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13 octobre 2017 16 h 26

TOUCHE PAS À MON CAMP DE CHASSE

GASPÉ – Des centaines de camps de chasse illégaux parsèment toujours le territoire public en Gaspésie, même si le ministère serre la vis aux chasseurs. Des amateurs de gros gibier s’y réchauffent à nouveau cet automne en jouant au chat et à la souris avec les autorités et en espérant ne pas retrouver leur camp calciné au printemps.

Le jour où GRAFFICI visite le chemin de la Craque, entre Grande-Vallée et Murdochville, on est à 15 jours de la chasse à l’arbalète et les bouleaux commencent à virer au jaune. Les chasseurs d’orignal prisent ce secteur situé en territoire public. Ils sont plus de mille à y chérir un « trou de chasse », estiment mes guides-chasseurs. Si certains occupants ont signé un bail pour s’installer à demeure, des centaines occupent leur camp sans être enregistrés.

La question demeure délicate. Les deux chasseurs veulent bien m’accompagner dans le dédale des chemins pour me montrer des camps, mais refusent qu’on les nomme. Ils ne s’approchent pas non plus des camps avec moi, de peur qu’une caméra-vigile les repère. Ils craignent des représailles. « C’est une corde vraiment sensible. Le territoire appartient à tout le monde. Mais quand ça fait 50 ans que tu es là… », lance le premier.

Camps brûlés
Ces dernières années, le ministère des Ressources naturelles a intensifié son contrôle des camps de chasse. Ceux qui ont construit un chalet ou immobilisé une roulotte sans permission voient un avis épinglé sur leur bien. S’ils ne s’y conforment pas – le camp est souvent impossible à déplacer de toute façon – le ministère en prend possession et peut le brûler, ce qu’il a fait 80 fois dans les trois dernières années.

C’est arrivé au deuxième chasseur qui me guide. Il insiste pour dire que le camp appartenait non pas à lui, mais à son frère décédé il y a 16 ans. Toutefois, il l’occupait et ses affaires étaient dedans. « Une arbalète, des flèches, des vestes de chasse… ils ont tout flambé et ils n’ont rien ramassé. Le camp ne nuisait pas, il était à l’extérieur du chemin! Ils ont flambé de la tôle, des pneus et des chaises de plastique », dit-il.

L’enjeu suscite encore de la grogne chez les chasseurs, même s’ils se résignent de plus en plus, observe Alain Poitras, président de la Fédération des chasseurs et des pêcheurs de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. « Il y en a qui ne sont pas contents, c’est sûr, mais c’est ceux qui ont des camps illégaux. Ceux qui respectent la loi n’ont pas de problème. Et ceux qui se font brûler, ils avaient été avertis plusieurs fois. »

Le ministère pas assez assidu, selon des chasseurs
M. Poitras pense que le ministère aurait dû appliquer la loi de façon plus assidue dans les dernières décennies. « S’il avait fait respecter la loi à 100 %, on n’en parlerait pas aujourd’hui […]. Les gens ne se seraient pas mis à se gâter, à se dire : ils m’ont pas tanné, je me fais une galerie, puis une rallonge. »

Légaliser les camps en faisant payer les chasseurs? Les détenteurs de baux auraient l’impression de se « faire avoir », dit M. Poitras. Et les camps sont si nombreux que le territoire n’aurait plus rien de public après une telle opération.

Un « trou de chasse » à 15 000 $
Les camps de chasse illégaux sont liés à un autre enjeu : l’appropriation du territoire. En théorie, les détenteurs de permis peuvent chasser à leur guise en terres publiques. Dans les faits, les chasseurs qui ont construit des échafauds, installé des salines et bâti un camp voient ce territoire comme le leur.

Au point où ces « trous de chasse » se vendent à prix fort, malgré l’absence de titres de propriété, rapporte Yves Moussette, de Grande-Rivière. « Ça se fait régulièrement. Ça peut être vendu 5000 $, 10 000 $ ou 15 000 $. »

Le nombre de permis de chasse à l’orignal a presque doublé en Gaspésie depuis 1998, mais est stable autour de 24 500 depuis 2009. La popularité de la péninsule s’explique par le succès de chasse qui dépasse les 20 %.