Des mots, des notes et des images
Les automnes et les hivers de Benny Jones
GASPÉ | Plusieurs saisons ont passé depuis l’apparition du Gaspésien Benny Jones dans le paysage musical québécois. Près de quatre ans jour pour jour après la sortie de son premier opus, Parce qu’il m’arrive, celui qui habite maintenant les Îles-de-la-Madeleine a lancé vendredi son tout nouvel album, Petit album d’automne…d’hiver.
L’auteur-compositeur-interprète Benny Jones. Photo : Dominique Lebel
« Je pense que j’ai quand même maturé, si on veut, musicalement entre les deux projets », raconte-t-il à GRAFFICI, lors d’une entrevue téléphonique donnée à la veille du lancement de l’album. « On change tout le temps, veux, veux pas, parce qu’on écoute des nouvelles affaires et on explore des nouvelles choses en studio, donc, c’est de cette façon que l’album a été façonné au cours des dernières années », ajoute-t-il.
Après avoir travaillé avec le réalisateur Michel Francoeur pour son premier album, c’est avec Martin Hogan que Benny s’est entouré pour produire Petit album d’automne… d’hiver. « J’avais envie de travailler dans un autre rythme et dans mon coin. Comme ça je peux retourner chez nous à chaque fois que j’ai envie d’enregistrer », explique-t-il en référence à son enregistrement à la Vieille Usine de l’Anse-à-Beaufils. « En plus, Martin, c’est quelqu’un que je connais depuis longtemps et il m’accompagne lors de mes spectacles aussi. »
En plus du musicien-réalisateur, Benny Jones collabore avec d’autres Gaspésiens pour ce nouvel album. Kevin Parent et Marie-Ève Trudel-Vibert ont aidé à l’écriture de certaines chansons; on entend la voix de Mlou sur une autre. C’est même le frère du musicien, Jimmy-Lee Jones, qui a réalisé le dessin de la pochette de l’album.
Une étape déterminante
Né à Grande-Rivière d’un père anglophone et d’une mère francophone, le jeune Benny a appris à jouer de la guitare en écoutant la chanson La lune pleure du groupe Okoumé. « J’ai appris les accords par coeur comme ça sur le coin de mon lit, et j’ai fais ça avec plusieurs autres. J’avais de la facilité à apprendre rapidement les accords, donc c’est par cet instinct naturel que j’ai développé l’intérêt de faire mes propres chansons », partage-t-il.
Toutefois, c’est vraiment en 2019, lorsqu’il fut déclaré lauréat du prix Étoiles Stingray – un prix visant à soutenir des talents émergents – qu’il a vu la possibilité de faire de la musique un métier.
« Avant ça, mes chansons n’étaient jamais sorties de Grande- Rivière. Plusieurs de mes amis chansonniers ont grandi musicalement en faisant des covers [des reprises] dans les bars, moi j’ai pris le pari d’y jouer moins souvent, mais quand j’y allais, c’était pour y jouer mes chansons », évoque-t-il en soulignant qu’après sa victoire et une confiance renouvelée, les étapes se sont enchaînées très rapidement. « Les juges sont des professionnels de leur domaine et me faire dire que je mérite ce prix-là, c’est excessivement flatteur », ajoute-t-il.
Et la suite ?
Au cours des prochains jours, Benny Jones tentera de faire connaître son nouveau bébé au plus de gens possible. En assurant la première partie de Kevin Parent lors de différents spectacles, il retrouve la possibilité de découvrir de nouveaux publics qui ne le connaissent pas encore. « On n’arrête jamais de faire du défrichage pour se faire connaître, donc c’est toujours très flatteur lorsqu’un artiste de sa renommée nous offre son public. »
Petit album d’automne… d’hiver de Benny Jones est maintenant disponible sur toutes les plateformes numériques
Julie Côté
Résonance rayonne jusqu’en Louisiane lors du Festival Cinema on the Bayou
PERCÉ | À la fin de janvier dernier, six courts métrages gaspésiens ont voyagé jusqu’en Louisiane dans le cadre d’une collaboration entre le Festival de cinéma Les Percéides, se déroulant à Percé, ainsi que celui du Festival Cinema on the Bayou à Lafayette afin de faire rayonner la richesse du cinéma francophone en Amérique. L’une de ces oeuvres, le film artistique et introspectif Résonance, surfant entre le documentaire et la fiction, réalisé par Lucile Parry-Canet, a particulièrement impressionné le jury en remportant le prix spécial du meilleur court métrage expérimental.
Captation d’une performance artistique, ou plutôt, poème cinématographique avec une évolution des interprètes pendant le récit, ou encore, film expérimental organique où l’humain et la nature forment un tout; il est assez difficile de définir Résonance. Si le schéma narratif du film, présenté dans une structure éclatée, peut dérouter le spectateur et sembler ardu à saisir, c’est normal, car selon la cinéaste, son film dans lequel « un territoire se déplie avec trois corps, trois moments et trois environnements » reste libre à interprétation.
« C’est le rôle du spectateur de boucher les trous avec son imagination », fait valoir la cinéaste de 22 ans, originaire de la Nouvelle-Zélande et ayant vécu à Chandler pendant son adolescence.
Des questions sur l’art, l’identité et le lien entretenu avec la nature se chevauchent. Combien de temps dure un instant? Où est-ce que la mer rencontre le ciel? Quand est-ce qu’un corps touche l’espace? Les réponses demeureront en suspens. N’empêche, l’essentiel du court métrage repose sur le ressenti et l’émotion songeuse et contemplative qui en découle.
« Je vois le film comme une recherche poétique sur l’espace qui vit entre nous et sur l’ouverture sur l’autre, soit en allant au-delà de ses propres frontières et en mélangeant nos territoires intérieurs, comme si nous ne faisions qu’un avec la terre », exprime Lucile Parry-Canet, qui étudie présentement en production cinématographique à l’Université Concordia à Montréal.
Ainsi, aux sons des vagues s’échouant sur la berge enveloppant l’harmonie d’une guitare classique mystérieuse, l’interprète en danse et protagoniste du film, Annie « Inie » Deslongchamps, se tortille dans les fissures de la roche en quête de l’autre. Les celles humaines et naturelles avec la mer et le lever du soleil.
« La mise en scène évoque le concept « d’être en résonance », c’est-à-dire de rencontrer les gens, les territoires, en illustrant le risque de se salir et d’afficher sa vulnérabilité lorsqu’on s’ouvre aux autres », explique la protagoniste du film qui a adoré cette nouvelle approche dans la danse avec son partenaire de jeu insolite : la pierre.
Le film s’inspire de la performance multidisciplinaire in situ, Amphitheatrum créée par Karine LeBlanc, qui agit par ailleurs à titre de productrice du court métrage, et présenté au parc du Bourg de Pabos en Gaspésie en août 2022. Le tournage s’est déroulé pendant trois jours l’été dernier dans les environs de Percé, soit à la rivière Émeraude, dans une partie de la forêt magique au Petit Mont Sainte-Anne ainsi que dans la falaise au nom un brin comique de la Brèche-à-Manon, une brèche dans le cap entre les municipalités de Sainte-Thérèse-de- Gaspé et Grande-Rivière.
Une mission « Action Louisiane Gaspésie 2024 ! » couronnée de succès
Pour l’équipe du film, cette consécration du prix spécial du meilleur court métrage expérimental reste inattendue et remplie de fierté. Deux des membres de l’équipe, soit Karine LeBlanc, productrice et marionnettiste, ainsi qu’Annie Deslongchamps, ont voyagé jusqu’au sud profond des États-Unis pour présenter leur oeuvre, projetée en grande première mondiale, et participer à un questions-réponses avec le public suivant la projection.
« Quand nous avons finalement pris la décision d’acheter les billets d’avion, nous n’avions pas d’attente. Nous voulions simplement représenter notre film pour pouvoir l’expliquer parce qu’on étaient conscientes qu’il allait susciter beaucoup de réflexions. On ne s’attendait pas du tout à recevoir un prix, même si on sait que notre court métrage est vraiment beau », mentionne Annie Deslongchamps, également graphiste-illustratrice et danseuse
professionnelle résidant à Percé.
Au-delà de son rôle en tant qu’artiste invitée au festival Cinema on the Bayou, celle-ci a profité, en compagnie de Karine LeBlanc, de son passage dans cet état sudiste pour découvrir le patrimoine culturel et architectural riche et unique de l’endroit, surtout dans sa capitale Nouvelle-Orléans, reconnue comme étant le berceau du jazz.
« La culture cajun, l’histoire derrière les lieux, la beauté géographique avec les bayous, les alligators et les arbres mousseux, tout ça, ça frappe l’imaginaire! Je reste encore fascinée par le mélange culturel, comme les Afros-Américains, Créoles, Acadiens et Américains qui vivent là-bas », raconte l’interprète en danse de 39 ans, déçue tout de même d’avoir manqué les grandes festivités et parades du Mardi gras.
C’était la cinquième année que des oeuvres gaspésiennes pouvaient être visionnées par les Louisianais. Cet échange cinématographique s’inscrit dans une volonté du Festival international de cinéma Les Percéides ainsi que celui de Cinema on the Bayou, autrement la plus grande vitrine du cinéma de la francophonie aux États-Unis, de créer un projet d’échanges artistiques entre les deux régions. Ultimement, cette collaboration pourrait permettre à des cinéastes de la Louisiane de venir à Percé pour créer des films avec un réalisateur gaspésien et vice-versa.
Il s’agissait par ailleurs de la deuxième année consécutive que Lucile Parry-Canet présentait l’une de ses oeuvres au festival louisianais. L’année dernière, c’était le court métrage expérimental contemplatif Unempty Space qui a conquis les cinéphiles américains, un film mettant en scène les paysages grandioses de Percé afin d’exprimer comment la sensibilité des lieux comble le vide intérieur d’une personne. Avec ses films, la réalisatrice manifeste un désir fort d’émerveiller avec une mise en scène expérimentale poétique, souvent onirique et contemplative, tout en touchant les spectateurs avec un message puissant rempli d’humanisme et d’écologie.
*À noter que Guillaume Whalen est également directeur de la programmation des Percéides
Guillaume Whalen