OPTILAB: UNE CENTRALISATION INSENSÉE ET MAL ADAPTÉE
S’il s’agit par contre de centraliser pour le plaisir dans quelques grands laboratoires des analyses présentement réalisées dans une multitude d’hôpitaux et de CLSC régionaux, le ministre Barrette sera satisfait.
Mais il sera pratiquement impossible de faire des économies en ce qui a trait à des régions le moindrement éloignées de Montréal et de Québec. La réalité géographique, qui multiplie les lieux de collecte d’échantillons à analyser, et la navrante faiblesse des moyens de transport, principalement en ce qui a trait à la fréquence des autocars, posent des problèmes organisationnels et financiers considérables.
Si le ministère de la Santé et des Services sociaux s’en remet au service existant d’Orléans Express pour acheminer ses échantillons de Gaspé, de Chandler, de Sainte-Anne-des-Monts, de Maria et de tous les CLSC gaspésiens vers Rimouski, il sera utopique d’analyser et de communiquer les résultats le même jour.
Les patients externes sont généralement appelés à fournir un échantillon pour le laboratoire tôt le matin, afin que le résultat soit obtenu le jour même, parfois le midi. Malgré cette réalité rassurante, les gens de Gaspé, dans le scénario Optilab, verront les autocars partir trop tôt le matin pour que les échantillons soient placés à bord. Le même contexte frappera à Chandler. Les cas de Maria et de Sainte-Anne-des-Monts sont à peine mieux, les autobus passant sur l’heure du midi.
Les échantillons arriveront à Rimouski un peu avant 16 heures. Imaginons le tri de quelques milliers d’échantillons quotidiens venant de multiples lieux, avant de plonger dans les analyses elles-mêmes. Certains de ces échantillons peuvent circuler à la température ambiante, mais d’autres doivent être conservés à une température de 4 degrés, et d’autres doivent rester congelés.
Si, d’autre part, le ministère de la Santé se met dans l’idée d’instaurer son propre réseau de transport, d’où viendront les économies, avec des dizaines de lieux de collecte d’échantillons à couvrir?
Dans tout ce débat, deux choses passent au second, sinon au troisième rang : il s’agit de la qualité des soins aux patients et des conditions de travail du personnel déjà en place.
Considérant qu’à peu près tous les patients voyant leurs échantillons partir vers Rimouski ne seront informés des résultats que le lendemain, comparativement au jour même si l’analyse peut être effectuée dans leur hôpital local, où est le gain pour ces gens?
Considérant toute l’incertitude caractérisant les technologues de laboratoire depuis l’annonce du projet Optilab, tous les retards imputables à un système qui n’est même pas encore conçu, et encore moins appliqué, et les chambardements qu’ils pourraient causer, malgré les paroles rassurantes du ministre Barrette, où est le gain pour le personnel soignant?
Il y aurait environ deux millions d’échantillons de toutes sortes pris sur des patients gaspésiens annuellement. Présentement, 10 % des analyses sont réalisées à Rimouski, Québec, Montréal ou Sherbrooke.
À l’origine, les intentions du ministre Barrette étaient de faire passer la proportion des échantillons envoyés dans les grands laboratoires de 10 % à 60 % ou 70%. Il était moins clair lors de son passage en Gaspésie en mars.
Ce qui est clair par contre, c’est que les patients devront patienter pour avoir leurs résultats d’analyses. Si on assiste à des délais pour le savoir, on verra des délais pour poser les bons gestes médicaux. Cette situation sera particulièrement délicate dans une catégorie d’échantillons désignés comme les « valeurs critiques », c’est-à-dire quand les résultats nécessitent des soins immédiats.
Les laboratoires de nos « petits » hôpitaux traitent ces valeurs critiques tous les jours. Avec Optilab, certains de ces échantillons seront dans la soute à bagages des autocars alors que dans le contexte actuel, le patient serait déjà traité. Pourquoi prendre des risques?
Les médecins auront un gros mot à dire dans le projet Optilab. Ils pourraient faire dérailler jusqu’à un certain point l’initiative du docteur Barrette dans le classement qu’ils donneront aux échantillons de leurs patients, en exigeant une analyse immédiate.
Le ministre de la Santé aurait-il tant à perdre si, pour une fois, il admettait que son plan est mal adapté aux réalités régionales, que son modèle est essentiellement applicable, et encore, quand il y a moins d’une heure de route entre le petit hôpital et le grand laboratoire? A-t-il tant à perdre à admettre enfin qu’il n’est pas infaillible?
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