Des mots, des notes et des images – Programmation estivale collective
Un souffle collectif sur la scène culturelle estivale en Haute-Gaspésie
SAINTE-ANNE-DES-MONTS | Pour combattre les fortes difficultés auxquelles fait face l’écosystème culturel québécois, quatre piliers de la vie artistique en Haute-Gaspésie, FURIES, le Sea Shack, La Pointe Sec et Fauve Mauve, ont uni leurs forces pour présenter leur programmation estivale, une première ayant marqué les esprits.
Selon eux, cette union demeure nécessaire pour mettre en valeur la forte effervescence artistique de la région. Les quatre programmations combinées proposent plus de 100 spectacles et rassemblent plus de 350 artistes d’ici et d’ailleurs. Musique, danse, cabaret, performance : la saison 2025 s’annonce dense et variée.
Pour Alexis Poirier, copropriétaire du Sea Shack et directeur général de Choc Événements — qui pilote aussi le troisième festival Fauve Mauve — cette démarche conjointe est à la fois stratégique et organique. « En se ralliant, on démontre qu’on est là bien vivants, et surtout qu’on est enracinés dans notre milieu. À la base, on a chacun une programmation indépendante, mais en les lançant ensemble, on augmente notre portée et notre visibilité », s’exclame-t-il.
D’autant plus, qu’au-delà de ce coup de publicité puissant, ce lancement conjoint a permis de braquer les projecteurs sur les lieux eux-mêmes et leurs identités propres, plutôt que de mettre de l’avant les têtes d’affiche susceptibles de vendre beaucoup de billets, remarque Yanik Element, directeur artistique de La Pointe Sec à Saint-Maxime-du-Mont- Louis. L’organisation mise d’ailleurs beaucoup sur le lieu unique, niché entre les montagnes et le fleuve, avec une salle de spectacles à échelle humaine « chaleureusement gaspésienne », dans laquelle les échanges et les rencontres élèvent l’expérience artistique.
Pourtant, il ne s’agit pas d’une pratique courante dans le monde culturel, affirme celui qui se donne pour mission de représenter le mieux possible la mosaïque culturelle du Québec dans toute sa diversité. « Les salles travaillent plutôt en vase clos, chacune de leur côté en compétition. Pour nous, non! On a constaté que nous avions tous des superbes programmations, on se connaît tous, alors on se voit surtout comme des ‘‘coopétiteurs ». En plus, on reste assez complémentaires les uns des autres », exprime-t-il.
Tous les membres des quatre organismes culturels lors du lancement collectif, soit La Pointe Sec, le Sea Shack, le Festival de danse contemporaine FURIES ainsi que le Festival Fauve Mauve. Photo : Moïse Marcoux-Chabot
Un milieu culturel en difficulté
Il faut souligner toutefois que cet élan ne masque pas les défis structurels que vivent les organismes culturels régionaux naviguant dans une réalité socioéconomique préoccupante. Comme ailleurs au Québec, les coûts de production ont explosé, jusqu’à 30 % dans certains cas en raison de l’inflation et de la pénurie de main-d’oeuvre, tandis que les subventions stagnent. « Même avec des salles pleines, ce n’est pas gagné », lance Yanik Élément, également administrateur au sein des SMAC (Salles de musique alternatives du Québec). « Ce qu’on reçoit du gouvernement n’a pas suivi la courbe des dépenses. Juste faire venir un groupe de Montréal nous coûte beaucoup plus cher qu’il y a cinq ans, que ce soit pour le transport ou les cachets par exemple », illustre-t-il en qualifiant ce manque de fonds comme d’un « définancement » idéologique de la part du gouvernement.
C’est un constat que partage Céline Breton, directrice générale de Culture Gaspésie, mentionnant qu’à peine 1 % du budget du gouvernement québécois est consacré à la culture. « Pourtant, la culture est un moteur économique et touristique à part entière. Elle génère de l’emploi, attire du monde, nourrit la fierté d’appartenance. Mais on continue à la traiter comme un luxe, alors qu’elle agit comme un levier », se désole-telle. Rappelons qu’en Gaspésie, la culture créait près de 1600 emplois en 2019, soit tout autant que les domaines des pêches ou de la foresterie, selon le Portrait de la culture en Gaspésie et de ses retombées, réalisé en 2022. « C’est le secteur le plus rentable dans lequel il faut investir parce que chaque dollar investi en rapporte deux », soutient Céline Breton.
Ce traitement inégal frappe particulièrement fort dans les régions comme la Haute-Gaspésie, qui reste jusqu’à aujourd’hui la MRC la plus dévitalisée de toute la province. « On le voit que la culture peut transformer des villages comme l’a fait le Festival de danse contemporaine FURIES, à Marsoui. C’est incroyable de voir un tel festival international dans un tout petit village de 300 habitants », observe-t-elle. Par ailleurs, Priscilla Guy, co-directrice artistique de FURIES, s’est donné le défi cet hiver de transformer le bâtiment désuet de l’église de l’Immaculée-Conception, situé au coeur du village, en un lieu culturel au coeur de la communauté, preuve de la vitalité amenée par la culture.
Une centaine de participants ont assisté au lancement collectif le 17 avril à Marsoui. Photo : Moïse Marcoux-Chabot
Un été qui pourrait réserver d’heureuses surprises
Le succès du lancement commun laisse entrevoir une suite prometteuse particulièrement achalandée, voire plus que les précédentes années, estiment de façon optimiste Yanik Element et Alexis Poirier. En raison des tarifs douaniers imposés par l’administration Trump à l’encontre de l’économie canadienne, plusieurs Québécois songent à modifier leurs plans de vacances. « Contrairement aux étés pandémiques, où les gens restaient ici par obligation, on sent que cette fois-ci, ils font le choix conscient de rester au Québec pour y dépenser leur argent », observe le fondateur du Sea Shack.
Pour une première expérience de lancement collectif, une telle initiative sera certainement renouvelée l’année prochaine, assurent-ils, heureux du pouvoir attractif qu’une effervescence de ce type donne à la MRC susceptible d’attirer des nouveaux arrivants curieux de découvrir une région vibrante.
Toutes les programmations estivales sont accessibles facilement sur les sites Web de ces quatre organismes culturels. Les spectacles et les festivités au Sea Shack s’échelonnent du 31 mai au 20 septembre, avec le « Shot Down Party », tandis que pour La Pointe Sec, ce sera du 23 mai jusqu’au 31 octobre avec le groupe Bon Enfant en clôture. Pour sa part, le Festival Fauve Mauve se déroulera du 11 au 13 juillet, puis pour le Festival de danse contemporaine FURIES, ce sera du 24 au 27 juillet.
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