• lundi 18 novembre 2024 13 h 12

  • Météo

    5°C

  • Marées

Actualités

Portrait
27 juillet 2020 10 h 08

Rencontre avec Marcel Landry

CARLETON-SUR-MER | L’homme m’a semblé incarner parfaitement ce vieil adage qui dit:« Le travail, c’est la santé», lorsque j'ai rencontré Marcel Landry, un beau matin de juin sur la terre qu’il cultive avec son fils Nicolas depuis 2007, à Carleton-sur-Mer. «Ça fait 60 ans tapant que je travaille cette année. Et je n’ai pas du tout envie de m’arrêter», lance ce Gaspésien passionné et engagé que j’ai eu grand plaisir à rencontrer pour vous.

Passion, travail… et région!

«À mon avis, le travail est une valeur fondamentale. La seule façon de se réaliser, tant sur le plan individuel que collectif», lance l’homme de 72 ans. En plus de faire la culture de pommes de terre, il est attaché politique à temps partiel pour l’actuel député de Bonaventure, Sylvain Roy.

«Au bureau, je suis, et de loin, le plus vieux, et sans doute, j’oserais dire, le plus expérimenté», dit en riant celui qui fut député de Bonaventure de 1994 à 1998 et ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation entre 1994 et  1996, puis sous-ministre adjoint au développement régional de 1999 à 2003. Les libéraux ont alors pris le pouvoir et il a été «recyclé à l’environnement», également comme sous-ministre adjoint, poste qu’il occupera jusqu’en 2007.

«Je me rappelle que la graine a été semée jeune. Je passais beaucoup de temps dans la forge de mon père, à Nouvelle-Ouest. J’appelle ça ma première université, parce qu’il y avait là des personnes âgées, un peu plus jeunes que je le suis maintenant, qui venaient s’obstiner […]. Ça discutait beaucoup de politique et j’étais passionné par ça», raconte le premier député indépendantiste élu dans la circonscription de Bonaventure. Son mandat suivait plus de 37 ans de règne libéral, sous la gouverne de Gérard D.


Marcel Landry passe beaucoup de temps dans ses champs, parfois à bord de son tracteur. Ses réflexions sur la politique et la société lui tiennent généralement compagnie, quand ce ne sont pas ses enfants et ses petits-enfants.
Photo : Gilles Gagné

Travailler en forêt pour payer ses études
Le petit Marcel a fait ses premières armes au travail à douze ans pour le compte de son père. «J’ai commencé à travailler pour payer mon cours classique. Vu la grosseur de la famille(13 enfants), il fallait gagner notre pitance, surtout si on voulait étudier. […] Vu que j’étais petit, j’ai commencé par écorcer la « pitoune ». L’année d’après, j’ai, disons, monté en grade et j’ai commencé à mener les chevaux pour débusquer le bois», se souvient M. Landry.

À partir de 15 ans, jusqu’à 21 ans, le jeune Marcel partagera ses étés entre le bois et les cadets de l’armée. Il y deviendra entraîneur sur les camps militaires, puis officier de réserve jusqu’à sa première année d’université.

Les sciences sociales «pour changer le monde»
«Mes meilleures matières, aux études, étaient les maths et la physique, dit l’humaniste que plusieurs professeurs croyaient destiné à une carrière en ingénierie ou en mathématiques.

«Moi, j’ai dit non! Je voulais aller en sciences sociales. Parce que je pensais qu’on pouvait changer des choses. Je trouvais qu’il y avait plein de choses qui n’étaient pas correctes. J’étais né pour être un peu contestataire.» C’est ainsi qu’il a choisi de faire un baccalauréat spécialisé en sociologie à l’Université Laval, puis de poursuivre des études de deuxième cycle en développement régional, une autre passion de l’homme de convictions.

Après ses études, dès 1971, il fut agent de développement pédagogique en Gaspésie pour le compte du ministère de l’Éducation. Puis, la défunte Commission scolaire de la Baie-des-Chaleurs lui confia la coordination des activités étudiantes jusqu’en 1980. Entre 1976 et 1980, il fut également chargé de cours pour l’Université du Québec à Rimouski en sociologie de l’éducation et en management.

De la culture à l’agriculture
«Pendant mes études, j’avais aussi développé mon goût pour les communications. Et je me suis tapé ce « trip-là » quand j’ai travaillé au bureau régional de Radio-Québec», dit celui qui a installé, puis dirigé ce bureau de Saint-Omer pendant cinq ans.

«En 1986, quand Bourassa (Robert, le premier ministre de l’époque) a mis la hache dans la régionalisation de Radio-Québec, j’ai lâché la culture pour l’agriculture en devenant directeur régional de l’Union des producteurs agricoles de la Gaspésie, puis ensuite directeur national de la vie syndicale de l’UPA». Il occupera ces fonctions pendant deux ans et demi, durant lesquelles il a dû s’installer en Montérégie.

Fier de sa contribution au développement régional
En 1994, Marcel Landry décide de se lancer en politique. C’est là qu’il devient député de Bonaventure avec un passage au conseil des ministres. Pendant sa carrière politique, de 1994 à 1998 (il fut alors défait par la libérale Nathalie Normandeau), l’homme dit être notamment heureux d’avoir eu à plancher sur des dossiers comme la relève agricole et sur l’autosuffisance alimentaire en tant que ministre de l’Agriculture. «Je crois qu’on a marqué beaucoup de points en peu de temps dans ce domaine.»

Mais ce dont M. Landry dit être le plus fier, c’est d’avoir contribué à «développer la fierté et l’identité régionale». Entre son élection en 1994 et la fin de son travail comme sous-ministre adjoint au développement régional en 2003, il se dit vraiment satisfait d’avoir vu le taux d’emploi monter et le taux d’aide sociale diminuer dans la région.

«Le pire qu’une population peut vivre, c’est de ne rien faire. Ça, c’est mortel, à la longue.[…] Au tournant de 2001-2002, avec le plan de relance sur lequel j’avais pioché comme député et dont j’avais contribué à la mise en place comme sous-ministre, on est monté à 40 000 emplois en Gaspésie, soit une dizaine de mille de plus qu’en 1994, quand je suis arrivé en politique… Ce n’est pas rien!»

On se souviendra que ledit «plan de relance» porta notamment sur les balbutiements du développement éolien, de la mariculture, des technologies de l’information, des deuxième et troisième transformations des ressources régionales et de la modernisation de l’industrie touristique.

«C’est du travail d’équipe qui s’est fait au coude à coude, sur plusieurs années, même après que je sois parti, mais je suis fier d’y avoir participé. Parce que la Gaspésie a progressé et qu’elle continue de le faire.»

Aujourd’hui, l’homme continue de s’investir en développement régional, notamment par son engagement au sein de la Société nationale Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, dont il est administrateur pour la MRC Avignon depuis 10 ans. Il siège également au sein de la Corporation de développement du Mont Saint-Joseph de Carleton-sur-Mer.

Marié depuis près de 50 ans, père de quatre enfants et de huit petits-enfants, ce travailleur passionné et acharné a son idée bien personnelle de la conciliation travail-famille:

«Tu t’arranges pour ne pas perdre trop de temps à dormir. Pendant longtemps, je me satisfaisais de quatre, cinq heures de sommeil. Maintenant, la semi-retraite, c’est se payer le luxe de dormir huit heures », dit celui qui ne voit pas le jour où il cessera de travailler et de s’investir pour le rayonnement de sa Gaspésie natale.

«Par le travail, on gagne sa pitance, mais aussi, on se réalise là-dedans. Moi, quand on a une belle récolte à l’automne, je suis content de ce que la terre m’a fourni, mais je suis fier parce qu’on l’a aidée. Cultiver la terre, ce n’est pas un projet fini, c’est aussi un projet d’avenir. Pis, j’aime ça!», conclut l’actif septuagénaire.


Patricia et Marcel Landry sont ensemble depuis 51 ans. «Il a été sur la route tellement longtemps que j’ai l’impression qu’on commence juste à vivre ensemble», signale-t-elle avec humour, au milieu de son endroit préféré de la ferme, les framboisiers. Il approuve sans sourciller. «J’ai calculé que j’avais roulé 4 millions de kilomètres avec mes véhicules, sans compter l’avion et le transport partagé avec d’autres personnes», précise-t-il.
Photo : Gilles Gagné