OTTAWA DOIT GARDER SES QUAIS
Pour une deuxième fois en quatre printemps,le quai de Percé a été fermé par le ministère fédéral des Pêches et des Océans du Canada (MPO) en raison d’un état risquant de poser un problème de sécurité des usagers.
Le Ministère a débloqué des fonds d’urgence pour réparer le quai temporairement. En toile de fond, le MPO cherche depuis des années à se départir de ce quai. Il négocie avec la Ville de Percé un transfert de propriété. Sur papier, le marché proposé semble alléchant. Le ministère fédéral cédera
à la municipalité un quai neuf, quai que la ville de 3 300 habitants devra administrer et entretenir, avec la possibilité – le sens de probabilité est important ici – d’avoir accès à des fonds quand il faudra le reconstruire.
La Ville de Percé ne devrait jamais accepter de devenir propriétaire du quai. Les raisons sont multiples. La réalité climatique changeante, menant à l’intensification des tempêtes, dans le temps et dans l’espace, est la plus importante raison. Ces tempêtes sont de plus en plus fréquentes, et de plus en plus violentes. Elles finiront bien par casser une partie du quai neuf.
Seul un niveau supérieur de gouvernement a les moyens d’en assurer l’entretien. Il est vrai que les gouvernements ne pourront vraisemblablement garder tous les quais au pays. Un premier tamisage a déjà été fait, avec souvent des conséquences malheureuses, parfois nécessaires.
Percé ne peut tomber dans la catégorie des quais sacrifiés. Plus de 60 000 personnes y embarquent à des fins d’excursions chaque année. Et des centaines de milliers de personnes additionnelles y mettent le pied par curiosité, parce qu’il s’agit d’un aimant pratiquement irrésistible. Tant de visiteurs vont marcher sur le quai avant même d’aller à leur hôtel.
Le ministère fédéral a décidé de se départir du quai de Percé parce qu’il n’est pas un quai de pêches commerciales primordial.
Six homardiers le fréquentent sur une base quotidienne pendant un peu plus de 10 semaines.
La valse-hésitation coûte cher. Depuis six ans, Ottawa a injecté 400 000 $ pour garder le quai sécuritaire. Cette somme aurait dû aller à son inévitable reconstruction. Cette année, le contrat s’élève à 34 895 $ pour rendre une partie du quai accessible aux piétons et une rampe d’accès sur trois aux bateaux.
Quand le quai de Percé est endommagé, ce n’est pas seulement l’image régionale qui
en souffre; c’est l’image du Québec et du Canada.
Percé est connue à travers la planète et il est évident que dans n’importe quel pays industrialisé, de même que dans la plupart des pays du tiers-monde, on ne laisserait pas croupir un tel attrait.
La Ville de Percé prend déjà sous son aile la promenade, un autre cadeau empoisonné d’un échelon supérieur de gouvernement, celui du Québec. Ainsi, une petite ville devra entretenir deux infrastructures dont le coût de reconstruction totalisera probablement plus de 30 M$, une promenade et un quai soumis aux « caresses » d’un climat en plein dérèglement.
Le modèle proposé pour financer l’entretien consiste pour le moment à surtaxer les propriétaires de bateaux d’excursions, qui verseraient 300 000 $ par année, puisés à même leurs revenus d’exploitation.
Un quai est un service public. Voyons-nous beaucoup de petites villes installer des postes
de péage pour financer l’entretien des routes?
Le modèle qu’impose une rétrocession abusive à Percé est aussi étriqué qu’un péage. La politique de cession des quais du gouvernement fédéral est allée au bout de son absurdité. Que la gestion des quais, sur une base opérationnelle, revienne à des autorités locales est sans doute souhaitable, quand c’est désiré, parce que l’esprit régional d’initiative est supérieur à ce qu’on peut trouver à Ottawa. Mais le transfert de propriété est illusoire, parce qu’exorbitant.
Ailleurs en Gaspésie…
Sainte-Anne-des-Monts a refusé ce transfert de propriété. Les autorités ont négocié serré avec Pêches et Océans Canada pour obtenir une réfection du quai tenant compte de multiples besoins, comme la pêche, le transport de marchandises, les navires de croisières et la navigation de plaisance, le tout pour moins de 5 M$. Bravo!
À l’autre bout du spectre, Carleton-sur-Mer défend un projet de 23,4 M$, où l’aspect utilitaire du quai à des fins commerciales, pour le transbordement du sel, du bois, de l’acier, des composantes éoliennes ou la réception de navires de croisières, est exclu. Ces activités sont pourtant les seules susceptibles de générer des revenus pour l’administration municipale, qui deviendrait propriétaire de
la partie délaissée par Transports Canada, sans garantie que l’autre propriétaire, Pêches et Océans Canada, y restera longtemps. Ce n’est pas ça, du développement économique régional. Ce modèle obtus n’aurait pas vu le jour si le gouvernement fédéral avait détecté les situations précaires dans lesquelles la rétrocession des quais place des administrations locales.
Le gouvernement de Justin Trudeau a démontré de l’ouverture pour nombre de domaines desquels Stephen Harper, Paul Martin et Jean Chrétien s’étaient retirés.
L’état fédéral doit garder ses quais.