Plus de démocratie et de développement durable dans nos municipalités
SAINT-MAXIME-DU-MONT-LOUIS | La démocratie municipale est déterminante pour faire émerger une Gaspésie plus prospère et plus durable. Plusieurs décisions collectives sont prises à ce niveau, notamment en matière de logement, d’urbanisme, de développement social et économique, d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement. Pourquoi avons-nous souvent cette perception que la politique municipale n’en vaut pas la peine? Nous sommes pourtant tous conscients que c’est la qualité des élus qui nous donnera des décisions rassembleuses et porteuses d’un avenir durable.
Les élections municipales sont à nos portes et il est l’heure de s’y intéresser.
Déléguer des décisions collectives à une poignée d’individus
Aux dernières élections municipales de 2021, ce sont 63 % des postes municipaux – conseiller(-ère)s et maire(sse)s – qui ont été comblés sans opposition au Québec. La Gaspésie ne fait pas mieux avec 62 %. Cette statistique est quand même triste pour la démocratie municipale, mais l’intérêt municipal est à la hausse(1).
A-t-on vraiment les élus que l’on mérite? Prenons-nous suffisamment de temps pour dénicher les bonnes personnes à qui déléguer un pouvoir décisionnel important? La compétition électorale est fondamentale à la démocratie puisque c’est un des rares moments de dialogue avec les citoyen(ne)s sur l’avenir collectif. La période électorale est courte, et c’est à ce moment que la démocratie électorale s’incarne et se construit. Il ne suffit pas de voter à l’aveuglette, il s’agit de susciter de belles candidatures, d’apprendre à les connaître et de miser sur les meilleurs.
Susciter des belles candidatures aux valeurs attendues d’un élu
Officiellement, selon la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale, une belle candidature porte notamment certaines valeurs fondamentales pour l’accomplissement d’un mandat de conseiller(-ère), de maire(sse) et de préfet(-ète) Ces valeurs sont : l’intégrité, l’honneur, le respect, la civilité et l’équité. Les citoyens devraient activement rechercher des représentants qui incarnent déjà ces valeurs naturellement. Comme les petites communautés se connaissent bien, il est donc possible de savoir, en ce sens, quelles candidatures seraient les plus belles.
En pratique, on peut le voir chez ces gens reconnus pour leur engagement, soit dans le milieu de l’éducation, la santé, l’économie, la culture, etc. Ces personnes peuvent déjà avoir considéré de se présenter, mais elles hésitent. Cet engagement civique vise surtout à donner du courage pour surmonter l’hésitation, en leur disant tout simplement : « J’aimerais vraiment que tu nous représentes, puisque ce sont des gens comme toi dont nous avons besoin pour faire avancer la Gaspésie. Nous t’aiderons, t’en fais pas, tu ne seras pas seul ».
Les compétences recherchées pour assumer le rôle de conseiller, de maire et de préfet
Outre les valeurs, quels sont les rôles des conseillers, des maires et des préfets au sein du conseil municipal ou du conseil de la MRC? Le Guide d’accueil et de référence pour les élues et les élus municipaux permet de mieux comprendre les réalités et les possibilités municipales(2). À lire le rôle du conseiller et celui du maire, le candidat souhaitable, en pratique, sait s’intéresser avec diligence à un dossier, peut négocier une idée avec civisme à l’intérieur d’un groupe, puise dans une culture générale suffisante pour comprendre une variété de situations, demande humblement de l’aide s’il ne comprend pas un enjeu, et sait poser un jugement juste et durable pour la collectivité.
Pour le poste de préfet, en plus de ces qualités, il représente l’ensemble de la population de la MRC et est le principal interlocuteur du gouvernement provincial pour porter la voix de la région. Ce représentant doit être crédible aux yeux de la province, sans quoi ses idées ne seront pas entendues et ne serviront pas la communauté.
Un élément fondamental à savoir est que ni le maire ni le préfet n’ont de veto sur leurs conseils. Le seul veto disponible est celui de demander la reconsidération d’une décision avec laquelle ils ne seraient pas d’accord. C’est pourquoi les postes de conseillers municipaux sont si importants au sein de votre municipalité : ce sont les conseillers qui décident. Dans une MRC, les maires agissent comme conseillers du préfet. Là aussi, il est important de voir que ce sont les maires qui décident. Évidemment, le maire et le préfet sont des porte-paroles très influents, mais les décisions appartiennent aux conseils.
La représentativité pour des décisions qui nous ressemblent
Dans un tel contexte décisionnel, la représentativité d’un conseil est vraiment souhaitable. La représentativité la plus évidente est celle du genre et de l’âge. En 2021, en Gaspésie, 40 % des conseiller(-ère)s élu(e)s et 30 % des maire(sse)s étaient des femmes. Pour l’âge, le groupe des 18-35 ans, qui constitue 25 % de la population québécoise, ne représentait que 8 % des élus municipaux. Pour des décisions qui nous ressemblent, il faudrait plus de femmes et plus de jeunes candidats aux élections.
Pourquoi la représentativité est si importante? Il y a une raison assez pratique pour la souhaiter. Il s’agit de prendre de bonnes décisions rapidement sans animer la contestation citoyenne et donc d’attiser le risque de démission ou de défaite électorale. Toutes les décisions viennent avec leurs lots de biais cognitifs et plus particulièrement lorsqu’on doit les prendre rapidement. Lorsqu’on décide trop rapidement, on le fait avec nos intuitions et nos habitudes, incluant certaines distorsions, alors qu’en prenant plus de temps, notre cerveau est plus analytique, on se fie aux faits et on jette un regard plus neutre sur un enjeu(3). Le cas de Mont-Saint-Pierre en Haute-Gaspésie est un des plus éloquents de 2024 : une décision municipale très mal accueillie d’autoriser la coupe à blanc du camping municipal de 200 places.
Un conseil plus représentatif de la population permet de réduire les angles morts dans les décisions.
Des élus porteurs d’une meilleure démocratie locale
À défaut d’avoir une telle représentativité, le conseil municipal et le conseil de la MRC peuvent développer des outils de concertation, de collaboration ou de consultation pour leur permettre d’aller chercher les angles morts avant de prendre une décision controversée. Par exemple, des municipalités au Québec ont créé des commissions, des comités ou des petites assemblées citoyennes permettant un dialogue posé sur des enjeux difficiles avant une prise de décision. Ils peuvent être composés de certains élus, de citoyens, de fonctionnaires, de groupes sociaux ou environnementaux et de spécialistes pour réfléchir à des enjeux spécifiques. Ce sont des outils précieux pour réduire les risques d’opposition citoyenne et pour accompagner des citoyens vers un changement nécessaire.
Un des grands problèmes de la démocratie municipale actuelle est que le conseil municipal et le conseil de la MRC présentent des décisions déjà prises. Pour des décisions relativement banales, les citoyens comprennent, mais pour certains enjeux majeurs, le dialogue est nécessaire.
Pour voir ce genre d’outils démocratiques émerger, il s’agit de chercher et de voter pour des élus qui aiment et croient en la démocratie participative. Le rôle des élus n’est pas d’imposer leurs opinions, mais plutôt d’arbitrer l’opinion du groupe.
Des élus porteurs de développement durable pour un avenir territorial attirant
Le développement durable est un concept fondamental pour l’enrichissement durable des collectivités. Depuis 2006, la Loi sur le développement durable encadre les décisions publiques québécoises. À lire certaines résolutions de MRC ou de municipalités, il est clair que certains sont encore en mode développement sans limite. Comme électeur, on peut favoriser les candidats qui comprennent ou accueillent sans déni l’enjeu écologique et économique de la Gaspésie. Les élus doivent nous accompagner vers un avenir durable.
Il existe plusieurs enjeux de développement durable à considérer pour ce mandat municipal de 2025 à 2029. Parmi eux, notons :
• La crise du logement comme frein économique et source de précarisation des moins nantis;
• Le déclin des ressources marines et ses impacts sur les collectivités gaspésiennes;
• La difficulté institutionnelle à assurer une saine cohabitation intersectorielle sur le territoire;
• L’aménagement des villages côtiers et riverains face aux changements climatiques;
• La problématique forestière face aux tarifs, à l’écologie, au développement villageois et à l’attrait touristique des paysages gaspésiens;
• La réouverture d’une grande mine de cuivre, ses défis et ses possibilités; etc.
La responsabilité civique finale : aller voter
Aux élections municipales de 2021, 51 % de la population admissible a exercé son droit de vote en Gaspésie. La bonne nouvelle est que la Gaspésie a le plus haut taux de participation, bien au-delà de la moyenne québécoise de 38 %. Malgré ce succès, il y a quand même une personne sur deux qui considère que voter n’en vaut pas la peine.
Dans un ordre mondial anxiogène devant lequel nous sommes généralement impuissants, la politique locale et régionale est à notre portée; nous pouvons l’influencer. C’est d’ailleurs hautement satisfaisant pour les citoyens et les élus de voir des progrès dans leurs communautés, grâce à leur engagement.
Que cette élection soit mobilisante et nous pousse tous vers le haut!

Aux élections municipales de 2021, c’était 51 % de la population admissible qui a exercé son droit de vote en Gaspésie, le plus haut taux de la province. Photo : Élections Québec

Le 2 novembre, quelque 8000 postes d’élus municipaux, dont 19 de préfets, seront à pourvoir dans la province. Photo : Jean-Philippe Thibault
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1. Élections Québec (2021). Données relatives à l’élection générale municipale 2021 : compilation et traitement statistique, 43 pages.
2. Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (2023). Guide d’accueil et de référence pour les élues et les élus municipaux, 67 pages.
3. Kahneman D (2012), Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée, Paris, Flammarion, coll. « Essais », 2012, 545 p.


