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28 juin 2017 13 h 30

DÉBOULONNER DES MYTHES

Pascal Alain

Chroniqueur

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CARLETON-SUR-MER, juin 2017 - C’est bien connu, l’histoire s’écrit par les vainqueurs ou encore dans les centres urbains, sièges des grandes universités et des chaires de recherche. Parions que s’il y avait une université en Gaspésie, il serait plus facile de redorer notre histoire et de défendre l’apport de la Gaspésie au développement socioéconomique du Québec d’aujourd’hui. En attendant, l’historien Mario Mimeault redonne à la Gaspésie ses lettres de noblesse en exposant la place significative des pêcheries gaspésiennes dans l’économie de la Nouvelle-France.

Jusqu’à il y a à peine une décennie, l’histoire officielle racontait que le moteur économique de la Nouvelle-France reposait sur le commerce de la fourrure, incarné par le célèbre triangle que forment les villes de Québec, Montréal et Trois-Rivières. Heureusement, des gens ont consacré leur vie à faire de la recherche afin de déboulonner certains mythes qui tentent de s’accrocher pour devenir vérité. L’historien de Gaspé Mario Mimeault a fortement contribué à rétablir des faits qui, aujourd’hui, permettent de  rééquilibrer l’histoire et de faire une place de choix aux régions du Québec situées loin des grands centres administratifs.

Savoir pêcher
Son plus récent ouvrage, La pêche à la morue en Nouvelle-France, publié aux éditions Septentrion, constitue en quelque sorte son héritage, soit le bilan des recherches effectuées par ce chercheur rigoureux dans le domaine des pêches au Canada au cours des dernières décennies.

Dans cette ouvrage bien documenté, Mimeault expose l’importance du commerce de la morue salée-séchée tout au long du Régime français, qui s’étend du passage du navigateur Jacques Cartier dans nos eaux, en 1534, à la Conquête de la Nouvelle-France par les Britanniques à l’automne 1760. Ce même Jacques Cartier – précédé on le sait par des pêcheurs basques, bretons et normands – à défaut de trouver des pierres précieuses, de la soie et des épices de toutes sortes, ouvre en quelque sorte les eaux gaspésiennes à la métropole française, qui saura s’enrichir par ce commerce ô combien lucratif!

Spécialiste en histoire des pêcheries au Canada, M. Mimeault fait donc ce qu’il fait de mieux. Tel un chirurgien armé de son bistouri, fin observateur, l’historien pratique avec cet ouvrage de la micro-histoire sociale. Il parvient à analyser tant les individus que les grandes entreprises qui ont marqué le monde des pêches en Nouvelle-France, en plus d’expliquer de belle façon au lecteur l’importance que revêtent les pêcheries dans la colonie ainsi que ses incidences sur la société. Pari relevé!

L’importance de la morue
Le pays ne s’est donc pas juste construit par les mythiques coureurs des bois à l’intérieur du continent. Au contraire, l’espace maritime et l’ampleur des installations de pêche dans tout le golfe montre l’intérêt de la France pour ce commerce. De plus, la course annuelle du premier arrivé premier servi quant à la possession des graves nécessaires au séchage de la fameuse morue salée-séchée vient supporter, source à l’appui, l’importance du lien économique des pêches entre la colonie et la métropole. Le tout à une époque où le poisson vient pallier la consommation de viande devant les nombreuses interdictions imposées par la religion catholique.

D’ailleurs, les Britanniques comprennent bien l’ampleur de ce commerce un peu avant la Conquête de 1760. James Wolfe, celui-là même qui dirige la prise de Québec à l’automne 1759, s’arrêtera en Gaspésie avec ses troupes un an auparavant. Il effectuera toute une razzia le long de la côte. Après s’être servi, il fait incendier par ses troupes près de 3 millions de livres de morue salée-séchée, prêtes à être envoyées, vendues et consommées en France.

Pour toutes ces raisons, l’ouvrage de Mario Mimeault et son don de déboulonner les mythes sont d’une importance capitale pour notre histoire.

NOTE SUR L’AUTEUR
Pascal Alain est né et habite à Carleton-sur-Mer. Historien de formation, il est aussi détenteur d’une maîtrise en développement régional. Oeuvrant professionnellement dans le secteur municipal, il est l’auteur de plusieurs conférences sur l’histoire et le développement régional. Il est aussi l’un des membres fondateurs du GRAFFICI.