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Dans la série documentaire Ramaillages, Moïse Marcoux-Chabot présente la Gaspésie comme on ne l'a jamais vue.
8 avril 2020 16 h 54

Série documentaire Ramaillages : habiter la Gaspésie autrement

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SAINT-MAXIME-DU-MONT-LOUIS | Le documentaire Ramaillages nous fait voyager dans le quotidien d'une trentaine d'hommes et de femmes qui ont tous un point en commun : ils ont choisi d'habiter le territoire gaspésien. Pour certains, ce choix est influencé par une culture et une vision enrichies par le fait d'avoir habité ailleurs. Réalisé par le Néo-Gaspésien Moïse Marcoux-Chabot, la série documentaire propose un tour de la Gaspésie différent, une Gaspésie comme on ne l'a jamais vue.

Le documentaire, présenté en six épisodes et entièrement filmé en noir et blanc, est bien loin de la Gaspésie de cartes postales trop souvent démontrée. D’ailleurs, il n’y a pas une seule image du rocher Percé. « Ça montre la Gaspésie qu’on a tous au fond du coeur, soutient l’un des participants du documentaire, Bilbo Cyr. C’est la vraie, celle-là! Ce n’est pas celle qui se déploie avec un beau décor deux semaines par année pour les vacances de la construction! C’est la Gaspésie qui continue de vivre en plein hiver parce qu’on se ramasse dans les cuisines de chacun. Il y a de la vérité et de la vraie vie qui se passent là. »

Technique du cinéma direct

Le cinéaste, originaire de Saint-Nérée-de-Bellechasse et aujourd’hui résident de Mont-Saint-Pierre, a trimbalé sa caméra pour aller à la rencontre d’hommes et de femmes de tous âges. Un peu à la manière du cinéma direct de Pierre Perrault, sans narration, Moïse Marcoux-Chabot donne la parole à ces gens dans leur quotidien. « On s’est habitués de voir Moïse avec sa caméra, lance Yanik Élément. La technique à Moïse est un peu espiègle parce qu’il est devenu notre ami. Un moment donné, ce n’est plus un caméraman, c’est mon ami qui vient avec une caméra sur l’épaule et qui m’installe un micro dans le cou! »

« Il se faisait oublier. Il a une belle intelligence opérationnelle », dit Marie-Ève Paquette. « Il n’y a jamais eu de surprise à le voir arriver avec sa caméra, continue Maxime Castro. Toujours, il savait qu’il allait se passer quelque chose. »

La démarche, le fil conducteur et la chronologie de la série documentaire sont basés sur les saisons, le temps qui avance, qui s’écoule et qui influence les actions des habitants de ce territoire qu’est la Gaspésie. « J’étais vraiment à l’écoute de ce qui pouvait se passer pour improviser un tournage, fait savoir l’auteur de la série. La veille, on me disait qu’on allait tuer un cochon. Je disais : « Go, on y va! » J’ai essayé de capter des moments vécus un peu partout. Ce n’était pas de suivre une personne ou un projet, mais d’aller chercher des petits fragments de vie un peu partout qui montrent ce à quoi ressemblent les gens, et d’aller chercher des choses qui sont communes dans les gestes saisonniers, dans les valeurs, dans le fait de se retrouver en commun. »

Un mouvement collectif

Moïse estime que pour chaque personne ou chaque moment qu’il a filmé, il y en a dix autres qu’il aurait pu capter. « Je connaissais déjà beaucoup de gens en Gaspésie qui m’avaient inspiré, que je trouvais beaux et belles, que j’avais envie de filmer, spécifie-t-il. J’ai saisi des opportunités au fil de l’année pour essayer de construire une mosaïque, une courtepointe de moments. J’ai beaucoup essayé de dissoudre l’individuel pour faire sortir le collectif. Ce sont des rencontres intimes avec des gens qui sont vraiment eux-mêmes, qui nous parlent d’eux, de leur parcours. On attrape des gens au passage. »

Parmi la trentaine d’artisans, certains participent à un mouvement de relève agricole qui s’enracine en Gaspésie depuis quelques années, notamment grâce à des jeunes qui s’installent dans la péninsule ou qui y reviennent. Ils s’inscrivent dans une démarche d’autonomie alimentaire.

« Tous ces projets-là contribuent à une communauté, décrit Yanik Élément. Dans les années 70, ils venaient en Gaspésie avec un aspect individuel, tandis que la nouvelle mouvance qu’on voit dans le documentaire, ce sont des business, il y a une coop, il y a quelque chose d’économique qui fait rouler la roue. On vient avec une connaissance qu’il ne pouvait pas y avoir dans les années 70 parce que maintenant, tu googles pour savoir comment planter des patates. »

Pour le cinéaste, cette mouvance développe une plus grande résilience communautaire face aux grands défis climatiques qui nous attendent. La série pose d’ailleurs son regard sur le combat de Gaspésiens qui luttent contre l’exploitation des minières et des pétrolières.

Habiter le territoire

Pour Moïse Marcoux-Chabot, l’objectif était de dépeindre la vie de ces gens qui ont choisi d’habiter le territoire. N’allez surtout pas dire « occuper » le territoire! Le jeune documentariste a horreur du mot. « Moi, j’aime parler de gens qui habitent le territoire, précise-t-il. Ce sont des gens qui habitent là à l’année, qui ne sont pas juste là l’été, en touristes, dans des Airbnb ou dans des hôtels. Ils connaissent le territoire et la forêt, ils la cultivent. Ils mangent le territoire. Ce n’est pas anodin, les mots qu’on utilise. Pour moi, les mots sont importants. On n’occupe pas la Gaspésie, on l’habite! » Maxime Castro, un Français « tombé par hasard » en Gaspésie, souligne que le fait de pouvoir s’approprier le territoire en l’habitant et en y tirant de quoi y vivre explique son choix d’y rester depuis cinq ans.

Marie-Ève Paquette, qui travaille à promouvoir le concept d’autonomie alimentaire, croit que la série donnera le goût aux gens de venir vivre en Gaspésie. « Je pense qu’il y a beaucoup de fierté et d’enthousiasme dans ce qu’on fait, estime la Néo-Gaspésienne native de Québec. Il y a un engouement. On sait qu’on fait partie de quelque chose de beau. Il y a de l’espoir. Qui peut chialer là-dessus? C’est juste super simple. […] On n’est pas des illuminés qui sont en train de proposer quelque chose d’impossible! Pourtant, on est tous du monde un peu marginal ou marginalisé. […] Moi, je suis tellement fière qu’on soit en train de construire ça pour nos enfants! »

Que signifie le mot « ramaillages »?

Le titre du documentaire Ramaillages est inspiré d’un ancien mot français qui définit l’action de réparer un filet brisé par les pêcheurs. « Ramailler, c’est refaire les mailles d’un filet », ajoute l’auteur de la série. Pour lui, le mot décrit aussi bien le renforcement ou la réparation des liens sociaux, la création de liens à l’intérieur des communautés locales et la passation de savoir-faire entre les générations.

« L’idée est bien simple : c’est de se rassembler pour être plus forts collectivement », résume Moïse Marcoux-Chabot. « Chacun est une maille, illustre Bilbo Cyr. C’est le fil qui nous tient ensemble, qui fait un tissu social qui donne de la cohésion et de la force. »

Bilbo Cyr, Yanik Élément, Marie-Ève Paquette et Maxime Castro sont des Gaspésiens qui, dans Ramaillages, décrivent leur façon d’habiter la péninsule.

Websérie gratuite

Après une tournée gaspésienne en présence du réalisateur Moïse Marcoux-Chabot qui a fait salle comble partout, la première de Ramaillages a été présentée à guichet fermé le 7 mars aux Rendez-vous Québec Cinéma à Montréal. Ramaillages représente la première série documentaire financée à 100 % par l’Office national du film. Produite par Colette Loumède, la série est présentée en six épisodes de 30 minutes chacun, accessible gratuitement sur le site Web de l’ONF.

  • ÉPISODE 1 : Territoires
  • ÉPISODE 2 : Semences
  • ÉPISODE 3 : Racines
  • ÉPISODE 4 : Braises
  • ÉPISODE 5 : Récoltes
  • ÉPISODE 6 : Communautés
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