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18 décembre 2014 10 h 54

Hausse de la chlamydia et d’autres ITSS

GASPÉ – Les infections transmises par le sexe et par le sang (ITSS) reprennent du terrain en Gaspésie, alors que les comportements à risque sont encore trop fréquents. Dans la région, on tente de juguler cette « épidémie silencieuse » grâce à une sensibilisation accrue des hommes et à la campagne « Je passe le test ».

Entre 2001 et 2013, le nombre de cas déclarés de chlamydia a bondi de 88 à 134 en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, une hausse de 52 %. En 2012, un pic de 177 cas a même été atteint. La gonorrhée, qui semblait avoir disparu au début des années 2000, est de retour avec sept cas en 2013. Il s’agit de la pointe de l’iceberg, puisque bien des porteurs d’ITSS, souvent sans symptômes, ne sont pas dépistés.

Les jeunes de 15 à 24 sont plus vulnérables aux ITSS (le nouveau nom des MTS). En 2013, 73 % des cas déclarés de chlamydia l’étaient dans ce groupe d’âge. Les conséquences sont sérieuses : une chlamydia non traitée peut mener à l’infertilité chez la femme.

Qu’en pensent les principaux intéressés? Dans la cafétéria du campus de Gaspé, un groupe de cégépiens finit de manger, entre deux examens. « En hausse ou en baisse, les ITSS? », leur demande la journaliste de GRAFFICI. « Je dirais que c’est en baisse, puisqu’on est de plus en plus informés », répond la plus loquace, une étudiante en soins infirmiers.
Les jeunes sont-ils préoccupés par les ITSS? « Pas tant que ça. Probablement parce qu’on sait qu’il y a tellement d’options pour régler ça, que ça se traite », estime la jeune fille.

L’éducation à la sexualité reçue en 5e secondaire, ou en tout cas l‘impression qu’elle a laissée à ces jeunes de 17 et 18 ans, est variable. L’un des étudiants dit avoir bénéficié de « plusieurs ateliers » l’année précédente. Sa voisine de table a vécu « un atelier avec l’infirmière ». Une autre a vu passer « des dépliants, mais ce n’est pas tout le monde qui les lisait. »

Si ces cégépiens parlent sans complexes d’ITSS, ce n’est pas le cas de tous les ados de 11 à 18 ans que côtoie Jason Giroux, travailleur de milieu à Caplan, New Richmond et Saint-Elzéar. Les ITSS sont « encore un sujet tabou », note-t-il. « Ils en parlent un peu, mais pas ouvertement. Ils sont beaucoup plus ouverts à parler de toxicomanie, d’anxiété ou d’intimidation. »

De la pensée magique

« À l’adolescence, il y a beaucoup de pensée magique, observe Isabelle Caissy, infirmière en milieu scolaire dans Avignon Ouest. Ils se disent : il y a ça ailleurs, en ville, mais pas en Gaspésie. Certains ne se protègent jamais, d’autres toujours, mais ils sont portés à arrêter quand la relation dure depuis quelques mois. »

Selon une autre infirmière jeunesse, Isabelle Migneault, présente à l’école secondaire de Bonaventure, les filles sont plus faciles à sensibiliser. « Elles viennent à la clinique jeunesse pour de la contraception et on en profite pour leur parler d’ITSS. »

La sexualité à l’école, « on en parle, mais pas assez, juge Mme Migneault. Il n’y a plus de Formation personnelle et sociale [FPS – le cours chargé de l’éducation à la sexualité jusqu’en 2004]. C’est aux parents d’abord, puis à l’école d’en parler, mais les enseignants ont déjà tellement de choses à aborder dans leur matière… »

Pendant deux ans, de 2012 à 2014, une enseignante a offert un cours optionnel de biologie de la sexualité aux élèves de 4e et 5e secondaire, indique Mme Migneault. Les participants devaient monter un kiosque d’information destiné à leurs pairs. « De l’info pour les jeunes et par les jeunes, c’était gagnant. [Pendant cette période], les jeunes venaient plus souvent consulter à mon bureau ou à la clinique jeunesse. » L’initiative a dû être abandonnée. « La commission scolaire nous a dit que ça prenait un programme monté, quelque chose d’uniforme », explique Mme Migneault.

L’alcool et la drogue dans le cocktail

La prévalence des ITSS chez les 15-24 ans s’explique par plusieurs facteurs, estime Marie-Claude Tremblay, sexologue et responsable du dossier sexualité saine et responsable/ITSS à la Direction régionale de santé publique. « Quand les jeunes ont leurs premières relations sexuelles, ils sont souvent sous l’effet de drogues ou d’alcool. Même s’ils sont sensibilisés, ils ne mettront pas le condom. »

La banalisation du sida depuis l’apparition d’une thérapie entraîne un certain relâchement du port du condom, croit Mme Tremblay. « Il y avait aussi beaucoup de budget de prévention dans les années 80, ajoute-t-elle. Le fait que le gouvernement ait mis moins d’argent par après, ça a eu un effet. »

La sexologue s’inscrit en faux contre l’idée que la fin des cours de FPS est responsable du mauvais bilan en matière d’ITSS. « Je ne dis pas que c’est parfait. Dans certaines écoles, les enseignants sont moins à l’aise d’en parler, mais toutes les écoles ont une planification plancher. On a même été la première région au Québec à avoir une sexologue [Mme Tremblay] pour s’occuper d’éducation à la sexualité. »

Pas juste les jeunes…

L’infirmière Christiane Gagnon travaille en dépistage et prévention des ITSS au CLSC de Paspébiac. Les adultes ne sont pas tous plus avisés que les jeunes, observe-t-elle. « Avec les couples qui se font et se défont, il y a des adultes qui ne se protègent pas nécessairement. Les nouveaux couples vont utiliser le condom pendant les deux ou trois premiers mois, puis ils vont arrêter, mais ne passeront pas nécessairement les tests. »

Au plan canadien, des chiffres démontrer que les ITSS sont « en grande progression » chez les baby-boomers, indique Danielle Haché, de la Direction régionale de santé publique. Ils ont été jeunes dans les années 70, alors que le condom ne faisait pas partie de la culture, explique-t-elle. Cette génération vit un taux de divorce élevé, notamment vers l’âge de la retraite. « On se retrouve avec beaucoup d’agents libres qui n’ont pas le réflexe de se protéger ou de penser que la personne devant eux pourrait être porteuse d’une ITSS », explique Mme Haché.

Des infirmières comme Mme Poirier sont dorénavant postées dans chaque CLSC de la Gaspésie. Elles sont chargées de sensibiliser les groupes à risque et de faire passer des tests de dépistage. « Tout se fait de manière confidentielle, souligne Mme Poirier. On peut même prévoir un lieu de rencontre à l’extérieur du CLSC. »

Solutions : les garçons de plus en plus visés

Ces deux dernières années, les travailleurs de la santé ont fait « un effort particulier pour aller chercher les gars là où ils sont, car ils sont moins portés à aller consulter », indique Marie-Claude Tremblay.

La campagne « Je passe le test » entame sa deuxième année en offrant du dépistage hors des établissements de santé, et notamment là où se trouvent les jeunes hommes. Les futurs monteurs de ligne inscrits en formation professionnelle à Sainte-Anne-des-Monts et les étudiants en soudure à Gaspé ont, entre autres, été visités, illustre Mme Tremblay.
Le matériel utilisé par les infirmières actives dans les écoles a aussi été repensé pour mettre davantage en scène des garçons.

Par ailleurs, en Gaspésie, des distributrices de condoms à 50 ¢ sont dorénavant en place dans tous les lieux de formation (écoles secondaires, éducation aux adultes et campus de cégeps).

Les hommes gais et les utilisateurs de drogues plus à risque

Les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes sont plus vulnérables aux ITSS, notamment à cause de l’homophobie, indique Danielle Haché. « Un climat de cachette prédispose à avoir des relations à la sauvette, ou rend les gens mal à l’aise de parler de leur orientation sexuelle aux intervenants. » Un réseau « d’alliés » des LGBT est maintenant en place dans le système de santé et les infirmières en prévention et dépistage des ITSS en font toutes partie, note Mme Haché.

Quant aux utilisateurs de drogues injectables, susceptibles de contracter l’hépatite C, ils ont accès à des trousses d’injection sécuritaire dans toutes les pharmacies et les établissements de santé de la région. « Ces kits sont gratuits et les personnes qui les demandent n’ont pas à se justifier », souligne Mme Haché.

Le site web de l’Agence rassemble les ressources disponibles en information et en dépistage.