Les maisons d’hébergement à couteaux tirés avec Québec
Le ton monte entre la direction de certaines maisons d’hébergement en santé mentale de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine et le gouvernement du Québec.
Trois des cinq maisons de ce type ont fermé ou fermeront leurs portes pour des périodes prolongées au cours des prochaines semaines afin d’abaisser leur déficit accumulé.
L’Accalmie, de Pointe-à-la-Croix, a fermé ses portes le 28 avril pour quatre mois, afin de retrancher 63 000 $ à son déficit accumulé de 150 000 $.
Au cours des prochaines semaines, les maisons Émilie-Gamelin de Chandler et Sentier de l’espoir de Sainte-Anne-des-Monts l’imiteront, parce que leur budget est également insuffisant pour rester ouvert à longueur d’année sans faire de déficit.
Ces décisions, particulièrement celle touchant l’Accalmie, indisposent le député libéral de Bonaventure, Damien Arsenault, et le ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc, également ministre responsable de la région, qui croient que les maisons d’hébergement devraient rester ouvertes à longueur d’année, quitte à refiler le surplus de travail au réseau de la santé.
Dominique Bouchard, directrice de l’Accalmie, signale que l’établissement a hébergé 216 personnes pendant une période moyenne de 11 jours par homme ou femme en détresse. Ces 2 400 nuitées, à quelques données près, traduisent un taux d’occupation dépassant 80 %. Ces gens y viennent pour divers troubles mentaux, pour régler des problèmes d’alcool ou de toxicomanie. Leur statut social, qu’ils soient itinérants ou professionnels, n’a aucune importance.
Elle conteste la façon qu’ont MM. Arsenault et Bolduc de vouloir fragmenter le travail de l’Accalmie, une portion pour cet organisme communautaire et une autre pour le réseau de la santé. Elle dit du même souffle que l’Accalmie fonctionne avec un budget très serré. Elle redoute enfin l’impact que pourrait avoir une fermeture prolongée sur son personnel.
«Ça prend de l’expertise. Ces compétences, on les reconnaît en versant un salaire, qui n’est pas le plus haut du monde. Le salaire amène la stabilité. Des gens travaillent ici depuis 15 ans (…) Ça rassure les clients», précise-t-elle. L’Accalmie emploie 11 personnes, sept à temps complet et quatre à temps partiel.
Dominique Bouchard et les directions des autres maisons d’hébergement en santé mentale essaient depuis des mois de convaincre le député Arsenault et le ministre Bolduc d’accorder 1,5 million$ par an de plus aux cinq établissements de la Gaspésie et des Îles. En gros, ça prendrait 300 000 $ de plus par maison.
L’Accalmie fonctionne avec un budget annuel de 371 000 $. Il faudrait au moins 170 000 $ de plus pour maintenir des services sur une base annuelle. Même en fermant du 28 avril jusqu’à la fin de septembre, l’Accalmie restera avec une dette de 87 000$ à résorber.
«Il va falloir prévoir une autre période de fermeture», prévient Mme Bouchard en pensant à 2013.
Lors d’une visite à Carleton le 9 mars, le ministre Bolduc disait que l’Accalmie disposait de «bons montants» et qu’il faisait confiance à l’Agence régionale de la santé pour trouver une solution, à laquelle il entendait participer en rencontrant la direction de l’établissement de Pointe-à-la-Croix. Cette rencontre a tourné à l’impasse.
Le 30 avril, le député Arsenault a dit trouver «dur à comprendre» que le manque de financement justifie une fermeture prolongée de l’Accalmie, ou une fermeture tout court.
«Si vous avez 300 000 $, offrez des services toute l’année avec cette somme. Pour la balance, le ministère va trouver des alternatives», a-t-il indiqué.
Le député de Bonaventure concède que «le même service, des études ont été faites là-dessus, coûte plus cher dans le réseau [de la santé]». Il affirme toutefois qu’un service hospitalier, comme l’urgence, peut accueillir le double de clientèle sans que ça coûte nécessairement plus cher.
«J’aimerais mieux une solution travaillée avec l’Agence de santé», a-t-il conclu.
Mme Bouchard met en doute la possibilité pour le ministère de la Santé d’absorber la clientèle de l’Accalmie sans coup férir monétairement. Elle souligne qu’il y a quelques années, «une étude révélait qu’un service comme le nôtre coûtait 150$ pour 24 heures [par personne], alors qu’il coûtait 700$ à l’hôpital. Où est l’économie?».