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7 février 2024 15 h 10

Maurice Quesnel a propulsé la Chambre de commerce de la Baie-des-Chaleurs à un seuil insoupçonné

Gilles Gagné

Journaliste

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BONAVENTURE | Le 15 janvier, la Chambre de commerce de la Baie-des-Chaleurs annonçait le départ à la retraite de Maurice Quesnel, en raison d’ennuis de santé découlant d’une COVID longue aggravée par une bactérie affectant doublement ses poumons. M. Quesnel avait contracté la COVID-19 en janvier 2022 et il avait réussi à travailler à intervalles réguliers jusqu’en septembre 2023, moment où la seconde infection l’a frappé.

Le sexagénaire aura passé 15 ans à faire croître le rayonnement de « son » organisme, notamment par le biais de regroupements unissant des chambres de commerce ou d’autres regroupements vivotant plus ou moins, lors de son arrivée en Gaspésie en août 2008.

Cette arrivée était le fruit d’un hasard à peu près total, puisque M. Quesnel n’avait mis les pieds qu’une fois en Gaspésie avant cette date, alors qu’il avait aidé une amie à déménager à Percé.

« Je venais de laisser la Chambre de commerce de Sherbrooke. J’avais assisté à un congrès de la Fédération des chambres de commerce aux Îles-de-la-Madeleine. J’étais revenu en voiture, en passant par la Péninsule acadienne. J’étais allé à Pointe-à-la-Croix et j’avais regardé ce qui se passe en Gaspésie. Il y avait un poste ouvert à la Chambre de commerce de Bonaventure. J’ai vu le poste. J’avais déjà travaillé pour trois chambres de commerce. J’ai postulé », explique-t-il.

« J’étais venu en train pour l’entrevue. C’est vraiment le plus beau moyen de voyager. Quoiqu’il en soit, je passe l’entrevue le jeudi et je reçois l’appel le lundi. On m’a dit : “C’est toi qui a été choisi”. Ça signifiait une baisse de salaire, mais le challenge m’attirait », raconte Maurice Quesnel.


Maurice Quesnel a toujours eu le souci d’assurer le maillage entre le milieu d’affaires et le reste de la société. Photo : Offerte par la Chambre de commerce de la Baie-des-Chaleurs

Place aux regroupements

Il revient en Gaspésie quelques jours plus tard pour s’attaquer, le 18 août 2008, à un défi dont il ne devinait pas l’ampleur. Il faut dire que la Chambre de commerce de Bonaventure couvrait alors le territoire englobant simplement la ville de Bonaventure et les villages de Saint-Siméon et Saint-Elzéar.

« En arrivant au bureau, j’ai regardé les livres comptables. Le revenu officiel de la Chambre de commerce, l’année avant que j’arrive, était de 11 546 $! La députée de l’époque, Nathalie Normandeau, avait donné 20 000 $ pour aider l’organisme pendant deux ans. Quand on avait besoin d’embaucher, il fallait organiser un souper-bénéfice! Je me suis dit : “Ouais, j’aurais peut-être dû regarder les livres avant de prendre le poste”. J’ai finalement décidé qu’il faut travailler pour que ça bouge », dit-il.

« Au premier conseil d’administration, j’ai écouté. Au deuxième, j’ai parlé. J’ai proposé une alliance avec la Chambre de commerce de Paspébiac. Les gens de mon conseil m’ont dit : “Les Paspéyas et les Cayens, ça ne marchera pas.” J’ai répondu que les histoires de famille et les vieilles chicanes, je m’en balance! », souligne M. Quesnel.

Ce mariage avec la Chambre de commerce de Paspébiac se passe finalement sans heurt, tout comme la suite des choses, remarque-t-il. À ce moment, en 2009, il ne reste qu’un pas à franchir pour avoir une chambre de commerce desservant toute la MRC de Bonaventure : convaincre les gens d’affaires de New Richmond, dont la mairesse Nicole Appleby, d’y adhérer. Ce n’est pas gagné.

Maurice Quesnel se sert de diplomatie pour y arriver. « L’une des objections que je recevais, c’était par rapport au nom. J’ai fait remarquer qu’on avait une charte, et qu’un nom, ça se change! » résume-t-il.

En 2010, la Chambre de commerce de la MRC de Bonaventure devient réalité et, avec elle, suit l’organisation d’événements plus grands, comme un gala annuel automnal sur son territoire d’intervention et un souper gastronomique à Montréal au printemps, qui constituait du même élan une invitation aux Montréalais à venir à un souper similaire, mais en Gaspésie.

Maurice Quesnel voit à ce moment qu’il sera possible d’avoir une seule chambre de commerce vigoureuse pour l’ensemble de la Baie-des-Chaleurs. Il faut convaincre les gens de la MRC d’Avignon d’embarquer. On est alors en 2012.

« Il y avait une chambre de commerce à Carleton, mais elle n’était pas très active. Lors d’une rencontre regroupant ses membres, on leur a demandé s’ils voudraient faire partie de la Chambre de commerce de la Baie-des-Chaleurs et à peu près 95 % des personnes présentes ont levé la main », se souvient M. Quesnel.

En 2013, cette union est officialisée. Au tournant de l’année 2020, un monde de différence sépare la nouvelle décennie de ce qu’il avait découvert en 2008. C’est une poussée qui a valu à l’organisme le titre de Chambre de commerce de l’année au Québec en 2014.

« La Chambre de commerce de Bonaventure avait 86 membres à mon arrivée, et ça ne coûtait pas grand-chose pour être membre. La Chambre de commerce de la Baie-des-Chaleurs en avait 437 en 2022. On en a de 395 à 400 maintenant, mais on est dans les renouvellements », précise son ex-directeur.

Le portrait financier a changé de façon encore plus spectaculaire. « Nos revenus en 2021 ont atteint 1 045 524 $. On est loin des 11 546 $ à mon arrivée. Il faut réaliser qu’en Gaspésie, on n’a pas de commanditaires à 50 000 $ par année. Les chambres de commerce de Rimouski et Rivière-du-Loup ne font pas ça. On est arrivés à de pareils résultats parce que je me suis assuré d’avoir accès à tout ce que je pouvais aller chercher comme subventions, surtout pour les formations en entreprises. Nos membres le demandaient et ils avaient des besoins en ce sens-là », explique M. Quesnel.

Ces subventions à la formation ont toutefois chuté de 562 000 $ en 2021 à 60 000 $ en 2022.

« Il y a des gens à Services Québec que ça dérangeait qu’on reçoive autant, mais j’étais seul à faire des demandes et les dirigeants d’entreprises voulaient qu’on s’occupe d’organiser ces formations. Je suis allé rencontrer la directrice de Services Québec. J’avais commencé à travailler pour rebâtir ça, ces ententes de formation, avant d’être malade. Mes successeurs devraient pouvoir y arriver », croit-il.

Un rôle économique et communautaire

Maurice Quesnel trouve important de réserver une place à la communauté dans le mandat incombant aux chambres de commerce, ce qui n’est pas toujours l’apanage des grands organismes du même genre en milieu urbain.

« Quand tu regardes notre mandat, on est là pour défendre les intérêts des gens d’affaires mais il faut être inclusif. Le domaine civil, le secteur communautaire font partie de notre société. À mon embauche, j’avais averti que je ne me battrais pas contre des municipalités ou des conseils d’administration. Il faut discuter, travailler ensemble », décrit-il.

La Chambre de commerce a certes donné de l’attention à la relève entrepreneuriale en intégrant des étudiants du campus collégial de Carleton-sur-Mer à l’organisation de son gala annuel, mais M. Quesnel a ouvert la porte et accueilli des idées qui sortaient des sentiers conventionnels généralement associés au domaine des affaires.

C’est ainsi qu’en collaboration avec le Centre de services scolaire René-Lévesque et des employeurs, le gala reconnaissance automnal de la Chambre de commerce de la Baie-des-Chaleurs remet depuis des années un prix annuel, à un étudiant empruntant un parcours académique adapté à sa réalité, qu’il s’agisse d’un handicap intellectuel, d’un handicap physique ou de difficultés d’apprentissage d’un autre ordre.

« J’ai justement rencontré à l’hôpital un jeune qu’on avait récompensé. Il avait beaucoup de difficultés à l’école. Il a eu un stage à l’hôpital et il a ensuite été embauché. Il a un poste à l’entretien maintenant et il est heureux. Les étudiants qui reçoivent ce prix sont toujours applaudis chaleureusement. C’est une source de fierté pour eux et ça leur donne confiance », explique Maurice Quesnel.

De la même façon, il a cherché des alliances avec des organismes dont la vocation dépassait les limites de la Baie-des-Chaleurs. C’est ainsi que le Conseil régional de l’environnement de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine et le Créneau d’excellence en ressources, sciences et technologies marines ont utilisé le vecteur de la Chambre de commerce pour remettre des prix.

Le jury du gala annuel a de plus récompensé la stratégie Vivre en Gaspésie pour ses efforts visant à attirer de nouveaux résidents dans la région. C’est aussi en pensant à la communauté que la Chambre de commerce a souligné la contribution du docteur Simon Prévost, qui a pédalé du Yukon jusqu’en Gaspésie en 2022 pour amasser des fonds qui iront à la future maison régionale de soins palliatifs.

À partir de 2010, Maurice Quesnel et son équipe ont aussi organisé des soupers gastronomiques à Montréal et à Québec afin de faire connaître les produits et les compétences culinaires de la péninsule. Il a également incité des gens d’affaires de tout le Québec à participer à la version gaspésienne de ce banquet.

« Je me suis retrouvé avec le chef Jean-Luc Boulay, à tenir un souper gastronomique en France, avec des produits québécois », souligne-t-il.

Priorité à sa santé

Depuis son hospitalisation aux soins intensifs en septembre, Maurice Quesnel doit mettre l’accent sur sa santé, d’où sa retraite.

« Je ne fais même pas mon épicerie. J’ai été hospitalisé quatre fois en deux ans et en septembre, j’ai passé cinq jours aux soins intensifs, où j’ai contracté la pseudomonas, une bactérie aussi appelée maladie de l’hôpital, qui s’attaque aussi aux voies respiratoires. Je marche de ma chambre à la salle de bain et quand je reviens, je dois m’assoir sur mon lit pour reprendre mon souffle. La bactérie va partir, ça peut prendre deux ou dix mois. Mon médecin m’a dit que ça [son état] ne reviendra pas comme avant. On garde le moral. Je suis disponible pour aider dans la transition visant à assurer ma succession. Je fais toujours partie du comité des sages de la Fédération des chambres de commerce du Québec et mon but est d’aller au congrès de Saint-Hyacinthe à la mi-mai », conclut-il.