur faciliterait la tâche. Il s’agit aussi d’une question d’équité sociale, d’épanouissement culturel et sportif. GRAFFICI présente ici quelques angles à ce sujet.

En pleine pénurie,75 travailleurs sur la touche par manque de budget

MARIA | Pendant que les employeurs gaspésiens cherchent des candidats pour combler des postes dans toutes sortes de domaines, le Service externe de main-d’oeuvre de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine peine à accompagner les 75 candidats présentant un handicap, mais qui sont prêts à travailler tout de suite.

Ce Service externe de main-d’oeuvre (SEMO) manque tout simplement de budget pour accompagner administrativement et humainement ces candidats. Il lui faudrait idéalement deux agents de plus pour faire le lien entre les candidats et les employeurs. Ça veut notamment dire remplir la paperasse permettant aux employeurs de toucher la subvention à laquelle ils ont droit afin de compenser pour l’adaptation du personnel.

« On est sous-financé par le gouvernement. À la mi-janvier, on avait 75 personnes prêtes à travailler, mais je n’ai pas assez de monde dans mon équipe pour s’occuper de leur dossier. Services Québec est notre bailleur de fonds par le biais d’Emploi Québec. C’est le cas [le sous-financement] depuis plusieurs années. On prend des participants en charge pour lesquels on n’est pas payés. On est payé à la participation, à coût forfaitaire », explique Marie-Ève Poirier, directrice générale du SEMO de la Gaspésie et des Îles.

Ce SEMO est payé pour 410 dossiers par année et il en règle 450, l’un des rares organismes d’employabilité, sinon le seul, à dépasser ses cibles. Il répond aux besoins de travail de toute personne handicapée de 16 ans et plus présentant une ou des limites confirmées par un rapport médical. Ces limitations peuvent être physiques, intellectuelles, découlant du spectre de l’autisme ou d’un problème de santé mentale.

« La première étape : ça nous prend une attestation médicale. Elle stipule qu’un médecin a reconnu le handicap, que ce handicap est défini dans l’attestation et que la personne est apte au travail. La limitation doit être significative et persistante; parfois, elle est temporaire », précise Mme Poirier.


Marie-Ève Poirier et son équipe pourraient rapidement remettre au travail 75 personnes de plus si le SEMO avait les moyens d’embaucher deux agents de plus. Photo : Gilles Gagné

L’accompagnement des conseillers du SEMO est pluridisciplinaire. Il vise notamment à s’assurer qu’une belle routine de travail est créée pour l’employé et l’employeur. En gros, la tâche des conseillers consiste à aider les
candidats à intégrer leur emploi, mais il y a plus.

« Je manque de monde pour remplir les demandes de subvention, subvention qui permet de “rentabiliser” l’emploi de la personne, qui présente souvent une ou des limitations. Ça prend des semaines, des mois pour obtenir l’indemnisation! L’attente est telle que des employeurs vont décider d’embaucher sans attendre la subvention », explique Marie-Ève Poirier.

Son équipe de 10 personnes devrait idéalement en compter 12. « On a déposé un budget déficitaire pour ouvrir un poste temporaire de deux ans, en espérant obtenir un remboursement de déficit », dit-elle.

Comme tout le monde travaillant à l’amélioration du sort des personnes handicapées, Mme Poirier voit le portrait global de la situation.

« Le logement et le transport, ça a un impact pour nos participants. Le transport, c’est le nerf de la guerre. La RéGÎM ne va pas partout. Le transport adapté ne fonctionne pas les fins de semaine, pas les soirées. Ça complique la situation des candidats qui voudraient travailler en fonction d’horaires atypiques. Le loisir est en bas de la liste pour les gens avec un handicap, comme si ces personnes n’avaient pas le droit d’y aller. C’est pourtant bon pour la santé physique et la santé mentale. La pénurie de logement? C’est difficile en partant sans handicap d’en trouver un, alors imaginez pour une personne handicapée! », conclut-elle.

Gilles Gagné

Coup d’oeil sur la situation

PAR JEAN-PHILIPPE THIBAULT

En chiffres

Selon les données les plus récentes de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ), ce sont 16,1 % des Québécois de 15 ans ou plus qui vivent avec une incapacité, soit plus d’un million de personnes. En Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, le taux est similaire à environ 15,9 %* pour 11 660 personnes.

La définition d’incapacité englobe cependant plusieurs handicaps de différentes ampleurs, allant de la surdité aux personnes aveugles, en passant par la bipolarité, la toxicomanie, les troubles de mémoire, l’autisme ou la dépression, notamment.

Sont considérées dans l’incapacité les personnes limitées dans leurs activités quotidiennes en raison d’une condition ou d’un problème de santé à long terme, comme par exemple pour se laver, se doucher, aller faire des courses ou se rendre à un rendez-vous. Ceux qui ont une incapacité liée à la mobilité représentent 6,4 % des Québécois, soit 419 000 individus. De ce nombre, on évalue que 7 % utilisent un fauteuil roulant non motorisé, soit plus de 29 000 personnes. La projection pour la Gaspésie serait donc d’un peu plus de 300 individus en chaise roulante.

*L’OPHQ précise que ces données sont une estimation, mais qu’elles donnent une bonne idée du portrait de la situation.

De l’aide financière aux petits commerces

En date du 6 janvier 2022, pas moins de 173 programmes et mesures du gouvernement du Québec s’adressaient spécifiquement aux personnes handicapées. Des enveloppes budgétaires existent donc pour ceux qui voudraient améliorer leurs installations, mais elles demeurent souvent méconnues.

Actuellement, les bâtiments commerciaux de moins de 300 mètres carrés et les bâtiments de bureaux d’affaires de deux étages et moins – donc la majorité des établissements sur la rue de la Reine à Gaspé par exemple – ne sont pas soumis aux normes d’accessibilité pour les personnes handicapées régies par le Code de construction du Québec.

Pour inciter les propriétaires et les locataires d’établissements commerciaux à y remédier par eux-mêmes, ces derniers peuvent, par exemple, compter sur le programme Petits établissements accessibles (PEA) qui vise à améliorer l’accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite. La subvention donnée par Québec peut ainsi s’élever jusqu’à 25 000 $ afin de couvrir 90 % des dépenses d’adaptation.

Plusieurs sortes de travaux sont inclus comme l’ajout d’une rampe d’accès, d’une place de stationnement réservée, l’élargissement des portes, l’installation d’ouvre-portes électriques, un réaménagement pour permettre une aire de manoeuvre adéquate ainsi que l’accessibilité des salles de bain par l’installation d’aides techniques (comme des barres d’appui, des mains courantes, le dégagement du meuble-lavabo ou l’abaissement d’un interrupteur). L’application du PEA relève des MRC et de certaines municipalités. La Société d’habitation du Québec agit comme organisme responsable du programme.

Chez Revenu Québec, des déductions existent pour des rénovations ou des transformations favorisant l’accessibilité à un édifice. Les travaux incluent la majorité des exemples cités ci-haut.

À Emploi et Développement social Canada, le Fonds pour l’accessibilité finance des projets visant à rendre les collectivités et les milieux de travail du Canada plus accessibles. Des taux fixes peuvent notamment être octroyés pour la construction de rampes, d’ascenseurs, de portes et de toilettes accessibles.

Des organismes existent

Depuis 1987, Kéroul travaille étroitement avec le ministère du Tourisme du Québec afin que soient davantage accessibles le tourisme et la culture pour les personnes à mobilité réduite. L’organisation possède une liste de 4000 établissements certifiés dans la province. Un coup d’oeil dans leur base de données permet une recherche par région afin de savoir si un établissement a un accès partiel, total ou est complètement inaccessible. L’outil a cependant ses limites et certains commerces n’ont pas été visités depuis plusieurs années.

Plus localement, une foule d’organismes ont été mis sur pied au fil des ans dans chacune des MRC de la Gaspésie. Bonaventure, Pabos, Murdochville, Grande-Vallée, Gaspé, Sainte-Anne-des-Monts, Maria et Saint-Omer hébergent des ressources sur leur territoire. Le CISSS de la Gaspésie les regroupe sur son site Web.

 

ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE dans les infrastructures et les services municipaux; partie 1/3
ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE dans transports et les commerces ; partie 2/3