La Gaspésie entre en scène avec un bureau régional du cinéma et de la télévision
GESGAPEGIAG | Avec le tournage au début de juin de Bon Cop, Bad Cop, la plus importante série télévisuelle francophone bientôt diffusée sur la plateforme Crave, et l’ouverture attendue à la mi-juillet du Bureau du cinéma et de la télévision en Gaspésie (BCTG), un nouveau souffle pour le 7e art déferle sur la péninsule. Loin d’être un simple effet de mode, ces événements marquent une étape majeure dans la professionnalisation de l’industrie audiovisuelle gaspésienne.
Pour Mathieu Lapointe, préfet de la MRC Avignon et l’un des instigateurs du projet, c’est la première fois qu’une structure permanente voit le jour en Gaspésie pour accueillir, accompagner et stimuler les tournages sur l’ensemble de la péninsule. La région emboîte ainsi le pas à d’autres qui ont déjà leur propre structure spécialisée, telles que les Laurentides, l’Estrie ou le Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Avant même son coup d’envoi, le BCTG a su prouver sa pertinence en facilitant la venue d’une production d’envergure nationale, soit la série Bon Cop, Bad Cop, adaptation télévisuelle des célèbres films d’action québécois, dont le premier avait fracassé des records au box-office canadien, longtemps indétrôné avec plus de 12,2 millions de dollars en recettes. L’équipe de tournage a posé ses caméras dans la communauté autochtone de Gesgapegiag. Rappelons que la dernière grande série télévisée d’envergure à avoir jeté son dévolu sur la Gaspésie reste L’Ombre de l’épervier il y a plus de 25 ans.
Le préfet de la MRC Avignon, Mathieu Lapointe. Photo : Gilles Gagné
D’importantes retombées et des vedettes dans la Baie-des-Chaleurs
Le tournage de 10 jours a mobilisé plus de 85 membres de l’équipe venus de l’extérieur, en plus de 80 figurants recrutés dans la communauté mi’gmaq. L’impact économique est loin d’être négligeable avec des retombées de plusieurs centaines de milliers de dollars, dont 160 000 $ uniquement en hébergement. Les restaurants, les fournisseurs d’équipement et les services logistiques de la région ont aussi profité de la présence de la production, bien qu’il soit encore trop tôt pour que le BCTG se prononce quant aux valeurs réelles de ces retombées.
« On a ressenti une belle fierté dans la communauté. C’est impressionnant de constater l’ampleur du travail et le nombre de personnes sur le lieu de tournage. Ce sera super intéressant de voir les images de Gesgapegiag à l’écran. On s’attend à ce que ce soit largement regardé et que ces images voyagent partout au pays et peut-être ailleurs », mentionne Mathieu Lapointe.
Sans trop en révéler sur l’intrigue – le producteur Bell Media se montre très avare de détails jusqu’à ce que la série soit diffusée au printemps prochain – on sait déjà que Patrick Huard, en plus d’être réalisateur, producteur, scénariste et directeur artistique, reprend son rôle culte de l’enquêteur arrogant, mais attachant, de David Bouchard, et qu’Anik Jean, qui signe la trame sonore, réalise également certains épisodes. Un acteur connu ayant joué dans la saga Mission Impossible (non, ce n’est pas Tom Cruise) figure aussi dans les scènes tournées en Gaspésie.
Anik Jean signe la trame sonore de la série Bon Cop, Bad Cop et réalise également certains épisodes. Photo : Offerte par Guillaume Whalen
Professionnaliser la relève régionale
Pour François Bujold, directeur général de la MRC de Bonaventure et cofondateur du Bureau, cette première expérience régionale a confirmé le potentiel du territoire : « Bon cop, bad cop est venu certifier qu’il y avait bel et bien énormément de talent chez nous avec des gens déjà professionnels. L’équipe de production a tellement aimé nos techniciens qu’elle aurait aimé les amener avec elle pour poursuivre le tournage ailleurs », s’exclame-t-il.
Mais un frein persiste, se désole-t-il. « Malheureusement, la chose n’était pas possible, car plusieurs de ceux-ci ne sont pas membres de l’AQTIS [l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son]. » Ce constat justifie par ailleurs l’une des premières initiatives du Bureau en proposant des formations AQTIS 101 sur le territoire, afin que les artisans gaspésiens puissent se qualifier et oeuvrer sur toutes les productions professionnelles à venir ici et même ailleurs au Québec.
En parallèle des formations AQTIS, le Bureau contribue au financement d’une formation de haut niveau en direction photo avec Yves Bélanger, ayant travaillé avec Clint Eastwood, Xavier Dolan et Jean-Marc Vallée. Cette formation sera offerte en septembre à Percé, en partenariat avec le Festival Les Percéides.
De plus, le BCTG développe un catalogue visuel en ligne de lieux de tournage gaspésiens. « On ne recherche pas seulement des paysages habituels bien connus des touristes et des locaux. On souhaite aussi faire découvrir des lieux insoupçonnés pouvant créer l’illusion d’être sur Mars, ou encore pouvant servir à des films d’époque », précise François Bujold.
L’équipe de tournage de la série Bon Cop, Bad Cop a posé ses caméras dans la communauté autochtone de Gesgapegiag. Photo : Offerte par Guillaume Whalen
Une structure née d’un rêve collectif
L’idée d’un tel bureau a émergé dès 2012 lors des États généraux sur le cinéma en Gaspésie, organisés par le Festival international de cinéma et d’art Les Percéides. Il aura fallu plus d’une décennie pour concrétiser cette vision lorsque la MRC Avignon a porté le projet avec l’intention d’en faire un pilier de sa stratégie de développement sous la bannière « Avignon, milieu créatif! ».
« On a réalisé que nous avions beaucoup de créateurs sur le territoire de la MRC, avec un gros bassin d’entrepreneurs et de techniciens qui gravitent autour de la production audiovisuelle. On s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire pour accompagner ces personnes-là », raconte Mathieu Lapointe.
Rapidement, la MRC de Bonaventure s’est jointe à l’initiative. Aujourd’hui, l’ensemble des MRC de la Gaspésie y sont représentées, avec des personnes-ressources sur chaque territoire servant d’intermédiaire entre les producteurs de l’extérieur et les habitants locaux. « Nos talents sont dispersés et ne sont pas mis de l’avant, c’est pourquoi c’est un projet régional. Actuellement, la MRC Avignon appuie le démarrage du projet, mais l’objectif est que toutes les MRC bénéficient des retombées », précise François Bujold.
Le lancement officiel du Bureau, d’abord prévu pour l’automne 2024, puis pour juin dernier, aura finalement lieu à la mi-juillet. Pour sa première année, le BCTG évoluera avec un budget de fonctionnement d’environ 150 000 $.
* À noter que Guillaume Whalen est le directeur de la programmation du Festival Les Percéides