Un temps d’arrêt gaspésien avec Laurent Duvernay-Tardif
GASPÉ | Il cumule les carrières de joueur de football, d’ambassadeur artistique et de coprésident de sa propre fondation, auxquelles s’ajoute un diplôme de médecine. Sous d’autres latitudes, Laurent Duvernay-Tardif est cette personnalité publique élevée au rang de modèle pour toute une génération. Mais si vous cherchez simplement Laurent, c’est en Gaspésie que vous le trouverez.
La remarque a tôt fait de piquer la curiosité du grand gaillard, attablé avec des amis du coin au chalet familial, bicoque dressée à un jet de pierre de la baie de Gaspé. Accroché aux élastiques sanglant les pinces des homards, un médaillon bleu indique la provenance des crustacés, lui apprend-on, entre deux bouchées.
«Ça a comme cliqué dans ma tête, que toutes les bouées qu’on voit, c’est des cages de homards», raconte Laurent Duvernay-Tardif, avec dans la voix cet entrain qui, immanquablement, l’anime. Et comme il en a l’habitude, l’athlète de 29 ans fait flèche de tout bois.
«On m’a mis en contact avec un pêcheur, Jimmy Lepage; c’était un lundi soir. Le mardi matin, à 2h30, je me levais pour me rendre pêcher avec lui à l’Anse-à-Beaufils!», relate-t-il, toujours soufflé par cette expérience on ne peut plus éreintante, même pour celui qui, dans les derniers mois, a été au front de la pandémie de coronavirus. C’est sans compter les épreuves de force endurées sur la ligne offensive des Chiefs de Kansas City, équipe qui l’a repêché en 2014 et avec laquelle il a remporté le dernier Super Bowl.
Une histoire d’amour qui dure
Certes, cette expérience sur un homardier était une première, mais, si vous ne le saviez pas déjà, Laurent Duvernay-Tardif en connaît un rayon sur la mer et ses rouages. D’ailleurs, la profonde affection qu’il porte à la région y trouve ses origines.
«J’ai découvert la Gaspésie en revenant d’un voyage familial en voilier, un an à l’aventure dans les Caraïbes et sur la côte est américaine, expose-t-il. Quand on est rentrés, Gaspé a été mon premier contact avec le Québec, chez nous, et ç’a immédiatement cliqué. À l’époque, j’avais 16 ans et j’ai dit à mes parents que je voulais rester ici pour l’été et suivre des cours de voile.»
Lors des cinq étés suivants, il travaillera comme instructeur à l’école de voile Le Cormoran, à la marina de Gaspé, puis éventuellement au bistro-bar le Brise-Bise, où il fait la connaissance d’amis avec lesquels il tisse des liens solides. «Laurent est très attaché à ses amis d’ici, souligne Claudine Roy, une amie proche de Guylaine Duvernay et François Tardif, ses parents. C’est un bel humain. Ses liens d’amitié, il les chérit», enchaîne celle qui était à la tête du Brise-Bise lorsqu’il y était serveur.
S’il est plus familier avec la région en période estivale, les différentes Traversées de la Gaspésie auxquelles il participe ou encore l’étape qu’il fait à Gaspé lors d’une tournée de sa fondation, en février 2019, lui dévoilent un territoire certes différent, mais dont l’essence demeure.
«La Gaspésie hivernale, c’est une réalité complètement différente. Il y a beaucoup moins de touristes, on est plus solitaire, mais en même temps c’est tout aussi vivant. Les gens restent les mêmes et je suis en amour avec les gens de la Gaspésie», admet-il.
Équilibre géographique
À l’évidence, l’équilibre semble être credo chez Laurent Duvernay-Tardif. En fait foi la trinité «football, médecine et art» dictant son quotidien. C’est un canevas qu’il transpose également à la mission de sa fondation mise sur pied en 2017: promouvoir l’équilibre entre le sport, les études et les arts.
Le gaillard faisant la navette entre Montréal et Kansas City se dépose ainsi annuellement à Gaspé avec sa copine de longue date, Florence Dubé-Moreau. Le volet arts de la fondation, c’est elle. C’est un arrêt lui permettant d’atteindre cet équilibre recherché: Gaspé, comme la troisième assise du trépied qui jalonne sa vie des six dernières années.
«Entre Kansas City, Montréal, tous les projets, ma fondation et la présence médiatique, Gaspé devient un peu une escapade où je sens que je suis là, pas à titre de joueur de football ou de gagnant du Super Bowl, mais à titre de Laurent le chum qui a envie de venir voir ses amis et de s’amuser», dévoile-t-il, laissant apparaître un besoin de normalité dans cette vie menée à haute vitesse.
À ce désir de normalité, se greffe la nécessité de décrocher. La route 132, à l’image d’un sas, sert de transit vers cette destination.« Il y a beaucoup de monde qui trouve que c’est loin, la Gaspésie. Mais cette route-là, après avoir fait les cinq premières heures d’autoroute, d’arriver à Mont-Joli, de traverser Matane, Sainte-Anne-des-Monts, Mont-Saint-Pierre, l’Anse-Pleureuse, puis Murdochville, dans les montagnes, pour moi ça fait partie d’un rituel, illustre-t-il. Voir les paysages, se ressourcer et amorcer cette transition-là vers décompresser».
Se laisser porter
Habitué de soutenir un rythme effréné, Laurent, l’ami, le Gaspésien de cœur, ralentit pour se synchroniser à la mesure gaspésienne. « Comme il est beaucoup moins sollicité ici, il prend le temps de respirer par le nez, de se déposer », remarque Claudine Roy. Les plans sont mis de côté.
« C’est sûr que lorsque je viens ici avec ma copine, on a des incontournables, comme marcher de Grande-Grave jusqu’à Cap-Gaspé (dans le parc Forillon) ou pêcher le maquereau. Mais c’est surtout important de se laisser porter. On est des gens qui aiment inviter et recevoir et quand on va en Gaspésie, c’est comme l’inverse. Y’a des années, on se ramasse à faire du trekking au Mont Saint-Alban, à aller voir un band à la Vieille usine à l’Anse-à-Beaufils ou encore à pêcher le homard», souligne-t-il.
Pas de plans pour Laurent Duvernay-Tardif, vraiment? « C’est sûr que j’ai des plans pour la région ! C’est encore embryonnaire, mais ça va venir », de dévoiler celui qui, pour l’heure, compte revenir à chaque fois qu’il le pourra. Dans l’intervalle, Laurent poursuit sa préparation en vue d’un éventuel retour à Kansas City. Mais la Gaspésie saura l’attendre. Ici, ce n’est pas le temps qui manque.
Florence Dubé-Moreau et Laurent Duvernay-Tardif profitent de chacun de leurs séjours en Gaspésie pour arpenter leurs plages préférées.
Photo: Offerte par Laurent Duvernay-Tardif
Laurent Duvernay-Tardif était de passage en Gaspésie, à l’hiver 2019,dans le cadre d’une tournée organisée avec sa fondation. À cette occasion, il a traversé la baie de Gaspé en compagnie de 200 enfants de trois écoles différentes.
Photo : Charles Bilodeau