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Éditorial
10 février 2017 14 h 14

RAIL: QUÉBEC JOUE À LA ROULETTE RUSSE AVEC L’ÉCONOMIE DE LA GASPÉSIE

Gilles Gagné

Éditorialiste

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Cet attentisme a déjà mené à des pertes économiques pour des compagnies de la région, et à des pertes sociales et pécuniaires pour tous ceux qui ont besoin de voyager régulièrement entre la péninsule et le reste du continent.

En fait, le désavantage d’avoir un chemin de fer en dormance sur presque deux tiers de sa longueur et handicapé dans son fonctionnement par la capacité portante de certains ponts limite les revenus fiscaux de ce même gouvernement. Ces revenus sont perdus en raison du ralentissement imposé à certaines entreprises, comme Rail GD. L’État se tire dans le pied.

Le ministre responsable de la Gaspésie, Sébastien Proulx, indiquait lors de sa visite des 12 et 13 janvier qu’il fallait faire un choix, à tout le moins dans un avenir prévisible, entre le transport de marchandises et le transport de passagers.

Cette position est indéfendable quand on regarde les chiffres, quel que soit l’angle.

Diverses études réalisées depuis six ans situent le coût de réfection de la voie ferrée Matapédia-Gaspé dans une fourchette variant de 86 millions de dollars à 122 millions.

La plus récente et la plus réaliste de ces études penche pour 86 millions de dollars, notamment en favorisant le recours à la régie interne, un mode économique d’effectuer certaines réparations, comparativement à des appels d’offres.

C’est une somme importante, 86 millions, mais elle doit être replacée dans son contexte. En 2010, Transports Québec a consacré 141,6 millions de dollars pour une seule année dans son réseau routier gaspésien et madelinot. Au cours de la dernière décennie, et en dépit des coupes draconiennes imposées par l’État québécois depuis 2013, ce même ministère a investi 893,5 millions dans ce même réseau routier.

Ne vaudrait-il pas la peine de protéger cet investissement, étant donné que le chemin de fer et la route devraient aussi travailler en complémentarité, et considérant que le rail allège le fardeau infligé aux routes?

Il y a plus. Le contrat obtenu par LM Wind Power pour fournir pendant quelques années des pales à General Electric (GE) vaut des centaines de millions de dollars. En appliquant une règle reconnue à l’effet qu’environ 15 % de l’activité économique se transforme en revenus fiscaux pour l’État, il en résulte que ce gouvernement récoltera beaucoup d’argent dans cette affaire, qu’il regagnerait sa mise. Ne vaudrait-il pas la peine alors de faciliter la tâche à LM, qui demande le transport ferroviaire jusqu’à Gaspé?

LM Wind Power est en concurrence avec des usines de son propre réseau, puisque la firme danoise exploite deux usines de pales américaines, des usines bien plus proches des parcs éoliens texans à rééquiper. L’usine de Gaspé est sans contredit d’une grande efficacité puisqu’elle gagne sur ses « sœurs ». Ne serait-il donc pas normal de l’appuyer avec un transport efficace, plutôt qu’en lui imposant de coûteux frais de transport routier?

La question se passe de réponse. De prime abord, l’attentisme du gouvernement de Philippe Couillard est incompréhensible, puisqu’il est supposé être fort en économie. Toutefois, son comportement à l’égard des régions rurales, et particulièrement envers la Gaspésie, est assez constant depuis le scrutin de 2014. C’est là que l’État a choisi de sabrer le plus fort, en fait d’austérité. Puis, les régions n’ont en général pas voté du « bon bord ».

Ce sont sans doute des facteurs expliquant la frilosité de tous les porte-parole de ce gouvernement sur la question du chemin de fer. Le ministre responsable de la région jusqu’au début de 2016, Jean D’Amour, tout comme l’ex-ministre des Transports Robert Poëti, exagérait systématiquement, et sans fondement, le coût de réfection de la voie ferrée. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage.

Le même Robert Poëti a également adopté la pire stratégie en statuant que la voie sera réparée quand les occasions de transport se présenteront. Ce choix bancal a pour conséquence que les occasions sont là mais que les Gaspésiens sont pénalisés parce que le tronçon n’est pas optimisé.

Alors qu’un programme fédéral d’infrastructures bien garni est disponible, programme auquel Jean D’Amour faisait référence comme source potentielle de financement pour le chemin de fer, Sébastien Proulx dit ne rien savoir de pourparlers avec Ottawa.

Des pays du tiers-monde auraient déjà réglé la question du transport en Gaspésie si leur administration y avait été confrontée. Québec prend plutôt une attitude colonialiste, comme s’il attendait l’imminence de l’élection de 2018 pour arriver en faux sauveur avec une solution inadéquate.

Si quelqu’un connaît la clé pour déverrouiller l’inertie de Québec, il est temps de lever la main!

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