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7 février 2024 14 h 50

Les enfants jouent-ils moins dehors qu’avant?

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« Vous jouerez dehors comme les enfants du nord »
– Francis Cabrel

MARIA | La scène était assez frappante… Il y a quelques années, près de chez moi, des enfants jouaient dehors et l’un d’eux avait une passoire à spaghetti sur la tête et une épée en bois! Je me serais cru à une autre époque, celle où il était commun de voir beaucoup d’enfants s’adonner simplement, avec les moyens du bord, à une multitude de jeux à l’extérieur, en toutes saisons!

Dans ma jeunesse, c’est-à-dire au cours des années 60 et 70 (bon, encore la nostalgie du passé!), dans mon voisinage, il y avait une cinquantaine d’enfants. C’était non négociable : le soir après le souper, nos parents nous poussaient littéralement dehors pour aller jouer, beau temps, mauvais temps, alors qu’eux s’affairaient aux besognes de la maison. Les plus vieux prenaient soin des plus jeunes; il y avait des rassemblements ici et là, des jeux improvisés, des rires et des pleurs, mais surtout, du plaisir à jouer dehors.

Même si plusieurs ont l’impression que non, peut-on affirmer que les enfants jouent moins dehors qu’avant?

Sans trop s’y attarder, puisque c’est assez évident, il est quand même utile de se rappeler les nombreux bénéfices qu’apportent aux enfants les jeux à l’extérieur. Au-delà de la dépense d’énergie, l’enfant qui s’adonne à toutes sortes d’activités individuelles et de groupe améliore, entre autres, sa condition physique générale, ses habiletés motrices, sa sociabilisation et parfois même son estime et sa confiance. Et, il n’est nullement nécessaire que toutes les activités soient organisées et structurées. Au contraire, le jeu libre peut permettre l’atteinte de tous ces bienfaits.


Cinq principales raisons font en sorte que les enfants jouent moins dehors qu’avant. Notre chroniqueur les décortique. Photo : Alain Boudreau

Cela dit, est-ce que les enfants jouent moins dehors qu’avant? La réponse est oui car le sujet est documenté. Toutefois, il serait trop facile de ne blâmer que les enfants. Nous avons un grand rôle à jouer comme parents, enseignants et intervenants auprès de ceux-ci et c’est un problème pour lequel il existe plusieurs solutions.

Mais au fond, quelles sont les raisons qui font que les enfants jouent moins dehors qu’avant? Il est intéressant de voir ce que la littérature dit à ce sujet et mon attention s’est arrêtée sur Vifa Magazine (1) qui en identifie cinq principales.

1. L’obsession de la sécurité

On entend souvent l’expression « les jeunes d’aujourd’hui sont élevés dans la ouate ». Les tenants de cette maxime populaire n’ont pas tout à fait tort. Trop de parents sont obsédés par l’idée que leurs enfants puissent se blesser en jouant à l’extérieur. Ils voient des dangers partout en tout temps. Il est clair que le danger n’est jamais nul, surtout si les enfants sont laissés à eux-mêmes, mais tout compte fait, il y a fort à parier que les avantages soient plus importants que les inconvénients. C’est une question d’organisation et de jugement.

2. Le manque de modèles

Les enfants fonctionnent beaucoup avec des modèles positifs. Si leurs parents démontrent du plaisir à jouer dehors, ils se sentiront inspirés et seront tentés de les imiter. La même chose pour les éducateurs et les intervenants auprès des jeunes; si dans le cadre de leurs fonctions, ils privilégient le jeu à l’extérieur, ils courent la chance assurément de leur transmettre une valeur qui pourrait les suivre toute leur vie.

3. Le manque de temps

En voilà une raison qui a le dos large! Le travail et les obligations familiales, quand ce ne sont pas les nombreuses occupations des enfants elles-mêmes, donnent l’impression à bien des parents qu’il ne reste plus de temps pour aller jouer dehors. Mais comme on dit, tout est une question de priorité… Pourquoi ne pas réaliser en famille un exercice de révision des horaires pour faire une place aux jeux extérieurs, ne serait-ce que 30 minutes par jour? Aussi, lorsque c’est possible, pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups, comme se rendre à pied au marché d’alimentation, rendre visite à un parent ou jouer avec le voisinage dans la ruelle? À ce propos, dans une cause opposant deux voisins, un juge a récemment rappelé le droit pour les enfants de jouer dans la rue(2)!

4. Le manque d’espace

Ce n’est pas un réel problème en région, mais en ville, il arrive que les enfants jouent moins dehors à cause d’un manque d’accès à des espaces extérieurs. Néanmoins, il est important que les enfants puissent avoir accès à des espaces à proximité, en commençant par leurs arrière-cours. De même, ils seront tentés de jouer dehors si des aménagements adéquats leurs sont offerts. C’est là que nos institutions entrent en jeu (!) et ont le devoir de mettre à leur disposition des terrains, des équipements et des parcs de jeux invitants, sécuritaires et bien entretenus.

5. Le temps passé devant les écrans

Le temps passé par les enfants devant les écrans de toutes sortes est considéré comme un mal moderne, mais c’est une réalité très inquiétante. Une partie de ce temps est justifiée pour les apprentissages, les recherches académiques et autres utilités, mais là où le bât blesse, c’est que des enfants passent deux, trois et même quatre fois plus de temps que la limite recommandée par jour, qui est de moins d’une heure pour les 2 à 5 ans et d’environ 2 heures pour les 6 à 12 ans(3). Ils en font ainsi leur principale activité de loisir… Cette « dépendance » n’est pas sans conséquence sur la santé et les parents doivent y voir en engageant une discussion avec leur progéniture, de façon à réduire le temps d’écran et envisager d’autres alternatives comme les activités physiques extérieures. La tâche pour amener les enfants à se « déconnecter » n’est pas simple, mais l’enjeu est important.

Voilà, la balle est dans votre camp ! À vous de faire votre part pour que vos enfants sortent dehors. Laissez-les s’adonner à des jeux libres et ainsi susciter leur créativité. Cessez de les organiser, les structurer, les contrôler et toujours les placer dans des conditions idéales. Évitez de les surprotéger, tout en demeurant vigilants. Soyez inspirants pour eux. Faites en sorte qu’ils gardent toute leur vie le goût de sortir et de bouger. « Jouer dehors devrait être perçu comme une récompense et non une punition. »(3)

D’ailleurs, la relâche scolaire s’en vient, une occasion idéale pour aller jouer dehors! Qui sait, peut-être que tout d’un coup vous en retireriez autant, sinon plus de bien qu’eux! Fouillez dans les programmes de loisirs pour trouver toutes sortes d’occasions pour jouer dehors (sentiers récréatifs, patinoires extérieures, parcs, évènements, etc.) et des occasions bien souvent gratuites!

Des REER, c’est bon pour votre retraite. Des REEE, c’est bon pour les études de vos enfants. En plus, si dorénavant, vous pensiez à investir davantage dans un RNEJEE (Régime Non Enregistré de Jeux à l’Extérieur avec les Enfants), ce serait peut-être le meilleur investissement de votre vie!

Bonne sortie en famille!
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1. vifamagazine.ca.
2. Journal La Presse, 8 mars 2023.
3. Santé Québec, Utilisation équilibrée des écrans chez les jeunes.