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24 novembre 2020 10 h 57

Quand pandémie rime avec nouveau départ

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Carleton-sur-Mer | Remises en question, incertitude, inquiétude quant à l’avenir, perte d’emploi ou de contrats : bon nombre de travailleurs auront fait les frais de la pandémie de COVID-19. Pour plusieurs, la crise sanitaire aura néanmoins offert sur un plateau d’argent l’occasion de mener une profonde réflexion quant à l’avenir, tant et si bien que les professionnels en orientation rencontrés par GRAFFICI sont actuellement plus sollicités qu’à l’habitude.

La conseillère en orientation Judith Bujold œuvre dans le domaine depuis 25 ans. Celle qui travaille pour le compte du Carrefour jeunesse-emploi (CJE) Avignon-Bonaventure depuis les débuts de l’organisme perçoit une hausse d’au moins 20% des demandes formulées depuis l’été, comparativement à l’an dernier. Selon ce qu’elle a pu observer, ceux et celles qui sollicitent ses lumières afin d’envisager un nouveau départ avaient pour la plupart déjà amorcé une réflexion avant que le virus ne vienne jouer les trouble-fêtes. «Pour plusieurs, la pandémie a joué un rôle qui ressemble à celui d’une bougie d’allumage», illustre-t-elle.

La professionnelle dresse par ailleurs un constat très clair. Si plusieurs travailleurs de la santé songeaient à quitter le réseau régional depuis la réforme opérée par l’ex-ministre libéral Gaétan Barrette, ils sont encore plus nombreux à lorgner la porte dans le contexte actuel. La crise sanitaire, en plus d’ajouter une ambiance anxiogène dans certains lieux de travail, est aussi venue accentuer un problème présent bien avant le virus  : le manque de main-d’œuvre.

Infirmières cliniciennes, infirmières auxiliaires, ergothérapeutes, travailleurs sociaux, éducateurs spécialisés du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Gaspésie: plusieurs de ces professionnels qui «éteignent des feux» au quotidien ont sollicité l’aide du CJE pour trouver une nouvelle voie ou une alternative. «En ce moment, le CISSS est le plus gros employeur de la région et c’est celui qui, je trouve, considère le moins le bonheur au travail de ses employés. Je le dis sans gêne. Des filles qui pleurent dans mon bureau, il n’y a pas une semaine sans [qu’il n’y en ait]», fait valoir Mme Bujold, qui souligne que la pandémie n’a fait qu’accentuer la situation.

Un désir d’aider

Richard Jolin, conseiller d’orientation et en emploi pour le Service d’aide à l’emploi (SAE)Transit, à Sainte-Anne-des-Monts, est lui aussi plus en demande depuis quelques mois. Alors que ses objectifs annuels prévoient quelque20 accompagnements du début juillet à la fin juin, il en avait déjà entamé une douzaine à la fin du mois d’octobre.

Le professionnel qui compte 22 ans d’expérience a, quant à lui, remarqué que la pandémie s’est ajoutée parmi les raisons motivant des jeunes et moins jeunes à rebattre les cartes. Plusieurs personnes rencontrées depuis mars dernier, que ce soit en personne ou par Zoom, désiraient notamment quitter le service à la clientèle, la restauration ou l’hôtellerie, des domaines fortement éprouvés par la pandémie. Selon lui, le confinement du printemps vécu par ces travailleurs leur aura en quelque sorte donné la latitude nécessaire à une certaine introspection.

«La raison principale derrière tout ça, c’est que leur emploi ne leur plaisait pas vraiment. Une fois rendus à la maison, ils ont amorcé une démarche de réflexion à savoir de quelle façon ils pourraient réorienter pas juste leur carrière, mais aussi leur vie», résume celui quia lui-même changé de carrière.

Selon lui, nombreux sont ceux qui ont aussi réalisé, avec la pandémie, leur volonté de prêter main-forte à leurs concitoyens. Cette prise de conscience en pousse plusieurs, constate-t-il, à entrevoir une nouvelle vocation dans l’accompagnement aux personnes. Ainsi, des professions et formations reliées à l’éducation spécialisée et au travail social sont souvent évoquées lors de ses rendez-vous.

Mme Bujold et M. Jolin rappellent tous deux, en entrevue, que les conseillers en orientation ne possèdent pas de baguette magique et que la réponse que beaucoup recherchent en passant la porte pour une toute première fois peut parfois n’être dénichée qu’après plusieurs rencontres. D’ailleurs, Richard Jolin n’encourage pas les gens à envisager un changement professionnel majeur sur un coup de tête. «Je les invite à prendre le temps de mieux se connaître, à s’attarder à leurs intérêts, à leurs aptitudes, à leurs talents, à leurs exigences personnelles face à un emploi et aux facteurs de réalité. […] L’idée, c’est de prendre le temps nécessaire pour gagner du temps par la suite», fait-il valoir.

Et du côté de la formation?

Des changements sont aussi remarqués dans les classes. Stéphanie Joly-Lavoie, qui œuvre comme professionnelle en soutien à l’organisation scolaire pour le centre l’Envol de Carleton-sur-Mer, explique que chaque élève admis à la formation générale des adultes rencontre dès son entrée un conseiller en orientation. Cet automne, certains ont indiqué, lors de ce rendez-vous, avoir dû faire une croix sur leur plan de match initial en raison du contexte pandémique.

Celle qui est conseillère en orientation de formation mentionne également que plusieurs ont vu, avec la crise, une opportunité supplémentaire de rehausser leur niveau de compétence. Sans pouvoir dire avec certitude si cette situation est entièrement causée parla COVID-19, Mme Joly-Lavoie note aussi que le contexte semble avoir créé un certain engouement pour des études relatives au domaine de la santé. Une augmentation des inscriptions à la formation Santé, assistance et soins infirmiers est, par exemple, remarquée à l’Envol.

Le programme accéléré lancé l’été dernier par le gouvernement Legault afin de former de nouveaux préposés aux bénéficiaires pour répondre spécifiquement aux besoins des CHSLD a également été populaire. La formation, qui s’est terminée à la mi-septembre, a permis à 44 personnes inscrites à Gaspé, Sainte-Anne-des-Monts, Chandler et Carleton-sur-Mer d’intégrer les équipes des résidences de soins longue durée de la région.

«Sinon, dans les autres domaines, on a eu des augmentations en mécanique auto et en mécanique d’engins de chantier(à Carleton-sur-Mer). Au centre Bonaventure/Chandler, on a eu des hausses en électricité et en coiffure. Est-ce que ça a un lien avec la COVID-19? C’est difficile à dire», nuance néanmoins Stéphanie Joly-Lavoie, qui précise que certaines variations sont constatées chaque année.


Se réorienter professionnellement n’est pas un choix que l’on doit laisser au hasard, rappelle Richard Jolin, conseiller d’orientation et en emploi pour le Service d’aide à l’emploi Transit, à Sainte-Anne-des-Monts. Il n’est pas rare qu’il rencontre une même personne sept à huit fois avant que celle-ci n’entame les actions concrètes suivant la prise d’une décision.
Photo : PixaBay

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